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Ces îles mystérieuses
Chikly et la Galite
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 08 - 2010

«Il faut mériter ses îles », disait Armand Guibert et nombreuses sont les îles qui façonnent le paysage des côtes tunisiennes : La Galite, Zembra, Zembretta, Kuriat, Plane, Khneiss, autant de noms qui suscitent la curiosité et incitent à la découverte. Autant d'îles pour autant de mystères et d'histoire.
Nonobstant leurs dissemblances, elles ont cependant un trait d'union‑: elles sont loin des yeux. Cependant, deux d'entre elles par faute de moyens de communication, à savoir la Galite et Chikly, semblent tel des cailloux en Méditerranée, posés sur les flots par un caprice divin. C'est ce qui rend leur redécouverte, plus excitante encore.
Pourtant, de tous les siècles passés, ces îles assuraient leur communication non seulement avec le continent mais aussi avec les autres îles.»
Chikly, le petit îlot, brave la règle. Il pointe du nez et nargue les badauds qui se promènent sur les Berges du Lac depuis que le fort castillan a repris une forme imposante, suite aux travaux de restauration en cours.
Cependant, le nom de l'île n'éveille aucun écho chez les Tunisiens. L'injustice est de taille, car la mollesse de la mémoire des humains est un préjudice à l'égard de ce fragment de terre millénaire qui émerge avec fierté au beau milieu des eaux salées du lac de Tunis.
Chikly, la sentinelle
Eternelle et changeante à travers l'histoire, cette mignonne motte flottante livre difficilement ses secrets.
En effet, l'on connaît peu de choses sur la géomorphologie de l'îlot de Chikly, à part la topographie plate et très basse de cette île qui s'étend sur 1,5 ha et qui se situe au milieu du lac nord de Tunis. Seuls, les bateaux à faible tirant d'eau peuvent y accéder à cause de la faible profondeur des eaux. C'est que l'assainissement du lac de Tunis a, semble-t-il, colmaté une faille géologique profonde de quelque 20 mètres et provoqué son ensablement par les travaux de dragage effectués avec succès.
En effet, les Tunisois se rappellent que vers la fin des années 80, le lac de Tunis dégageait de fortes odeurs désagréables dues vraisemblablement à son aspect lagunaire et à sa conversion en déversoir des eaux usées provenant du Grand-Tunis et de ses environs.
Certes, la dégradation du lac a été accentuée depuis 1885, lorsque les Anglais ont construit la voie ferrée reliant Tunis à La Goulette, isolant ainsi le bassin nord.
N'empêche, ce lac causait déjà des désagréments à nos ancêtres de l'antiquité tel qu'en témoignent les inscriptions retrouvées à Carthage et qui mentionnent que les habitants de ces lieux se plaignent de l'odeur nauséabonde que dégage le lac et qui était due à la présence d'eau stagnante et à une forte eutrophisation durant les grandes chaleurs d'été. L'assainissement du lac a fort heureusement remédié à cette nuisance grâce à l'aménagement d'un système de circulation des eaux qui permet leur renouvellement par son alimentation systématique en eau de mer pendant la marée haute. Cependant, l'abandon de l'île dans ce milieu humide a favorisé la préservation d'un écosystème insulaire fragile.
En effet, la flore de l'île est non seulement composée d'une végétation d'herbacées, constituée de plantes nitrophiles, de plantes rudérales, de l'unique plante ligneuse qui se concentre à proximité des dépressions qui se remplissent d'eau de mer pendant la marée haute, mais aussi de plantes halophytes qui colonisent les zones qui entourent les dépressions. L'hiver est indéniablement la meilleure saison pour admirer les superbes formations d'herbacées verdoyantes qui se présentent comme des fresques colorées, éparpillées un peu partout dans la partie nord de l'île. Par ailleurs, cette flore en zone humide, conjuguée à la quiétude de l'île, a favorisé le développement d'une avifaune riche et diversifiée. Loin donc de la chasse et du piégeage, l'île de Chikly représente, dans ce contexte, un paradis de choix pour ces colonies d'oiseaux qui fréquentent l'île. Selon les ornithologues, plus de 57 espèces trouvent refuge dans l'île. L'on retrouve ainsi des espèces nicheuses, des espèces hivernantes, des espèces estivantes, des espèces sédentaires ou tout simplement des espèces de passage sur le lac de Tunis ou à proximité de l'île. De ces espèces, l'aigrette garzette représente assurément la figure emblématique de l'île de Chikly.
La coquette
Le nom de Chekla ( en arabe Chekila, qui veut dire coquette) lui a été attribué par El-Bekri vers le XIe siècle. Dans son ouvrage sur l'Afrique septentrionale, El Bekri décrit ainsi l'île. «A l'est de la ville de Tunis, il y a un grand lac qui a vingt-quatre mille de circuit, au milieu se trouve une île nommée Chekla, qui produit du fenouil et qui renferme les restes d'un vieux château».
Cette appellation a été par la suite reprise par Ibn-Abi Dinar El Kairaouani au XVIIe siècle après avoir subi une petite déformation, devenant ainsi Chikly.
Cependant, Marcel Gondolpho, dans son ouvrage sur l'histoire de Chikly, pense que cette appellation provient probablement des Italiens ou des Siciliens incorporés dans le bastion espagnol par Charles Quint lors de sa campagne en Ifriqya de 1535. Ces Italiens, originaires d'une cité de Syracuse érigée sur un rocher qui s'appelait Scili, aurait probablement déformé l'appellation de Chekla en Chikly, selon le même auteur.
Les fouilles archéologiques effectuées ont révélé l'existence de vestiges d'époques punique, romaine et byzantine. Ces découvertes attestent de la superposition des civilisations antiques qui se sont succédé sur le sol de l'île.
Aucune source écrite ne l'atteste, pourtant les éléments recueillis confirment sans équivoque aucune l'occupation de l'île dès l' Antiquité.
Les pièces de monnaie trouvées sur le site témoignent que les Byzantins ont succédé aux Romains et ont entrepris des fortifications sur les vestiges d'habitations jadis occupés par les Puniques. Les pièces de céramique et de poterie, les lampes à huile et les inscriptions latines (non encore déchiffrées) constituent incontestablement des témoignages palpables qui serviront sous peu à la reconstitution de l'histoire de l'île. Mais parmi ces révélations, les plus imposantes sont indéniablement les superbes fresques en mosaïque polychrome à motifs géométriques qui recouvrent les pavements de quatre pièces d'une villa romaine qui date du IVe siècle située à l'est du fort.
L'île des loisirs
Le fort lui même semble avoir été édifié sur des vestiges romains et byzantins et les chercheurs estiment même que la pierre utilisée pour la construction de ce monument provenait probablement des restes des pierres de l'aqueduc qui reliait le temple des eaux de Zaghouan à Carthage et qui alimentait en eau les vergers d'Ibn Abi Fehr.
Par ailleurs, les découvertes mettent en évidence la profondeur historique de l'île bien avant l'existence du fort et suscitent par la même occasion des hypothèses quant à sa configuration topographique différente par le passé et sa superficie, qui était certainement plus grande.
Toutefois, les villas romaines forment un témoignage précieux sur l'utilisation du site en tant que lieu de villégiature durant l'ère antique. Abou Fadhl Allah El-Omari (1337-1338) décrit l'île de Chikly comme «un endroit pittoresque et dont on peut admirer les alentours du lac et des jardins environnants». En effet, des sultans hafsides qui effectuaient des visites printanières à l'île organisaient des f êtes durant les saisons de pêche aux poissons, ils y installaient des tentes et y séjournaient pendant plusieurs jours, s'adonnant à des activités de loisirs et de divertissement.
Chikly, la sentinelle
Nonobstant le désaccord des spécialistes sur la date de la construction du fort de Chikly, les sondages récents prouvent que le fort est d'un style purement espagnol, mais il reste probable qu'il ait été bâti sur les vestiges d'un château fort lui-même tombé en ruine vers la fin de l'époque des Aghlabites.
Les recherches effectuées ont dévoilé que le fort actuel a été construit entre 1535 et 1540 sur ordre de Charles Quint qui a vite compris le rôle que peut jouer l'île en tant que défense avancée dans la protection de la ville de Tunis.
Selon M. Rachid Ghérib, chercheur spécialisé dans les monuments islamiques, l'édifice a connu trois épisodes de construction, d'extension et de renforcement. La citadelle érigée pour la première fois sur un seul niveau, présentait alors une cour centrale, des chambres pour la garnison et des abris pour canons dans lesquels étaient installées des pièces d'artillerie et autour du fortin des douves ont été creusées.
Au cours de l'occupation espagnole, des fortifications ont été apportées sur le fort. Ainsi, un petit môle en pierre a été aménagé à l'ouest de l'îlot (en dehors du fortin) pour servir d'abri à une petite flottille de galère et de chaloupes.
La défaite de Kheireddine Barberousse et la prise de La Goulette et de Tunis en 1535 par Charles Quint donnent lieu à une domination espagnole qui dura près de 40 ans. Période durant laquelle plusieurs noms ont été attribués à l'île sur laquelle il a été procédé à la construction d'une citadelle.
Fort de l'Etang, île Santiago, île Saint-Jacques, des appellations se succèdent mais qui semblent être attribués à l'île sous le règne de Bernadino de Mendozza, premier gouverneur de La Goulette.
En 1574, après la défaite des Espagnols par les troupes de Sinan Pacha et la capitulation de l'île de Chikly, dernier bastion des Espagnols, l'île retrouva son appellation qu'elle conserve jusqu'à ce jour.
Quand les Espagnols succombèrent devant les troupes de Sinan Pacha en 1574, la garnison de Chikly a été fortement endommagée par les assauts de l'armée ottomane.
Par la suite, elle tomba en ruine. Arrivé au pouvoir en 1660, le Dey Mustapha Laz entreprit la restauration du fortin en y ajoutant une aile pour une garnison de janissaires par crainte d'une attaque- surprise des corsaires maltais. Cette présence militaire sur l'île se poursuivra jusqu'au VIIIesiècle date à laquelle Hammouda Pacha retira la garnison et transforma le fort en lazaret pour les pèlerins venant de la Mecque.
Une mosquée fut donc construite pour permettre à ces pèlerins d'effectuer les prières dans des conditions normales. Le fort, mal entretenu, menace ruine et Ahmed Bey décide d'installer un relais de télégraphe pour assurer les liaisons entre La Goulette, Le Bardo et Mhamedia.
Quelques navettes assuraient encore le transport des secrétaires du Bey entre Tunis-Chikly et La Goulette quand le Bey se trouvait dans sa résidence d'été à La Goulette. Mais lorsque la voie ferrée Tunis-La Goulette fut construite en 1885, l'îlot fut aussitôt abandonné, et complètement déserté, et est devenu depuis la résidence favorite des oiseaux. En 1860, David Sammama, qui avait fondé le premier établissement bancaire en Tunisie, à savoir le Comptoir maritime de crédit marseillais (Banque de Tunisie), acheta au Bey l'île de Chikly pour quarante piastres. Son fils aîné, Albert Sammama, passionné d'archéologie, ajouta alors Chikly à son patronyme par amour de l'endroit.
C'est dans le cadre d'une coopération tuniso-espagnole qu'un programme de restauration et de mise en valeur de l'île a été entamé en 1994 pour s'achever en 2004.
Grâce à ce projet, la forteresse a retrouvé sa forme antérieure. Au grand dam des Tunisiens, cette île ne peut être visitée.
La Galite, l'île aux langoustes
L'archipel de la Galite, qui nous hante au large de la Méditerranée, livre chichement ses secrets. Pour les amateurs de nature et de sensations fortes, les robinsonnades sont encore possibles dans ces îles. Pour les férus de géologie, c'est la seule localité d'origine volcanique en Tunisie. Pour les sociologues, il est temps d'étudier l'unique région du pays à avoir été occupée uniquement par des «étrangers». En effet, c'est une île qui viole les lois du temps, tant son histoire a été discontinue. Pourtant, elle a eu par intermittence des épisodes épiques. Posée par une main divine sur les eaux salées, la Galite demeure éternelle mais toujours changeante à travers les yeux qui se posent sur elle.
Aujourd'hui, toute vie a reflué d'elle. Aussi déserte que son cimetière marin, la Galite n'éveille à peu près aucun écho dans notre quotidien. Elle redevient une portion de terre à explorer et s'offre gracieusement pour consoler ceux qui ne résistent pas à la tentation du large.
L'île se vide d'un seul coup
Au début du XXe siècle, la Galite connut une certaine «prospérité» avec la mise en valeur de quelque 60 hectares de terres cultivables ainsi que par l'exploitation des richesses halieutiques environnantes, en particulier les langoustes.
Naturalisés citoyens français pour la majorité écrasante d'entre eux, les Galitois bénéficièrent d'une amélioration sensible de leur niveau de vie et de la qualité de leur relation avec le continent.
Après l'indépendance du pays, en 1956, le décret de 1964 de nationalisation des terres tenues par des étrangers et par des colons vida d'un seul coup l'archipel. La population, estimée à 200 personnes dans les années 60, s'en est trouvée réduite à zéro aujourd'hui si l'on excepte les quelques militaires et les garde-côtes qui veillent sur l'archipel.
Ces militaires se sont aujourd'hui attelés à réhabiliter les anciennes maisons en ruine du village et à réaménager les routes et les quelques infrastructures de base dans l'île. Le projet en cours, dont l'objectif essentiel est de redonner vie à l'île, porte aussi sur la restauration des constructions à caractère historique ainsi que sur la mise en valeur des vestiges archéologiques datant de l'époque punique tels que les nécropoles et l'habitat troglodyte. Au plan de l'environnement, la Galite, qui est d'une importance majeure en termes de biodiversité, souffre de la dégradation progressive de son écosystème.
L'île est donc aujourd'hui en sommeil, après avoir joué pendant des siècles un rôle de premier plan dans l'histoire de la Méditerranée. Pourtant les routes de la navigation ne se sont jamais détournées d'elle. Mais elle tient à l'écart les navires de fort tonnage et seuls les plaisanciers et les barques peuvent l'approcher.
Sur les vagues de ce grand bleu, on s'escrime à reconstituer comme un puzzle l'histoire d'une mer qui a été la plus écumée et le plus avidement pressée par la curiosité de l'homme mais qu'on s'afflige de voir sa paix violée par les longs courriers et les cargos sans gloire qui croisent au large, battant divers pavillons.
On sait que l'on met le cap sur une île dépeuplée où il n'y a plus un seul galitois, mais l'on continue à faire voile vers sa Désirade, tant elle est entourée de mystères.
C'est une île qui fait valoir son droit à la singularité, tant son passé est chargé d'histoire. Sentinelle immobile, elle fut de tous les assauts, acteur involontaire d'une histoire longue de plus de trois millénaires. Cependant, sa solitude restera incomplète : les îles Galitons et Fauchelles lui tiennent compagnie depuis la naissance.
Tout est paisible dans l'île. Agreste et silencieuse, l'âme y éprouve la liberté farouche, le goût de dominer et le besoin de retourner aux jouissances naturelles. Ptolomée la nommait Glathea et son histoire est infiniment obscure. Même Pline, Silus Italicus et Delivio Sanuto n'ont pu éclairer les historiens sur le passé de l'île. Mais il est presque établi que l'île n'a pu être habitée de façon permanente que par les Phéniciens, qui «en firent sans doute un avant-poste d'Uthique et de Carthage». Mais même s'il est difficile de dater la première occupation de l'île, la découverte «d'éclats d'obsidienne est, pour le moment, la seule preuve de la présence de l'homme dans l'archipel aux temps néolithiques».
Une petite incursion dans le passé des premiers habitants sédentaires de l'île révèle qu'en 1906 l'on fait état de la présence à la Galite de174 Européens dont 67 Français et 107 Italiens. Ces chiffres qui vont crescendo jusqu'en 1926 (193 Européens en 1926 dont 131 Italiens) allaient décroître à partir de 1931 où sur les 175 Européens présents dans l'île, 133 sont français, par suite de naturalisation massive, et 42 seulement italiens. Ce qui est frappant sur cette terre, c'est l'absence quasi totale de population musulmane ou israélite. Il faut attendre les années 1938-1939 pour trouver mention, dans des rapports de gendarmerie, de la présence de quelques bergers tunisiens au service d'éleveurs italiens. Des bergers qui se seraient, d'ailleurs, convertis au christianisme ! Mais comment vivaient ces Galitois ?
Relevons d'emblée que la nature a offert aux Galitois quand même quelques  compensations pour adoucir leur sort,   tels ces figuiers fort généreux et cette vigne, qui sont la grande richesse de ce sol mésestimé. En effet, en bon Méditerranéen, le Galitois  aime immodérément le produit de vignoble, mais l'ivresse sur la voie publique constitue, ici comme ailleurs, un délit. Le Galitois est, au contraire de beaucoup d'insulaires de la Méditerranée, de caractère «expansif et enjoué». Armand Guibert rapporte à ce propos que le jour du carnaval, «un épouvantail fait de dîss et revêtu de défroques est promené de maison en maison. On le brûle au matin des Cendres avec des transports de liesse.  Le soirs d'hiver, on danse au son de l'accordéon : on danse lorsque arrive le courrier chargé de vivres, de parents et d'amis. On danse après avoir immolé le cochon noir, richesse et bonheur de chaque foyer. On danse pour les baptêmes et pour les mariages». Pour le Galitois, tout est prétexte pour festoyer. Cependant, cette vie n'était pas uniquement ponctuée de fêtes, car il arrive que se produisent quelques querelles entre les familles, mais qui «se vident dans l'intimité de quatre murs». A l'origine de ces querelles se trouve parfois la langouste.
Des hauteurs du piton supérieur, qui culmine à quelque quatre cents mètres, on se sent maître de ces terres tourmentées, des mers qui les encerclent, des bateaux, oui ! qui se traînent sur les eaux comme des scarabées. S'adossant au poste de vigie, depuis longtemps désaffecté, on laisse aux yeux le plaisir de parcourir ses murs et de déchiffrer les inscriptions mélancoliques des anciens occupants qui les recouvrent. De cette hauteur, la vue panoramique est retenue par les noirs amoncellements de deux îlots détachés : la Fauchelle, à peu près inaccessible, et le Galiton, dont la masse volcanique est surmontée d'un phare.
Tout comme l'île de Chikly, La Galite, plongée dans sa léthargie actuelle, reste enveloppée du même mystère qui entoure les autres îles et îlots de la Tunisie : l'îlot Kneiss au sud de Mahrès, les îles  Kuriat au large de Monastir, l'île Plane qui fait face à Ghar El-Melh, l'île Pilau ou l'île Cani à la latitude de Cap Zebib.
Toutes des îles au «trésor» qui nous enivrent de leur beauté et dont la découverte ne sera ni moins passionnante ni moins fertile en surprises que celle de la Galite, l'île de toutes les tentations.


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