62 % des sondés par «One to One» estiment que la performance du gouvernement dans la lutte contre la corruption est si mauvaise qu'elle n'a abouti à rien Bien que publiquement stigmatisée, la corruption a fini par devenir un vrai danger banalisé. Pourtant, toutes les données et statistiques ont fait état de son ampleur et de ses conséquences ravageuses sur la société, à bien des égards. En témoigne, déjà, «Transparency international», dans son dernier rapport, plaçant la Tunisie au 76e rang à l'échelle mondiale, en termes d'indicateurs de perception de la corruption pour l'année 2015. Soit un score des plus catastrophiques, jamais atteint auparavant, devançant ainsi l'Algérie, le Maroc et l'Egypte. Réticences Toutes les enquêtes empiriques réalisées sont unanimes sur l'amplification du phénomène, d'une année à l'autre, sans que le gouvernement tunisien ne bouge le petit doigt. «One to One», un institut d'étude de marchés et de sondages d'opinion, basé à Tunis, vient, lors d'une conférence de presse tenue, hier matin dans la capitale, de mettre au jour les résultats d'une enquête sur la corruption en Tunisie. Pour ce faire, l'équipe d'enquêteurs «Afrobaromètre» qu'il dirige, sous nos cieux, a ciblé un échantillon représentatif aléatoire de 1.200 interviewés, sur une zone géographique démographiquement proportionnée. Ce choix d'échantillonnage a donné des résultats dont la marge d'erreur est, plus ou moins, de 3%, à un niveau de confiance estimé à 95%. Tout compte fait, une conclusion de taille est tirée : les Tunisiens se révèlent en mesure de lutter contre la corruption, mais craignent, en revanche, les contrecoups de la dénonciation. C'est pourquoi, 60 % d'entre eux justifient le fait de ne pas signaler des cas. D'autres croient que même le signalement ne peut rien changer. Ce qui explique leur réticence à informer sur le phénomène, quoi qu'ils soient convaincus que la meilleure solution serait de le dénoncer publiquement. Alors que ceux-ci considèrent la corruption comme une des questions majeures auxquelles il faut faire face et que le gouvernement Essid devrait, désormais, inscrire à son ordre du jour, après le chômage, la sécurité, l'économie et la pauvreté. Hommes d'affaires, administration et police Placé en 5e position des préoccupations nationales inquiétantes, ce phénomène est perçu comme un mal social transversal qui ronge tous les secteurs vitaux, à des degrés relativement variés. L'on ne saura jamais l'éradiquer en dehors d'une volonté politique et de réforme stratégique. Cependant, nombreux sont ceux qui n'y croient pas. 62 % des interrogés ont répondu que la performance du gouvernement dans la lutte contre la corruption est si mauvaise qu'elle n'a abouti à rien. Car, fait-on aussi remarquer, ses mécanismes législatifs et institutionnels de lutte anticorruption semblent encore mal en point. Il ressort du rapport qu'une grande majorité des Tunisiens (64%) affirment que la corruption a gagné en ampleur, ayant atteint des seuils vertigineux. Cette proportion s'élève même jusqu'à 71 % pour une catégorie d'âge de 40 ans. Cette perception puise dans des convictions communes qui font que près de 50 % des interviewés pointent du doigt, en premier lieu, les hommes d'affaires corrompus. Viennent, ensuite, avec des pourcentages très rapprochés, les collectivités locales, les fonctionnaires de l'administration, puis la police. Au point de voir certains d'entre eux reconnaître avoir recours à monnayer un service quelconque, que ce soit dans l'administration, les hôpitaux publics, l'école ou ailleurs. Une récente étude a montré, d'ailleurs, que 27 % des citoyens paient des pots-de-vin. La petite corruption, souligne-t-on, liée à l'administration et aux agents publics, a causé, en 2013, des pertes estimées à 450 millions de dinars en Tunisie.