La réforme du dispositif de sécurité, un choix irréversible Première du genre dans la région: lancement, hier, de « l'index arabe du secteur de la sécurité et les perspectives citoyennes de 2015 ». Selon une enquête de perception menée à ce niveau sur un échantillon représentatif de 4.800 ménages dans quatre pays choisis, la Tunisie vient en tête, avec un score jugé positif de 57 %, suivie de l'Irak (53 %), de la Palestine (50 %) et du Yémen avec 44 %. Un bilan qui reste, faut-il le dire, relatif, toutes proportions gardées. Avec une note moyenne de 0,51 calculée sur la base d'un total de 1,0 (soit cent pour cent), cet index indique que la réforme de l'appareil sécuritaire dans cette partie du monde a fait très peu de progrès. Et dans une large mesure, le constat tel qu'établi par les enquêteurs arabes, soutenus par un centre canadien de même vocation, a montré que « la moitié des citoyens interrogés dans les quatre pays concernés ne font pas quasiment confiance en leurs services de sécurité, d'autant plus qu'ils se sentent insatisfaits de leur performance.. ». Ils pensent également que la police dans ces pays respectifs semble être plutôt au service du régime au pouvoir, au mépris du citoyen. Force est de constater, de ce point de vue, que la catégorie jeune s'est montrée beaucoup plus sensible à ce préjugé défavorable. Si tant est que le regard dont elle porte à l'égard du corps sécuritaire tienne encore ses traits noircis. Et bien que le « printemps arabe » se soit installé, il y a quatre ans déjà, l'institution régalienne de l'ordre se voit en perdition, n'ayant, jusque-là, pu rattraper ce bout de temps perdu. Conjoncture arabe aux abois Dans nos murs, les choses ne paraissent point différentes, à quelques exceptions près pour ainsi dire. Mais, M. Wassim Thabet, directeur central au ministère de l'Intérieur, présent à la place du secrétaire d'Etat aux affaires sécuritaires, Rafik Chelly, s'est déclaré aussi content du résultat. La position de notre pays, arrivé en haut de l'échelle, s'explique, à l'en croire, par l'ensemble des réformes structurelles déjà en chantier qui sont susceptibles d'asseoir les bases d'une vraie police républicaine. L'ultime but étant, selon lui, d'améliorer, autant que possible, les rapports du contact agent-citoyen. Et pourtant, cela fait cinq ans ou presque qu'on en entend parler ainsi, sans voir rien venir. L'heure de vérité tarde à sonner, à l'aune des objectifs et défis à relever dont plus particulièrement la neutralisation à la racine de l'hydre terroriste comme signe de victoire sécuritaire. A plus large échelle, la conjoncture arabe est aux abois, alors que la relation police-citoyen ne semble pas être au beau fixe. Et comme la force des nations se mesure, en quelque sorte, par la performance de leur potentiel sécuritaire, le recours à un tel index pour prévoir les horizons futurs demeure de mise. En ces temps de conflits et de guerre, ce besoin se fait de plus en plus sentir. Dans ce sens, M. Abdelawahab Ben Hfaiedh, président du Forum des sciences sociales appliquées (Fssa), a fait valoir la finalité de l'enquête qui vise à retracer les contours de la corrélation qui prévaut entre le rendement sécuritaire et les perceptions citoyennes à son égard. Cela s'inscrit, relève-t-il, dans le cadre d'une approche participative qui fait que la sécurité est aussi une responsabilité sociétale. C'est pourquoi la douzaine d'indicateurs et moult sous-indicateurs utilisés dans cette enquête reflètent bel et bien cette tendance. D'ailleurs, souligne-t-il, l'étude a montré aussi que l'expérience quotidienne et directe avec les services de sécurité dans le monde arabe conduit, généralement, à des perceptions plutôt négatives du grand public. De même, ajoute-t-il encore, l'appartenance politique et confessionnelle a un rôle important dans la détermination de ces perceptions et des attitudes envers l'efficacité du dispositif de sécurité dans les différents pays. Ce facteur est encore plus décisif en Irak, où les appartenances confessionnelles sont la règle. Ce clivage confessionnel et le terrorisme prévalant dans ce pays en ruine avaient favorisé, selon le directeur de l'institut indépendant de l'administration et de la société civile (Amman-Jordanie), l'émergence d'une perception très négative de la sécurité en place. Pis encore, au Yémen, où l'échec de la révolution avait provoqué une militarisation accrue du conflit politique à laquelle s'ajoutent les menaces de fragmentation qui pèsent sur l'existence même de l'Etat. Quant à la Palestine, pays qui croule sous l'occupation israélienne, évoque Dr Khalil Shikaki, président du Centre national pour les politiques et les études de sondage, la question de la sécurité est d'autant plus complexe que la perception des choses dépend de la situation de bifurcation et du conflit interne. La réforme, clé de voûte Il y a là tellement de circonstances propres à chaque pays qu'on ne peut pas mener une lecture unique de leur état de sécurité. En tout état de cause, l'on ne doit pas comparer l'incomparable. D'où la variabilité des indicateurs compte pour aboutir à des résultats relativement approchés mais pas justes. De ce fait, le baromètre de sécurité a pris en considération autant d'indices référentiels y afférents qui gravitent autour de la performance, l'image du secteur auprès du grand public, l'expérience personnelle, la lutte anticorruption, le respect des droits et des libertés, le système judiciaire et bien d'autres facteurs déterminants. En conclusion, les quatre études de cas ont débouché sur un besoin urgent, comme l'ont signalé les intervenants, d'accélérer le processus de réforme sécuritaire dans les pays objet d'enquête. Or, cela passe inévitablement par la transition pacifique, l'institutionnalisation constitutionnelle, la lutte contre la corruption, le respect des droits humains et une meilleure transparence dans les missions de commandement. Ces mesures constituent, selon les rapporteurs, le seul moyen de gagner la confiance du public.