Hommage posthume, disparition médiatisée, valorisation du travail d'un artiste après sa mort, bien plus que de son vivant ou vice versa... L'artiste tunisien subit la reconnaissance du public à des degrés différents. Un public qui le lui rend bien, ou pas... ça reste à voir, et c'est au cas par cas. Dans une situation d'extrême précarité, et à l'ère du covid-19 et de ses conséquences économiques, de nombreux artistes tunisiens touchent le fond souvent face à l'indifférence du public et de l'Etat. Les réseaux sociaux permettent à quelques langues lambda de se délier, mais est-ce assez ? Dénoncer en masse sans changement réel, est-ce utile? Souvent, ce sont des artistes piliers de la scène culturelle et artistique qui se retrouvent malmenés pour des raisons souvent économiques et en l'absence d'un statut de l'artiste solide. En retour et malgré la détresse, autorités et public peinent à réagir à temps et à être impactants. Souvent, ces sommités disparaissent et sombrent dans les oubliettes. Sous d'autres cieux, la célébration d'un artiste se fait en grandes pompes de son vivant, mais aussi en posthume, peu importe ses accomplissements. Dernier cas en date, les artistes Noureddine El Ouerghi et son épouse risquent de se faire expulser de chez eux par la force, faute d'expiration de bail, d'après un post publié par leur fils sur les réseaux sociaux. L'indifférence de l'Etat reste affligeante et les réactions flambent sur Internet, sans suivi. Une ingratitude vécue par certains. En effet, pour les hommages posthumes en cas de décès et pour entretenir le travail d'un artiste après sa disparition, c'est une toute autre paire de manches; à l'instar d'artistes qui tombent dans les oubliettes ou dont la disparition interpelle peu, d'autres continuent d'exister autrement dans la mémoire collective. L'Etat rend hommage, organise des funérailles en grandes pompes, comme ceux tenus à la mémoire de Naâma, à la Cité de la culture. Des décès qui font les choux gras des médias pendant un moment, mais qui s'effacent dans le temps... ou qui continuent à vivre sous d'autres formats. Sofiane Chaari, grande sommité du petit écran, décédé brutalement en 2011, hante toujours autant la mémoire du peuple tunisien de par les rediffusions incessantes de «Choufli Hall» et de «Nsibti Laâziza», deux sitcoms populaires. L'icône tunisienne locale alimente souvent les passages médias de ses collègues, à coups de rétrospectives et de citations éphémères le concernant dans des émissions. La famille Nahdi évoque souvent une des siennes, la grande Souad Mahassen souffrant actuellement de problèmes de santé lourds. Un nom connu par le public tunisien à côté d'autres valeurs sûres qui surgissent à travers un hommage singulier, et dans une initiative personnelle provenant de ses proches, c'est possible : lors des JCC 2020, dans son court métrage, Hélène Catzaras, artiste, rend hommage à son compagnon de toujours, feu Ahmed Snoussi. La réalisatrice du film, Sonia Chamkhi, est revenue sur la carrière fulgurante de ce grand acteur tunisien en s'adressant à sa femme. Une manière singulière de le garder en mémoire. Des documentaires à la mémoire d'un artiste marquent et le public et le secteur audiovisuel ou celui du cinéma. Ailleurs, des noms comme le couturier Azzedine Alaia et la décoratrice, créatrice et féministe tunisienne Leïla Menchari, jouissent d'une réputation internationale irréprochable. La Tunisie leur a accordé pourtant des hommages posthumes timides, très loin d'être à la hauteur de leurs noms et de leurs carrières. En contrepartie, cela expliquerait peut-être des raisons souvent personnelles qui les ont poussés à faire carrière ailleurs et ont tourné complètement le dos très tôt à leur pays natal. D'où l'intérêt de questionner l'art posthume, très présent à l'étranger...