Par Amor NEKHILI Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a estimé, dans un récent rapport, que la Grèce est au bord d'une crise humanitaire que les pays d'Europe ont eux-mêmes contribué à créer, en raison de leur manque de coopération et de leurs pratiques contraires au droit international. «En renforçant les restrictions aux frontières, l'Europe va au-devant d'une aggravation de la crise des centaines de milliers de réfugiés qui fuient la guerre et les combats en Syrie, en Afghanistan, en Irak et dans d'autres pays.» C'est le message du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, au cours de sa première visite officielle sur l'île de Lesbos le 23 février dernier. Cette charge de l'ONU à l'encontre de l'Union européenne, peu habituelle, trouve son explication dans l'accumulation rapide de réfugiés et migrants en Grèce alors que le pays traverse déjà de nombreuses difficultés, le refus des pays européens de coopérer entre eux en dépit d'accords déjà signés dans un certain nombre de domaines et l'imposition de nouvelles restrictions aux frontières le long de la route des Balkans sont autant de pratiques incohérentes, source de souffrances inutiles et contraires aussi bien aux lois européennes qu'au droit international. Les données publiées par le HCR montrent que 131.724 personnes ont entrepris le voyage entre janvier et février, dont 122.637 ont débarqué en Grèce. On n'est pas loin du total des six premiers mois de 2015, de 147.209 personnes. Il convient de noter que 410 personnes ont jusqu'à présent trouvé la mort durant la traversée en 2016. Pour le HCR, « la Grèce ne peut pas gérer cette situation seule. Il est absolument indispensable que les efforts de réinstallation consentis par l'Europe en 2015 restent prioritaires et soient mis en œuvre », a déclaré son porte-parole, précisant que malgré leur engagement à reloger 66.400 réfugiés en provenance de la Grèce, les Etats européens n'ont jusqu'ici promis que 1.539 places, et seules 325 relocalisations ont eu lieu dans les faits. Vincent Cochetel, coordonnateur régional du HCR pour la réponse à la crise des réfugiés en Europe, a appelé l'UE à mettre en œuvre les accords de partage de la charge conclus en 2015, en répétant qu'il n'y a « pas de plan B ». « La Grèce a besoin d'une soupape de sécurité... Il est temps que l'Europe se réveille, soit en organisant une relocalisation massive depuis la Grèce ou alors ce que nous avons vu l'année dernière se répétera avec encore davantage de chaos et de confusion », a-t-il déclaré lors du point de presse en réponse à des questions au sujet de la situation actuelle sur le terrain. Il a ajouté qu'environ 55 pour cent des réfugiés en provenance de la Syrie arrivant actuellement en Grèce étaient des femmes et des enfants et que beaucoup étaient originaires du nord du pays où des combats ont eu lieu récemment. Le renforcement des voies légales d'admission des réfugiés depuis les pays voisins de la Syrie aidera également à gérer cette situation. Davantage de places de réinstallation et d'admission à titre humanitaire, le regroupement familial, le parrainage privé, des visas pour étudiants ou travailleurs réfugiés à titre humanitaire pourront réduire le recours aux passeurs, les voyages vers d'autres pays en Europe et les traversées périlleuses en bateau. Des vies humaines seront également sauvées. L'agence onusienne estime, à juste titre, qu'autant l'Europe que le reste du monde doivent s'engager à accueillir nettement plus de Syriens pour atténuer la charge assumée par les principaux pays d'accueil, à savoir la Turquie, le Liban et la Jordanie. C'est dans cet esprit que le HCR organisera une importante conférence à ce sujet à Genève, le 30 mars prochain, pour encourager la mise en place de voies légales pour les Syriens, afin de réduire leur dépendance des réseaux illégaux de passeurs et en régulariser le flux.