L'UE doit faire des «concessions» à la Turquie, mais en échange d'engagements sérieux de sa part pour tarir le flux de migrants vers l'Europe, ont prévenu les dirigeants européens réunis hier à Bruxelles. Ce nouveau sommet sur la crise migratoire vise à coordonner leurs efforts diplomatiques au-delà des frontières européennes, alors que les vagues de migrants continuent d'arriver à l'approche de l'hiver. Les Européens doivent aider Ankara «à prendre soin des réfugiés» et à mieux surveiller ses frontières, a insisté la chancelière allemande Angela Merkel, martelant qu'il n'était pas acceptable que l'espace maritime entre la Turquie et la Grèce soit «aux mains des passeurs». La traversée de la mer Egée, route principale des réfugiés syriens pour gagner l'Europe, a une nouvelle fois été endeuillée hier, avec la mort de sept personnes après la collision entre une embarcation en bois et un patrouilleur grec au large de l'île de Lesbos. La veille, une femme, un nourrisson et une fillette y avaient perdu la vie. La Turquie, limitrophe de la Syrie en guerre et qui accueille déjà plus deux millions de réfugiés, est «devenue la porte d'entrée pour des centaines de milliers de réfugiés vers l'Europe», a rappelé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Deux commissaires européens étaient à Ankara hier pour des entretiens avec les autorités turques sur un «plan d'action» proposé par Bruxelles. Concessions Le président du Conseil européen Donald Tusk, maître d'œuvre du sommet de Bruxelles, a évoqué de nécessaires «concessions» à faire pour convaincre Ankara. Il a redit sa crainte que l'UE ait à faire face au printemps prochain à une nouvelle vague de réfugiés, «peut-être plus grosse que la vague actuelle», alors que plus de 700.000 migrants ont franchi les frontières extérieures de l'UE depuis le début de l'année, selon l'agence Frontex. Mais M. Tusk a réclamé hier «des garanties que la réponse de la Turquie à notre offre sera aussi substantielle et concrète que la nôtre». L'UE a notamment mis sur la table une facilitation de l'attribution des visas aux citoyens turcs, même si le sujet provoque «des sueurs froides dans certains Etats membres», selon un diplomate. Il ne faut pas de «libéralisation dans n'importe quelles conditions avec des visas qui pourraient être accordés à des individus dont on ne connaîtrait pas exactement l'identité», a mis en garde le président français François Hollande en arrivant hier à Bruxelles. La Commission européenne a estimé de son côté que l'UE devait être prête à ouvrir «d'autres chapitres dans le processus d'adhésion» de la Turquie, alors que Berlin et d'autres capitales y sont opposées. Outre une aide financière proposée, les Européens ont également voulu faire preuve de bonne volonté en acceptant de discuter de la «zone de sécurité» que le président turc Recep Tayyip Erdogan appelle de ses vœux le long de sa frontière avec la Syrie. Mais «la présence et l'activité russes en Syrie montrent à quel point cette zone de sécurité sera difficile», a prévenu M. Tusk, rappelant que «la Russie est très clairement contre cette idée». «More for more» Les chefs d'Etat devaient d'ailleurs exprimer hier leurs inquiétudes face aux attaques russes en Syrie. Même s'ils sont divisés sur le rôle que peut jouer le président syrien Bachar Al-Assad dans une transition politique, ils devaient réaffirmer leur consensus sur le fait qu'il ne «peut y avoir de paix durable en Syrie» sous le régime actuel. La mise en place d'un «corps européen» de gardes-frontières pour améliorer le contrôle aux frontières extérieures de l'Union sera également abordée. Le nombre d'arrivées de migrants à ces frontières reste très élevé, et les capacités d'accueil des pays voisins de l'UE sont souvent saturées. En Serbie, comme dans le reste de la région, le flux de migrants reste ininterrompu. Le nombre varie selon les jours entre 2.000 et 5.000 entrées par jour à Presevo (sud de la Serbie), ce qui correspond au nombre de migrants qui entrent quotidiennement en Macédoine. En Autriche, 7.000 migrants sont arrivés mercredi. Le sommet devait rappeler la coopération que l'UE veut instaurer avec les pays de la «Route des Balkans», empruntée par les réfugiés, et plus loin, avec l'Afrique. Dans leurs négociations avec les pays africains, les dirigeants européens vont entériner le principe du «more for more» (plus pour plus) : s'ils veulent plus d'aide, ces pays doivent davantage faciliter le retour sur leur sol des migrants économiques renvoyés par l'UE. Le sujet sera au cœur du sommet de La Valette, qui réunira l'UE et des pays africains à Malte les 11 et 12 novembre. Pour financer des aides en direction des pays dont elle veut faire des partenaires, en Afrique comme dans les pays voisins de la Syrie, la Commission européenne a mis en place des fonds devant réunir plusieurs milliards d'euros, que les Etats membres tardent à abonder malgré leurs promesses.