Par Amor NEKHILI Chasse gardée des Européens, principaux bailleurs de fonds du HCR, c'est donc à un Italien qu'il revient de piloter le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés durant les cinq prochaines années. Réussira-t-il à réduire les grandes carences — financières, institutionnelles, opérationnelles et politiques — de l'organisation? Filippo Grandi a entamé le 1er janvier un mandat de cinq ans à la tête du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Il succède au Portugais António Guterres, dont les fonctions pendant plus de 10 ans ont pris fin en décembre 2015. Agé de 58 ans, originaire d'Italie, a travaillé aux affaires internationales pendant plus de 30 ans, dont 27 aux Nations unies. Ancien commissaire général de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa), il a travaillé précédemment pour la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (Unama) comme représentant spécial adjoint, après une longue carrière menée tout d'abord dans des ONG puis pour le HCR en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et au siège de l'organisation à Genève. «Le HCR navigue dans des eaux extrêmement difficiles, a déclaré Filippo Grandi lors de sa prise de fonctions. La combinaison de conflits multiples, et des déplacements massifs qui en résultent, de nouveaux problèmes pour l'asile, de l'écart de financement entre les besoins humanitaires et les ressources et de la xénophobie croissante est très dangereuse. Des défis majeurs doivent être relevés, mais j'espère que, en travaillant avec les gouvernements, la société civile et d'autres partenaires, nous ferons des progrès afin de garantir la protection internationale et améliorer les conditions de vie à des millions de réfugiés, déplacés internes et apatrides». Homme de terrain, Filippo Grandi a ajouté qu'il espérait que des solutions aux crises de déplacement seront «recherchées avec une détermination nouvelle, en s'attaquant à leurs causes profondes et en investissant les ressources politiques et matérielles adéquates. Le HCR, dont le mandat inclut la recherche de solutions, se tient prêt à travailler avec tous ceux qui poursuivent cet objectif». Pour ce qui est de la crise budgétaire que traverse l'organisation, Filippo Grandi a tiré la sonnette d'alarme dès le premier jour. En 2014, 82% du budget de l'organisation dépendait seulement de 12 gouvernements. Lucide, il estime que le HCR devra faire des choix, se concentrer sur les besoins «immédiats» des réfugiés et confier davantage de tâches à d'autres organisations. Le HCR compte 9.700 employés présents dans 126 pays. Moins de 10% sont basés à Genève et la taille du siège a déjà été réduite ces dernières années. Avec un projet de budget de 6,5 milliards de dollars pour 2016, les besoins supplémentaires engendrés par les nouvelles situations d'urgence risquent d'être ralenties, à commencer par l'Initiative spéciale pour la Méditerranée, ou la situation des personnes déplacées par les crises au Burundi et au Yémen. En ces temps difficiles, le HCR doit donc plus que jamais disposer de fonds pour offrir de manière ininterrompue protection et assistance aux populations qui relèvent de sa compétence. Aujourd'hui, les organismes qui jouent un rôle de premier plan dans la réponse de la communauté internationale aux immenses défis engendrés par les déplacements dus aux conflits appellent à reconnaître l'action humanitaire, «non pas comme une impulsion charitable, spontanée», mais comme «un bien public financé de manière prévisible, faisant partie d'un système mondial destiné à protéger les personnes et à promouvoir la stabilité et le développement durable», comme le rappelle le Conseil économique et social de l'ONU (Ecosoc). Mais pour parvenir à répondre à ces défis, Filippo Grandi se doit d'élever le ton, se montrer convaincant et trouver solution aux problèmes liés à la politisation croissante des questions de réfugiés dans de nombreux pays.