Fidéliser un certain nombre d'artistes à la galerie pour que les collectionneurs et le public s'habituent à eux et garder le lien entre les différentes générations d'artistes, telle est la vocation de la galerie La galerie Ain propose tout au long du mois de mars une exposition collective intitulée «Démarches». «Il s'agit d'un groupe d'artistes qui reviennent souvent à la galerie» indique Mohamed Ayeb, gérant de l'espace. En effet, il est question de fidéliser un certain nombre d'artistes à la galerie pour que les collectionneurs et le public s'habituent à eux. D'autre part, l'autre grande ligne directrice de la galerie est de garder le lien entre les différentes générations d'artistes. On retrouve plusieurs promotions de l'école des Beaux-Arts de Tunis depuis les années 60 jusqu'aux années 2000. Cela dans le but de donner à voir les œuvres de diverses générations de plasticiens et leurs démarches. Les années 60 sont représentées par Mokhtar Henan, qui revient encore une fois, avec des peintures à l'huile figurative liées à la vie quotidienne, notamment la médina dont il est un fervent amoureux. La sculpture en bronze ou bois de Hachemi Marzouk, qui appartient à la même génération, est aussi présente à travers quatre œuvres. Le lyrisme de Habib Saidi Les années 70 sont représentées par Habib Saidi à qui la galerie rend hommage dans cette exposition avec un ensemble d'œuvres de grand et moyen formats. Une nouvelle touche et une nouvelle vision de la peinture liée à la matière et la composition apparaissent dans les cinq tableaux intitulés : «Ateliers». Sa démarche se situe entre le semi-abstrait et le semi-figuratif. Elle met en valeur la fois les formes qui permettent de reconnaître les objets et, en même temps, une composition lyrique qui révèle une nouvelle vision d'une peinture moderne. Pour sa part, Bady Chouchane porte, dans ses œuvres, un intérêt à la médina et au patrimoine arabe. Ce qui caractérise sa peinture, c'est surtout la lumière qui traverse les représentations de villages blancs presque effacés par la lumière dominante. La « tunisianité » apparait à travers l'architecture, le mouvement qui crée des signes qu'on retrouve à travers une porte ou une fenêtre. Il nous transmet aussi une dynamique. On sent les choses bouger. Il y a une vie dans la médina. La nouveauté chez Bady Chouchane se situe dans sa démarche semi-absraite. On reconnaît la composition mais avec cette liberté de jouer avec les touches et la matière ainsi que le côté gestuel dans lequel il nous entraîne dans une peinture presque soufie et très rythmée. On sent et on entend presque les choses. Contraste et complémentarité Fatma Samet, peintre des années 80, est présente avec deux tapisseries. L'artiste joue sur la composition et les formes variées et géométriques comme les lignes. Elle a introduit d'autres éléments, à part la laine et le coton qui procurent une certaine douceur et une chaleur, le fil de cuivre dans ses nouvelles créations représente une sorte d'acier froid. Ce qui procure un contraste entre la douceur et la chaleur de la laine et la froideur et la solidité de l'acier. Ce qui n'empêche pas de voir en cela une complémentarité entre le dur et le doux, le froid, le chaud. On voit dans sa composition des ouvertures, des coupures dans l'espace qu'elle crée en 3D. Elle a même rajouté le son avec des éléments en cuivre dans la tapisserie. Cette recherche continue dans la forme et la matière enrichit les arts plastiques contemporains. On retrouve aussi Mohamed Baâti de la génération 90 et Abdelhamid Thabouti. Ils sont dans une démarche liée à la composition où il y a la forme géométrique : la ligne, le carré qui composent leur espace. Par rapport à Habib Saidi, qui est dans la densité de la matière, l'opacité de la peinture, Baâti est dans la transparence et le retour au dessin figuratif, au crayon malgré sa vision abstraite générale. Il introduit le dessin figuratif avec une certaine qualité. Il nous fait voyager dans le fond de la Méditerranée. C'est un peintre qui s'intéresse beaucoup à l'environnement maritime et aquatique. La nouvelle figuration Thabouti revient avec une peinture marquée par le dessin qui domine la toile, la présence de la matière, la liberté de la gestualité et la couleur expressive. Mais cela ne l'empêche pas de se permettre des libertés dans la touche. C'est ce qu'on appelle «la nouvelle figuration». Il y a à la fois ce plaisir de jouer avec la peinture et la matière, de créer une atmosphère libre et coloriée et en même temps il y a une discipline dans l'application du dessin et le maintien du lien avec la peinture et le dessin. Sa peinture dévoile un monde onirique et beau. Pour terminer, Chiraz Chouchène, la fille de Bady, de la promotion 2000 de l'école des Beaux-Arts, nous fait pénétrer dans un monde onirique abstrait. On retrouve le contraste entre le noir et blanc, la densité du noir et en même temps de la transparence. On découvre des personnages, le dessin enfoui dans cette densité que procure le noir, un monde inconnu qui traduit la peur et l'angoisse. Chiraz a le souci de la liberté de la touche, du jeu avec la matière et la couleur, de la création des densités et des fluidités. Une exposition à découvrir pour comprendre les démarches de chaque peintre et apprécier son talent.