Lourdeur des démarches administratives et manque d'information, deux grandes entraves à l'accès des artistes et porteurs de projets culturels à l'investissement privé et le mécénat culturel. Le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine a organisé, samedi dernier, une journée d'étude sur l'investissement privé et le mécénat culturel. Ce thème de grande importance — puisqu'il concerne un volet crucial pour la viabilité de tout projet culturel, à savoir le financement — a drainé un grand nombre d'artistes et de porteurs de projets, venus s'informer et exprimer leurs interrogations sur la question. A leur arrivée, les présents ont reçu un dossier contenant un magazine avec un dossier spécial mécénat, et deux brochures, l'une expliquant la loi du mécénat en Tunisie, et l'autre consacrée à l'investissement dans le secteur culturel. Rappelons que l'ancien ministre de la Culture, Mourad Sakli (janvier 2014-février 2015), a instauré une nouvelle loi du mécénat qui stipule, entre autres, la déduction, des résultats de l'exercice de la donation, de la valeur du mécénat accordée, totale et sans plafond. La procédure passe par des conditions d'éligibilité au mécénat que doivent vérifier les donateurs. Le porteur de projet doit, quant à lui, soumettre son dossier au ministère de la Culture qui lui fournira une attestation de reconnaissance du caractère culturel de son projet. Une copie de cette attestation est à fournir au mécène afin d'obtenir le financement souhaité. La journée d'étude, qui s'est déroulée en présence de la ministre de la Culture actuelle, Sonia Mbarek, témoigne de la volonté du ministère d'activer cette loi, de la faire connaître auprès du public cible, et d'en faire bénéficier le plus de projets. Elle témoigne également du manque d'information fâcheux, un maillon perdu de la chaîne qui devrait relier les mécènes aux artistes et porteurs de projets. Ces derniers se sont exprimés samedi dernier pour faire savoir leur désarroi. Pour certains, la démarche auprès du ministère de la Culture n'est pas aussi évidente dans la pratique qu'elle ne l'est sur le papier, surtout concernant l'étape commission du mécénat culturel. D'autres ont dénoncé la lourdeur des procédures administratives en général, par lesquelles doivent passer les porteurs de projets, en donnant l'exemple des guichets uniques qui ne fournissent jamais une information complète, précisent certains. En théorie, ces guichets uniques devraient renseigner tout demandeur d'information sur les démarches à suivre afin d'obtenir un financement de la part des institutions publiques spécialisées. Des représentants de ces institutions sont intervenus durant la journée d'étude afin de faire connaître les mécanismes qu'ils mettent à la disposition des artistes et intervenants dans le secteur culturel. Il y avait, entre autres, Mondher Ben Brahim du ministère des Finances, Hamdi Kassiaa, de la Banque de financement des petites et moyennes entreprises, Riadh Hanchi de la Banque tunisienne de solidarité, et Ahmed Traichi de la Société tunisienne de garantie. Sans nier les problèmes de bureaucratie liés aux mécanismes d'aides aux projets culturels que proposent leurs institutions, ces intervenants ont avancé un constat spécifique aux entrepreneurs culturels. Selon eux, ces derniers ont du mal à assimiler et à s'inscrire dans les démarches nécessaires à l'obtention d'aides. D'où la proposition de multiplier les occasions pour informer et encadrer les porteurs de projets culturels sur les avantages dont ils peuvent bénéficier. Hamdi Kassiaa a même proposé de mettre en place des rencontres B to B pour le domaine culturel. En début de la journée d'étude, la ministre de la Culture Sonia Mbarek a déclaré : «Il faut admettre qu'on n'a pas réussi jusque-là à mettre en place une véritable industrie culturelle». Elle a dans ce sens avancé que la participation de la culture dans le PIB ne dépasse pas 0,07%, «un pourcentage faible par comparaison avec le volume des incitations allouées par l'Etat pour la production et les fonds énormes que le ministère de tutelle accorde pour dynamiser le secteur culturel», juge-t-elle. L'universitaire et nouveau directeur du Festival international de Carthage, Mohamed Zinelabidine, a également été parmi les intervenants de la journée d'étude, samedi dernier. L'intervenant a, entre autres, évoqué les difficultés qui entravent l'investissement privé et le mécénat culturel, comme la lourdeur des démarches bureaucratiques dont souffrent plusieurs administrations et établissements publics. Dans ce sens, il a recommandé de renforcer la coordination et la collaboration entre les ministères.