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Mustapha Jouili, Docteur en Sciences Economiques et Universitaire: «Sortir du cercle de l'endettement implique une rupture avec le modèle de développement dominant»
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 11 - 2021

Selon les chiffres de l'Agence de promotion de l'industrie et de l'innovation (Apii), l'accord d'association avec l'Union européenne a fait perdre à la Tunisie 55 % de ses entreprises industrielles entre 1995 et 2010, et 300 mille emplois. Après 2011, avec l'entrée en application de l'accord avec la Turquie, 340 entreprises opérant dans les secteurs du textile et cuir et chaussures ont fermé leurs portes mettant en chômage près de 100 mille personnes. Avec un déficit budgétaire, une dépréciation du dinar, une montée de l'inflation et une augmentation accrue de la dette publique, la situation économique et financière était plus que crique durant la décennie écoulée. Sur le marasme économique qui perdure encore, Mustapha Jouili, docteur en sciences économiques et universitaire, nous donne d'amples éclairages. Interview.
Comment évaluez-vous la situation économique aujourd'hui en Tunisie ?
Les indicateurs économiques et sociaux confirment la gravité de la crise économique et sociale. Le taux de croissance peine à dépasser une moyenne de 1% sur les dix dernières années. Le déficit externe se situe aux environs de 31 milliards de dinars. De même, l'endettement extérieur cumule 109 milliards de dinars. Le taux de chômage a franchi la barre de 18% et dépasse 30% pour les diplômés et dans les régions de l'intérieur. Le taux d'inflation s'élève à 6,3%. Bref, tous les indicateurs sont au rouge. En parallèle, et dans ce contexte de crise, certains établissements financiers, comme les banques, les multinationales, les sociétés d'import-export ou encore les sociétés commerciales (grandes surfaces et autres) cumulent des chiffres d'affaires et des gains importants.
La pandémie du covid-19 n'est-elle pas, comme dans d'autres pays, à l'origine de la crise économique et financière?
En 2017, les différents rapports des institutions internationales (BM, FMI, Ocde) ont tiré la sonnette d'alarme sur une éventuelle crise, que la pandémie du covid-19 n'a fait que déclencher. La pandémie n'était que le «catalyseur». C'est une crise du capitalisme mondial et plus précisément de la mondialisation néolibérale qui ne cesse de s'approfondir depuis 2008.
En Tunisie, l'Etat a été incapable de faire à la pandémie, en raison de ses ressources limitées, de la défaillance des infrastructures sanitaires (manque d'équipement, de ressources humaines médical et paramédical...) et la fragilité de l'appareil productif en raison de sa forte dépendance des marchés et des chaînes d'approvisionnement mondiaux. Ces faiblesses existaient bien avant la pandémie et sont le résultat des choix économiques et sociaux. La pandémie les a, tout simplement, dévoilées.
L'instabilité politique qui régnait depuis dix ans a contribué aussi à la détérioration de la situation économique dans le pays ?
Evidemment, l'instabilité politique qui règne depuis une décennie traduit l'incapacité des partis au pouvoir de gérer politiquement les conflits d'intérêts sociaux. Voulant reproduire les mêmes politiques, qui étaient à l'origine de la révolution, ces partis (et leurs gouvernements) se sont trouvés face à des contestations sociales grandissantes réprimées le plus souvent par la force. En raison des contestations, ces partis n'ont pas pu entamer la mise en œuvre des «réformes» exigées par les institutions internationales et espérées par les classes et lobbies dominants.
Quelles sont alors les raisons concrètes de cette crise ?
Cette crise ne peut être attribuée à des facteurs exogènes (la pandémie) ou à une «instabilité politique». La crise puise son origine dans les choix économiques et sociaux adoptés depuis 2011 et qui s'inscrivent dans la continuité des politiques antérieures, en particulier, néolibérales.
Pour simplifier, considérons, à titre d'illustration, le déficit externe, qui, comme je l'ai mentionné, s'établit à plus de 30 milliards de dinars. Au-delà de l'aspect comptable, le déficit implique l'inondation du pays par des marchandises étrangères qui, progressivement, expulsent les produits locaux et, par conséquent, les entreprises nationales (en particulier les PME), incapables d'affronter la concurrence étrangère. La conséquence : moins de production, moins d'emploi, moins de recette fiscale pour l'Etat... Selon les chiffres de l'Agence de promotion de l'industrie et de l'innovation (Apii), l'accord d'association avec l'Union européenne a fait perdre à la Tunisie 55 % de ses entreprises industrielles entre 1995 et 2010 et 300 mille emplois. Après 2011, avec l'entrée en application de l'accord avec la Turquie, 340 entreprises dans les secteurs textile et cuir et chaussures ont fermé leurs portes mettant en chômage près de 100 mille personnes.
Avec un déficit budgétaire, une dépréciation du dinar, une montée de l'inflation et une augmentation accrue de la dette publique, la situation économique et financière était plus que critique durant la décennie écoulée.
Autre exemple : la dégradation continue des services sociaux (santé, éducation...) s'est accentuée.
Les gouvernements successifs ont totalement délaissé ces services sous prétexte de manque de moyens financiers. Ces mêmes gouvernements, en vertu du code d'investissement, accordent des primes qui peuvent aller jusqu'à 30% du coût de l'investissement pour les investisseurs privés dans ces services. On voit bien qu'il n'est pas question de moyens, mais plutôt de choix politiques.
En somme, ce sont les politiques économiques et sociales qui sont à l'origine de la crise. Ces politiques, qui font les «beaux jours» des banquiers, des grandes surfaces, des lobbies d'import-export et des multinationales, produisant, de l'autre côté, endettement, déficit externe, inflation, chômage et appauvrissement et misère généralisée.
Pour la quatrième fois en dix ans, la Tunisie demande l'aide du FMI. Le pays risque-t-il un défaut de paiement ?
Selon les prévisions, l'encours de la dette publique atteindra 112 MD fin 2021, soit 93% du PIB. 66,5% de la dette tunisienne sont en devise (56% en euro et 19% en dollar). Les négociations sont en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 4 milliards de dollars. Mais ce prêt servira tout simplement à rembourser les dettes antérieures. Avec le creusement du déficit externe et la détérioration continue du dinar, le pays risque réellement un défaut de paiement.
Aujourd'hui, la dette publique dépasse 100 % du PIB. Pourquoi le pays n'arrive-t-il pas à juguler son endettement ? Comment peut-on échapper au piège de la dette ?
Vous avez bien raison de parler de piège de la dette et il y a là un début de réponse. C'est un piège dans le sens où chaque endettement génère les conditions d'un nouveau recours à la dette externe. En septembre 1986, la Banque mondiale a accordé deux prêts à la Tunisie d'un montant global de 300 millions de dollars. Deux crédits sont aussi accordés par le FMI (novembre 1986 et juillet 1988) d'un montant global de 570 millions de dollars. La contrepartie : une panoplie de réformes connue sous l'appellation «ajustement structurel». Ces réformes comprennent, entre autres, la dévaluation du dinar, la privatisation des entreprises publiques, l'allègement de la fiscalité sur les entreprises, la promulgation d'un Code d'investissement et le démantèlement des droits de douane. Ces mesures se sont traduites par une baisse des recettes propres de l'Etat, dont la part dans le PIB ne représente, en 2019, que 27% contre 43% en 1986. En particulier, les pertes de recettes propres associées au démantèlement des droits de douane se situent à une moyenne annuelle de 2,9% du PIB (soit près de 1.600 MD par an) ; le manque à gagner résultant des exonérations fiscales est de l'ordre de 800 MD en moyenne annuelle...
Ainsi, les politiques imposées par les institutions internationales ont poussé vers le tarissement des ressources propres de l'Etat, l'obligeant à s'endetter constamment, au point que 90% des dettes contractées en 2019 ont servi pour rembourser d'anciennes dettes, dont le service est gonflé par la dévaluation du dinar. Là, il importe de signaler que la Tunisie ne s'endette pas pour payer les salaires des fonctionnaires, comme le prétendent certains experts, mais plutôt pour rembourser les dettes antérieures, financer le déficit externe et assurer aux multinationales le rapatriement de leurs bénéfices. Pour toutes ces raisons, le pays ne parvient pas à se sortir du piège de la dette. Le recours au FMI ne fera que reproduire la même situation et plonger le pays dans le cercle vicieux de l'endettement.
Y a-t-il une alternative à l'endettement extérieur en Tunisie ?
La question de l'endettement est structurelle et liée au modèle de développement adopté depuis les années 1960. Sortir du cercle ou du piège de l'endettement implique une rupture avec le modèle dominant, en particulier sa variante néolibérale. Il est question de concevoir un nouveau modèle avec, comme piliers, la justice sociale et la souveraineté nationale, un modèle qui accorde la priorité aux secteurs productifs (agriculture et industrie).
Dans l'immédiat, il est d'urgence de limiter les importations, voire interdire l'importation des marchandises ayant des similaires en Tunisie ; de redonner à la Banque centrale son rôle dans le financement direct du budget de l'Etat, de réviser le Code d'investissement dans le sens de restreindre les avantages uniquement aux investisseurs nationaux dans les secteurs productifs et d'instaurer une taxe exceptionnelle sur certains secteurs (banques, grandes surfaces, établissements privés de santé...) pour alimenter les caisses de l'Etat.


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