En dépit des salons et rencontres d'affaires en Tunisie comme à l'étranger, le secteur a du mal à sortir de sa longue crise. Cela fait bien longtemps que des initiatives de réforme ont été ainsi décidées, sans être concrètement réalisées. Retour sur un secteur mal en point. La foire nationale du tapis, tissages et fibres végétales, tenue actuellement au parc des expositions du Kram n'est qu'une manifestation parmi une dizaine d'autres, régulièrement organisées à l'échelle locale, afin de promouvoir l'artisanat tunisien et l'aider à redorer son blason. En dépit des salons et rencontres d'affaires en Tunisie comme à l'étranger, le secteur a du mal à sortir de sa crise éternelle. Cela fait bien longtemps que des initiatives de réformes furent ainsi décidées, sans être concrètement réalisées. Trente ans déjà, on ne voit rien venir. Il n'y a surtout pas d'engagements dans l'action. Et encore moins une politique de développement ou de restructuration de l'artisanat, à même de garantir sa pérennité. Créneau porteur, mais ! Il était une fois à la médina, où son aura doit beaucoup à l'artisanat. Du tissage traditionnel, de la chéchia, de l'orfèvrerie, du fameux tapis, jusqu'à la taille de pierre, l'activité ancestrale faisait, alors, parler d'elle, donnant au produit sa valeur ajoutée. Ça sent le parfum du bon vieux temps. Qu'en reste-t-il, de nos jours ? Un patrimoine précieux voué à l'abandon, laissant crouler, dans son sillage, autant de métiers d'art et de professions. Drôle d'un créneau porteur, allant à vau-l'eau. Pourtant, ce secteur bien ancré dans son passé lointain emploie aujourd'hui 350 mille artisans. Toutefois, « son taux de contribution au PIB a accusé une nette régression, passant de 10 à 4% seulement...», indiquait, alors, le président de la Fédération nationale de l'artisanat (Fena), M. Salah Amamou. Soit un taux si faible qu'il n'a pu rapporter, en 2020, que 100 millions de dinars en termes d'exportations. Son volume d'investissement n'a pas progressé d'un iota. Situé aux alentours de 18 MD, il est ainsi maintenu inchangé depuis 2016. Ce secteur, colosse aux pieds d'argile, n'a plus la force de résister aux aléas du temps et des humains : contrefaçon, trafic illicite, contrebande et des petits ateliers qui saignent encore à blanc. « 90% des entreprises sont en situation de blocage dont 40% ont mis la clé sous le paillasson », avait dit, d'ailleurs, M. Amamou, le patron des artisans. Et la crise sanitaire avait ajouté aux difficultés dont le secteur souffre depuis bien longtemps. Un faux plan de restructuration ! Ce constat peu reluisant, résultat d'une fausse politique d'Etat, n'est plus à démontrer. L'ONA, lui-même, le reconnaît, sans détour. Plus souvent, on déplore qu'un tel secteur, dépositaire d'un précieux patrimoine socio-culturel et identitaire, n'a guère occupé la place qui lui revient. Pourquoi en est-on arrivé là ? Faute de moyens ou manque de vision ? A l'époque de Mme Salma Elloumi, alors ministre du Tourisme et de l'Artisanat dans le gouvernement Chahed, il y avait eu un projet de restructuration à peine voilé. La ministre comptait dresser haut la barre des ambitions : « Pour un artisanat moderne, inscrit dans un ensemble économique et social cohérent, avec une identité forte, sous-tendue par des valeurs, des traditions et orienté vers la qualité et la créativité... ». C'était ce qu'elle avait dit texto. Elaboré en cinq axes fédérateurs, avec un budget de 50 millions de dinars, ce plan de restructuration, arrêté pour couvrir le quinquennat 2017-2021, est resté lettre morte. Comme premier axe, il était question de développer le cadre institutionnel et juridique, ce qui signifie la redéfinition des missions et rôles des structures syndicales et professionnelles organisant le secteur. L'amélioration du savoir-faire, des connaissances et des compétences vient en second lieu. Puis, place à l'encadrement et à l'assistance technique de nouveaux artisans. Quatrièmement, la qualité et la commercialisation, deux défis auxquels est confronté le métier. Sur ce plan, il a été décidé d'élaborer un système de labellisation des produits, créer des bazars de l'artisanat et repenser les réseaux de distribution et de marketing. Le dernier axe tourne autour de tout ce qui est information et communication, reconnues pour être vecteurs de rayonnement à une plus large échelle. Tout cela était dans la perspective de créer, au cours de cinq ans, 100 mille postes d'emploi, porter de 10 à 25% la part des investisseurs diplômés du supérieur, réhabiliter près de 200 entreprises artisanales, renforcer la capacité de 3.000 artisans, ramener la contribution au PIB à 6% afin de hisser le taux d'exportation à 3%. Toutes ces prévisions n'ont pas fait du chemin. Le statu quo persiste. Car, selon le patron de Fena, il s'agissait d'un plan figé et trop général. D'où, il n'y croyait pas : « On ne pouvait pas donner chèque en blanc ». Pour lui, pas mal de plans similaires ont été opérés sans venir à bout du problème. Jusque-là, les artisans ne savent plus à quel saint se vouer. La formation, la matière première et l'écoulement des produits demeurent, bien évidemment, le talon d'Achille d'un artisanat agonisant. Sauf qu'un coup fatal pourrait apporter une pierre à l'édifice. Les nouvelles orientations de l'ONA Aujourd'hui, l'Office national de l'artisanat revient de loin. Il table sur les mêmes prévisions d'avant, reprises comme des nouvelles orientations générales du secteur. A priori, la réforme touchera le cadre institutionnel, à même de rétablir l'ONA ainsi que les structures intervenantes dans le secteur, en vertu d'une coopération avec l'Union européenne. Sa digitalisation et le renforcement des capacités de ses agents rentrent dans le cadre d'une coopération allemande. Idem, fournir à la profession une formation de qualité et hisser les régions à des pôles artisanaux attractifs. A partir de 2022, vers 200 entreprises d'artisanat seront mises à niveau d'ici cinq ans. A cela s'ajoute l'octroi, en guise de crédits, de fonds de roulement au profit de 5 mille artisans, avec l'accompagnement de 200 jeunes promoteurs, issus de divers horizons, à la participation au salon de la création, prévu en octobre prochain. D'autant plus que l'étude de marché, en cours d'élaboration, vise l'évaluation du système de promotion de l'artisanat tunisien et la révision des magasins recommandés, dans le sens de la labellisation des services de vente et d'après-vente. La médiatisation du secteur semble également de mise. Voilà les ingrédients d'un plan de réforme futuriste.