Aujourd'hui, 16 mars : «La journée nationale de l'artisanat et de l'habit traditionnel». Cela fait 28 ans que l'on renoue avec ce rendez-vous, fatalement tracé dans un calendrier festif et figé, et pour tout dire loin de la réalité. Chaque année, sa célébration, sur un ton d'attachement et de passion pour un secteur bien ancré dans le temps, n'est, en fait, qu'un faux-semblant. Car, la fête, bien que nationale, a été réduite à sa plus simple vocation cérémoniale. De la parade vestimentaire aux shows folkloriques en trompe-l'œil, l'essentiel se perd dans la rhétorique de l'image et du discours. Bref, l'écho de la journée ne sort guère du local. Les jours qui suivent, rien n'est retenu dans les esprits comme dans les comportements. Et à la prochaine ! En tout cas, ce désintérêt manifeste porté à l'artisanat tunisien nous édifie sur une crise sectorielle bien réelle. En clair, il n'y a pas, à l'horizon, des prémices de solution. En dépit des foires et salons, ici comme ailleurs, le secteur ne se porte pas bien. Et les politiques de promotion, opérées au fil des gouvernements post et avant la révolution, n'ont fait que le faire courir à sa perte. Endettés, commerçants et artisans n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Pour un secteur aussi authentique à fort potentiel économique et culturel, générateur de quelque 300 mille postes d'emploi, avec une participation au PIB à hauteur de 2%, sa promotion s'avère salutaire. Cela dit, un bon travail de marketing du marché s'impose. Promotion, dites-vous ! Justement, l'année dernière, un plan de restructuration 2017-2021 avait été arrêté en cinq axes fédérateurs, auquel le ministère de tutelle s'est appliqué à allouer un budget de 50 millions de dinars. Cette initiative de revalorisation fut, comme toujours, prise à l'occasion de la Journée nationale de l'artisanat. Et voilà 12 mois passés sur un quinquennat établi à cet effet sans rien voir venir de concret. Le premier axe défini par la nouvelle stratégie s'articule, d'ailleurs, autour du développement du cadre institutionnel et juridique, ce qui signifie la redéfinition des missions et rôles des structures syndicales et professionnelles organisant le secteur. L'amélioration du savoir-faire, des connaissances et des compétences vient en second lieu. Ensuite, place à l'encadrement et à l'appui technique des nouveaux artisans. Quatrièmement, la qualité et la commercialisation, deux défis auxquels est confronté le métier. Sur ce plan, il a été décidé d'élaborer un système de labellisation des produits, créer des bazars de l'artisanat et repenser les réseaux de distribution et de marketing. Le dernier axe tourne autour de tout ce qui est information et communication, reconnues pour être vecteurs de rayonnement à une plus large échelle. Tout est bien dit sur le papier. Dans la pratique, il n'y a que des réserves, de part et d'autre. Pour M. Salah Amamou, président de la Fédération nationale de l'artisanat (Fena), professionnel de carrière, un tel plan semble, à ses yeux, trop général et ne peut, en aucun cas, donner un chèque en blanc. Et d'ajouter qu'il y a longtemps qu'on y pense, sans venir à bout du problème. Soit que rien n'est garanti, jusque-là. Pour la petite histoire, de multiples initiatives de réformes similaires furent engagées, sous l'ancien régime, mais toutes vouées à l'échec. L'artisanat tunisien a, plus que jamais, besoin d'un souffle novateur, devant rompre avec une certaine flatterie excessive qui ne produit qu'un secteur stéréotypé. Du reste, célébrer, en grande pompe, la Journée de l'artisanat, c'est bien, la traduire dans les faits, c'est mieux.