Une épopée familiale du sud de l'Italie, mise en scène par un Français et interprétée par des Tunisiens, bientôt en tournée à Tunis et au Nord-Ouest. A notre arrivée au théâtre El Hamra, vendredi dernier, les enfants de la troisième génération de la famille Scorta prenaient le bateau pour revenir d'Amérique vers l'Italie. Une épopée de trois générations de cette famille des Pouilles, imaginée par l'écrivain français Laurent Gaudé et qui lui a valu le prix Goncourt en 2004, est adaptée au théâtre, en Tunisie, par son compatriote, le comédien et metteur en scène Sébastien Amblard. «J'ai choisi cette œuvre que je connais bien parce qu'elle donne à chacun des six comédiens beaucoup de matière pour travailler et plusieurs personnages à interpréter. Ils sont tous des personnages principaux», nous explique le metteur en scène. Les comédiens que l'on a trouvés en pleine répétition sont Faten Chroudi, Elyes Rebhi, Chaïma Belhaj, Iheb Bouyahya, Amal Oueslati et Dhia Melki. Tous étudiants en deuxième année à l'Institut supérieur d'art dramatique (Isad), leur première rencontre avec Sébastien Amblard date d'il y a un an, à l'occasion d'un projet entre l'Isad et l'Institut français de Tunisie, un stage en formation d'acteur où ils ont travaillé sur des pièces de Molière. «Au début, ce n'était pas évident, surtout avec le français du XVIIe siècle. Mais avec le travail et les exercices on s'est beaucoup amélioré, et c'est toujours enrichissant de s'essayer à d'autres méthodes de travail, d'un metteur en scène venant d'une autre école», décrit Chaïma, qui s'est proposée avec Elyes de répondre à nos questions. Rapidement, les réponses sont devenues collectives, chacun y ajoutait un élément, témoignant de la cohésion du groupe. Qu'ont-ils pensé de «Le soleil des Scorta»? «Nous nous demandions comment Sébastien allait l'adapter au théâtre. On la voyait mieux dans un film. Ce qui nous a plu, c'est la trame simple et bien tissée, une histoire sur plusieurs générations, profondément humaine», s'accordent-ils à dire. A propos du déroulement du travail, c'est Chaïma qui nous répond: «Sébastien nous demande d'interpréter les personnages tels que nous les imaginons et nous dirige ensuite sur cette base. Il accepte volontiers les propositions de notre part, ne nous impose rien et nous répète toujours que nous sommes les metteurs en scène et pas lui». Des scènes à investir Sébastien Amblard se réjouit de répéter à El Hamra «C'est important de travailler dans un vrai théâtre. Celui-ci a une âme particulière et on sent que c'est une maison d'artiste», commence-t-il en évoquant la mémoire de l'ancien directeur du théâtre, le metteur en scène Ezzeddine Gannoun, décédé en 2015. A une semaine de la tournée, il estime qu'il y a encore des détails à améliorer et invite ses comédiens à continuer les répétitions. L'année dernière, sur le projet Molière, il voulait travailler avec des étudiants en 1ère année, qu'ils étaient à l'époque. Cette année, il a choisi de continuer l'aventure avec le même groupe, que voici sur le point de représenter pour le public tunisien «Le soleil des Scorta». Ils sont passés par des exercices d'articulation et beaucoup de lectures du roman, entamées par des rencontres une fois par mois depuis septembre. «Le texte de la pièce, que j'ai adapté et que le metteur en scène Ghazi Zaghbani a traduit pour les parties en arabe, leur a été distribué en janvier. Et depuis trois semaines ils répètent tous les soirs après leurs cours à l'Isad», révèle notre interlocuteur, qui les emmène le lendemain travailler au Kef, jusqu'au jour de la première, le 27 mars, dans le cadre de «24 heures de théâtre». Ensuite, la pièce passe par Jendouba le 28, Béja le 29, avant de revenir les 30 et 31 mars à El Hamra. Le metteur en scène caressait ce rêve depuis l'année dernière. Celui d'un projet plus ambitieux, avec les mêmes étudiants, et une tournée dans les régions. «En discutant avec eux j'ai compris qu'ils ne connaissaient pas très bien l'intérieur du pays. J'ai alors pris des louages et fais le tour de la Tunisie, et découvert qu'elle regorge d'espaces culturels et de scènes à investir, dirigées de surcroît par des anciens de l'Isad», raconte Sébastien Amblard, qui voudrait voir ces jeunes rencontrer leurs aînés. Répéter et jouer dans les régions est pour lui un moyen de leur montrer qu'il y a, ailleurs qu'à Tunis, des scènes et des publics prêts à les accueillir. La mise en scène de «Le soleil des Scorta» est pensée dans ce sens, avec pour seul décor six caisses que les comédiens déplacent pour former tous les espaces, entre église, maison, barques... Leurs corps et leurs paroles font le reste. Nous les avons vus sur scène unis et désunis, bravant les dangers, défiant le destin de génération en génération. Dans la peau des Scorta, nos enfants sauront, on l'espère, nous faire rêver.