Il faut se fier à l'évidence. Les élections municipales n'auront pas lieu comme prévu en octobre 2016. Les textes fondamentaux ne sont pas encore prêts. Il s'agit notamment du code électoral pour les municipales et du code de la fiscalité locale Le président de l'Instance indépendante des élections (Isie) avait prévenu. Lesdits textes doivent être fin prêts au moins six mois à l'avance pour fixer l'échéancier électoral. Or, il n'en est encore rien, une partie des textes étant en discussion au Parlement et l'autre devant être examinée en conseil des ministres sous peu. Ajoutons-y d'autres difficultés d'ordre structurel et administratif. En fait, la Constitution stipule que tout le territoire national doit être couvert par les périmètres communaux pour pouvoir procéder aux élections municipales. Ainsi, donc, a-t-on décidé de porter le nombre des municipalités de 264 à 350, soit pas moins de 86 communes supplémentaires. Une augmentation du nombre des municipalités de plus d'un tiers n'est guère chose aisée. Créer une commune sur le papier est une chose. La matérialiser en structure, staff et administration, en est une autre. Et l'on ne saurait, dans tous les cas de figure, voter pour des conseils municipaux sur le papier. Ajoutons-y les luttes de clocher qui se dessinent déjà en faveur ou contre la création ou l'élargissement territorial de telle ou telle municipalité existante ou à venir. Témoin, la passe d'armes entre les partisans de la création d'une nouvelle commune à Soliman-Erriadh et ceux en faveur du statu quo via le maintien d'une commune de Soliman non démembrée. Deux autres écueils majeurs sont aux aguets. En premier lieu, le mode du scrutin. Certains partis de la place sont favorables au scrutin de liste majoritaire. D'autres privilégient le scrutin majoritaire à la proportionnelle modulée. D'autres lui préfèrent le scrutin à la proportionnelle avec les plus forts restes. D'autres proposent même un scrutin uninominal à deux tours. Et il se trouve certains pour prôner diverses formes de scrutin avec panachage des listes, elles-mêmes conçues sous un mode bloqué ou incomplet. La balle est naturellement dans le camp des députés du peuple. Or, l'écrasante majorité des députés sont des partisans. Dès lors, et quoi qu'on dise, les indépendants et la société civile n'ont pas voix au chapitre. Certes, on nous parle de consultations larges et exhaustives. Toujours est-il que les non-partisans demeurent les éternels laissés-pour-compte, ici comme ailleurs. En second lieu, il ne saurait y avoir d'élections tant que les instances constitutionnelles fondamentales ne sont pas encore mises en place dans leur totalité. Et ce, en dépit des stipulations constitutionnelles expresses assorties de délais déjà dépassés. Il s'agit bien évidemment du Conseil supérieur de la magistrature, de la Cour constitutionnelle, de l'Instance de la communication audiovisuelle et de l'Instance de la bonne gouvernance et des droits des générations futures. Certaines sont en passe d'être mises en place, d'autres n'ont guère encore vu le jour, à l'instar de l'Instance de la communication audiovisuelle notamment. Un faisceau de faits probants et d'indices patents plaide en faveur du report des élections municipales pour l'année 2017, probablement au cours du premier semestre. Les partis politiques y trouvent leur compte, en fait. Ils affûtent leurs couteaux et préparent le ban et l'arrière-ban en vue des joutes parlementaires. Chacun compte y aller de son angle spécifique. Avec, en toile de fond, les immanquables intérêts de chapelle et de coteries. Encore une fois, les calculs de boutiquiers risquent d'hypothéquer les acquis. La segmentation partisane de certaines structures constitutionnelles n'en finit pas de faire des ravages. Témoin, l'Instance vérité et dignité (IVD), en charge de la justice transitionnelle, ou la Haute instance de la communication audiovisuelle (Haica). Ici et là, les intérêts des partis phagocytent l'esprit et la lettre de la Constitution et génèrent tout simplement le blocage et l'inefficience. Conçue pour être provisoire, la Haica est en passe de s'installer à perpétuelle demeure, nonobstant les stipulations constitutionnelles. Le provisoire qui dure, en somme. Tel est le vrai danger. Et les autorités ne font rien pour y parer au plus pressé. Elles se contentent en la matière, comme l'a dit jadis un député français à propos d'Aristide Briand, président du Conseil, «de la politique du chien crevé qui suit le fil de l'eau». On ne peut pas mieux dire.