Le système est institutionnellement vicié. Il laisse libre cours aux caprices, frilosités et sautes d'humeur des hommes. Le plein jeu des institutions démocratiques efficientes en pâtit. Lourdement. Au bout du compte, tous les protagonistes règnent sans gouverner Le choix d'un système plus adapté à notre réalité sociologique, politique et même culturelle et affective doit primer. N'oublions pas que si le système en vigueur est parlementaire, l'opinion, elle, est présidentielle Ne nous y trompons guère. Il semble bien qu'il y ait, depuis quelque temps, une guerre de tranchées au sommet de l'Etat. Verdun sans Verdun. Une guerre qui implique autant les institutions que les hommes. Ce n'est point faire don de visionnaire ou être dans le secret des dieux que d'y souscrire. Résumons. Constitutionnellement, le chef du gouvernement est l'homme fort du pays. C'est à lui qu'incombent les prérogatives les plus larges. Il est, certes, contrôlé par le Parlement et épaulé subsidiairement par le président de la République. Ce dernier a un domaine assigné réduit, quoique loin d'être simplement honorifique. Il est libre d'exercer son magistère sans limites. Le Parlement dépend également des partis qui y sévissent en toute impunité. Son travail ne saurait être contrôlé de près, de quelque manière que ce soit. Bien que politiquement confiné dans les affaires militaires et diplomatiques, le président de la République n'en est pas moins le chef de l'Etat. Et il représente dès lors une pièce maîtresse du fonctionnement et de la représentation des institutions. On peut rajouter les paradoxes constitutionnels à loisir, tellement ils sont nombreux, enchevêtrés et inextricables. La faute en incombe au système constitutionnel «bâtard» adopté à l'issue d'âpres tractations et manœuvres politico-politiciennes des diverses chapelles et coteries partisanes. Il en résulte un édifice hybride, variante la plus falote du parlementarisme fragile sur fond d'équilibres catastrophiques. Qu'en est-il au bout du compte ? Le Parlement est mouvant. Nida Tounès, premier parti ayant remporté les élections législatives de 2014, est divisé. Il campe deux blocs parlementaires désormais rivaux. L'une de leurs pommes de discorde porte sur les relations avec le parti Ennahdha. Et la division génère le grand chamboulement. De sorte qu'Ennahdha, seconde performance électorale, est devenu le premier parti au Parlement. Il a raflé le gros lot lors de l'octroi des présidences des commissions parlementaires. Il a perdu les élections mais il contrôle le Parlement et fait passer son programme. Le président de la République, M. Béji Caïd Essebsi, semble mécontent du travail des parlementaires. Il a adressé une missive dans ce sens aux députés. Le président du Parlement, M. Mohamed Ennaceur, a jugé bon d'en cacher la teneur tant aux députés qu'à l'endroit de l'opinion. Les rapports entre le chef de l'Etat et le chef du gouvernement semblent également en souffrance. A la Kasbah, on prend mal les initiatives du chef de l'Etat en matière d'emploi et de résorption du chômage notamment. On estime que ce n'est ni dans ses cordes ni dans son domaine de compétence. Le président de la République s'est dès lors manifestement désintéressé du fantasque dialogue national sur l'emploi organisé à l'initiative du gouvernement. La réponse du berger à la bergère en somme. On ne doit pas jeter le bébé avec l'eau du bain Le chef du gouvernement, quant à lui, louvoie entre les alliances partisanes et des coteries. Tel jour il est l'homme de Nida, ou d'une portion de Nida, tel autre jour il se rapproche davantage d'Ennahdha. Les dernières nominations de nahdhaouis de premier plan à des postes clés de la haute administration financière ou administrative en témoignent. En somme, le système est institutionnellement vicié. Il laisse libre cours aux caprices, frilosités et sautes d'humeur des hommes. Le plein jeu des institutions démocratiques efficientes en pâtit. Lourdement. Au bout du compte tous les protagonistes règnent sans gouverner. Ou gouvernent sans régner. Il va de soi qu'une réforme constitutionnelle s'impose. Les partisans de la sinistrose doivent savoir qu'une réforme constitutionnelle n'équivaut guère à la mise en place d'une autre République. La IIe République piétine précisément, balbutie, tergiverse. Le choix d'un système plus adapté à notre réalité sociologique, politique et même culturelle et affective doit primer. N'oublions pas que si le système en vigueur est parlementaire, l'opinion, elle, est présidentielle. Certes, on a bavé du présidentialisme institué et en vigueur de 1957 à 2011. Mais on ne doit pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Pour qu'on cesse de végéter entre deux mondes, l'un mort et l'autre impuissant à naître.