Réformer les programmes d'enseignement, répartir les coefficients entre les différentes matières d'une manière équilibrée et cohérente, et instaurer une discipline rigoureuse au sein de l'école constituent les meilleurs garants, pour nos jeunes, contre l'indigence intellectuelle, la fragilité psychologique et la vulnérabilité Sous l'effet des grandes mutations économiques, sociales et culturelles qu'a connues le monde, le rapport de l'élève avec l'école s'est complètement bouleversé. Il ne voit plus en elle l'abreuvoir du savoir, le moyen de se cultiver et d'avoir une tête bien faite, mais tout simplement un moyen d'avoir un diplôme, puis un salaire. Par conséquent, son choix des sections est devenu tributaire des conditions exigées par le marché de l'emploi. Cette nouvelle orientation le détourne de plus en plus des matières littéraires et des sciences humaines ; il ne porte de l'intérêt qu'aux matières scientifiques, vu les débouchés plus lucratifs qu'offrent les filières scientifiques. Toutefois, il y a d'autres facteurs qui encouragent ce comportement préjudiciable aussi bien à lui-même qu'à l'école et la société d'une façon générale. Parmi lesquels il y a le coefficient. Manque de rigueur Dans l'ancien régime, la section où la différence entre les coefficients était la moins sensible c'était celle de l'économie et gestion : ces deux matières spécifiques ainsi que celle de l'histoire-géographie en comptaient 3 chacune, la philosophie, le français et l'anglais et les mathématiques 2 et les autres 1. Cette répartition avait le mérite de discipliner les élèves en les obligeant à s'intéresser à toutes les matières, sous peine de sanction pédagogique, la punition qu'ils redoutent le plus, puisque malheureusement seule la note compte pour eux. Les élèves de cette section bénéficiaient d'une formation générale bien cohérente, grâce justement à cet intérêt qu'ils étaient contraints de porter à toutes les disciplines. On s'attendait à ce que ce système soit généralisé et appliqué dans toutes les autres sections, mais c'est tout le contraire qui s'est produit : on a aligné la section économie et gestion sur les sections scientifiques où les coefficients se répartissent en 4/1, 4 pour les matières spécifiques, bien sûr, et 1 pour les autres, les indésirables. Ainsi le virus de l'absentéisme s'est propagé et les élèves de la section économie en étaient contaminés. La plupart d'entre eux sont devenus comme ceux de leurs camarades des sections scientifiques qui privilégient cette attitude : ils n'assistent plus à ces disciplines déclassées par la réduction du coefficient, devenues de catégorie B, voire C, car elles ne génèrent pas beaucoup de points dans la table de multiplication. A vrai dire, ils sont aidés en cela par le manque de rigueur du règlement disciplinaire : l'élève absent fournit un certificat avant le vingt et unième jour d'absence, la limite tolérée au-delà de laquelle il est radié, puis il reprend les cours pendant un jour ou deux, et s'absente de nouveau pendant la même période, c'est-à-dire vingt jours et ainsi de suite, une reprise succède à l'autre, l'une pour la régulation de l'absence et l'autre pour sa prolongation, ce qui fait que celle-ci est continue. Elle n'est interrompue que pour être prolongée ; on ne revient à la discipline que pour plonger encore plus dans l'indiscipline. Pendant ces longues absences répétées, il assiste aux cours de son choix bien entendu. Donc, la relation entre la mauvaise répartition des coefficients et le phénomène de l'absentéisme est viscérale, c'est un rapport de cause à effet. Ceux qui encaissent les coups, qui subissent les conséquences fâcheuses d'une telle situation sont bien sûr les enseignants des matières à coefficient 1, les enseignants de deuxième rang selon la classification tacite non déclarée de cette répartition. La plupart du temps, ils assurent le cours dans des classes presque vides. Avant, le règlement était beaucoup plus rigoureux et les élèves n'osaient jamais s'absenter de cette façon flagrante et provocante. Ils trouvent ce comportement offensant et humiliant à leur égard. De simples figurants Ces enseignants, qui ne cachent pas leur indignation et leur blasement, imputent aussi la responsabilité de ce manque de respect, de la part de cette catégorie d'élèves envers eux, à l'administration, puisqu'ils croisent ces absentéistes tous les jours dans les couloirs et dans la cour. Autrement dit, ils ne sont pas vraiment absents, seulement ils assistent aux cours de leur choix et boudent les autres, au coefficient 1. Ce qui les irrite encore plus, c'est que des élèves absents dans leurs séances et dont l'absence est inscrite sur le registre parviennent à avoir un billet d'entrée pour le cours d'après. Et quand ils s'adressent à l'administration pour lui demander des explications, on leur fait savoir que le billet est livré à la demande du parent, qui devient, ainsi, complice de son protégé. Ces élèves ne se présentent à ces cours de second rang que lorsqu'il y a devoir. Certains enseignants pensent que ces matières sont assimilables aux figurants dans le cinéma. Et c'est pire selon d'autres, car si la présence de ces derniers est indispensable dans un film, où ils donnent toute leur signification aux rôles joués par les protagonistes, ces disciplines à coefficients faibles n'interviennent même pas dans la formation générale de l'apprenant qui les ignore complètement, étant donné qu'il a la possibilité de les compenser par de bonnes notes dans les matières à forts coefficients. Un bachelier de la section maths, par exemple, peut passer à la faculté sans avoir la moindre idée sur le programme de philosophie. Ces matières ne sont là que pour meubler un espace scolaire très mal aménagé, elles sont comme des éléments de décor d'une mauvaise fresque. L'attitude empruntée par ces élèves doit être corrigée à travers la rectification de la mauvaise répartition des coefficients. C'est ainsi qu'on peut les amener à adopter la même attitude à l'égard de toutes les matières, ce qui leur permettra de profiter des bienfaits de l'enseignement comme il se doit. A partir du moment où elle figure dans un programme, une matière doit intéresser tous les élèves quelle que soit leur section, car si elle est choisie c'est parce qu'elle est censée leur prodiguer un certain savoir, leur assurer une certaine formation. C'est ce qui est censé motiver la sélection des différentes disciplines dans les diverses sections. Il est indéniable que le coefficient détermine le comportement de l'élève, et qu'il définit son rapport avec les matières. L'attitude générale, qui sévit actuellement, nuit considérablement à sa formation qui est, sans aucun doute, tronquée. Il oublie que jusqu'au baccalauréat, il suit un enseignement général, que la vraie spécialisation commence à l'université, et qu'au secondaire, il y est juste initié. Rapprocher les coefficients, en plus de la réforme des contenus d'enseignement bien évidemment, est de nature à corriger ce comportement, à lutter contre l'absentéisme et à éviter de nous livrer des esprits étriqués, trop spécialisés, des automates qui sont dépourvus d'outils d'analyse et d'esprit critique. Ce qui ferait d'eux des proies faciles pour les prêcheurs de l'ineptie, de l'ignorance et de la violence, en vue de les enrôler dans la nébuleuse terroriste, la voie du dépérissement et de la terreur, et les dépouiller ainsi de leur humanité. A ce stade de l'enseignement, la formation de l'apprenant doit toucher à tout, le scientifique, le culturel, l'esthétique... pour qu'il soit un être cultivé et pondéré. Aussi, un enseignement équilibré nous donne-t-il une société instruite et équilibrée, qui soit immunisée contre le fanatisme, l'extrémisme, la superstition, l'intolérance... C'est-à-dire tous les vices et toutes les tares. C'est dans l'atelier du savoir qu'elle se forge, sa configuration et sa nature en dépendent totalement. Il s'agit là d'une urgence. Réformer les programmes d'enseignement, répartir les coefficients entre les différentes matières d'une manière équilibrée et cohérente, et instaurer une discipline rigoureuse au sein de l'école constituent les meilleurs garants, pour nos jeunes, contre l'indigence intellectuelle, la fragilité psychologique et la vulnérabilité, que nous constatons aujourd'hui, afin qu'ils puissent éviter les dérives, les dérapages et les naufrages qui sont susceptibles de les faire échouer sur le rivage du désespoir, de la monstruosité et de la barbarie...