Par Bady BEN NACEUR La notion de «société civile» a beaucoup évolué dans nos murs, depuis la révolution du 14 janvier 2011. On en parle de plus en plus dans les médias, au Bardo. Elle s'affiche clairement, dans la rue, sur la grande avenue à l'occasion des sit-in et autres manifestations, dans les grandes villes et villages du pays. Elle revendique son droit sur les affaires de l'Etat. Et la nouvelle Constitution, qui a été parachevée entre-temps, ne laisse plus de doute quant aux acquis de la révolution tunisienne : les droits de l'homme, les libertés fondamentales, l'égalité des chances, la justice, la dignité humaine. C'est un fait unique et marquant, dans les sociétés du monde arabe. Il faut rappeler, ici, ce que ce terme de «société civile» veut (bien) dire. Il tire son origine du latin civis, citoyen. Ce vocable renvoie à celui de «civilisation» (au singulier). Il s'agit de l'être civilisé qui tend à vivre dans le cadre d'une cité et d'un Etat pourvu de lois et faisant régner la justice. La société tunisienne, dans son ensemble, a prouvé, au monde entier, qu'elle est en droit de prétendre trouver son équilibre par ses propres moyens. C'est une société qui cherche, qui veut s'organiser et mieux progresser. Le progrès, c'est ce qui lui a toujours beaucoup manqué —surtout à travers les régions défavorisées —, malgré les plans de sauvetage, quinquennaux et autres. C'est une véritable conquête qui va sûrement prendre du temps. Pourquoi? Parce qu'avec la révolution est apparu un phénomène inattendu auquel les Tunisiens se heurtent depuis : un contre-courant islamiste et jihadiste extrême qui a engendré une terreur sans équivalent dans l'histoire de l'humanité, tuant et massacrant les foyers de la société, partout où elle se trouve. Et ce n'est, ni plus ni moins, une nouvelle forme de barbarie multipliée au centuple. Une barbarie que le philosophe Voltaire définissait déjà comme «une humanité primitive» sans foi ni loi. C'est cette nouvelle barbarie que nous devrons combattre, non seulement à nos frontières mais — encore plus grave — avec toutes ces «cellules dormantes» dans le pays, sortes de virus latent et dont on craint le réveil, d'un instant à l'autre. La société civile tunisienne, qui a fait sa révolution avec le fameux slogan du «Dégage», a, depuis, pris ses dispositions en inventant un autre : le «Pas peur». Cette révolution a créé une forme de civilisation nouvelle qui est le propre de son caractère social, civil, humain. C'est une civilisation, qui ne se proclame pas des autres civilisations, même si elle s'en est inspirée. Elle possède son propre caractère, tout en étant une œuvre d'humanité. Elle cherche à se développer par ses propres moyens. Et c'est la raison pour laquelle le monde entier la respecte et la vénère. Elle est la bienvenue dans ces temps d'aujourd'hui, face au règne de la barbarie qui, tel que tous les phénomènes extrêmes, fera son temps. Espérons-le...