Un projet musical à la rencontre de la chanson traditionnelle nubie, de la pop soudanaise et du jazz, de la soul et du groove. Le nouveau son de la Nubie. Parmi les six soirées des Journées musicales de Carthage, deux nous viennent d'Egypte et du Soudan. Massar Egbari et Alsarah & The Nubatones sont des valeurs sûres de la musique alternative arabe. Les premiers seront ce soir au Rio. Le deuxième groupe a été en concert dans la même salle mardi dernier. Une magnifique soirée où l'énergique Alsarah a interprété les chansons de son album « Silt ». Accompagnée par sa sœur au chant et aux percussions, par un luthiste, un percussionniste et un bassiste, elle a offert au public un voyage entre deux temps et plusieurs tons. Son projet musical est en effet à la rencontre de la chanson traditionnelle nubie, la pop soudanaise et le jazz, la soul et le groove. Avec Alsarah & The Nubatones, il ne faut point se fier à la formation minimale qui apparaît sur scène. La voix et les percussions portent la richesse des titres interprétés, rehaussées comme il se doit par un étonnant luth, qui flirte avec un son rock, et une basse qui se fait discrète et nécessaire. La tradition revisitée commence depuis le costume d'Alsarah et jusqu'à son répertoire, entre ballades et titres plus rythmés, qui ont fait le bonheur d'un jeune public venu se trémousser sur Nuba Noutou, Sokura et Habibi Taal qu'elle a gardé pour la fin. D'autres titres sont faits pour la « réflexion », comme les a décrits Alsarah avec une note d'humour. Ce sont des chansons comme Ya watan et Bilad aldahab, dédiées au Soudan et à son Nil, qui sont pour elle le repère et l'apaisement, et Ayan taaban, un hommage aux habitants d'un camp de réfugiés au Soudan, qui lui ont appris cette chanson populaire. Fidèle à ses racines, les ailes étendues vers le ciel, la chanteuse est passée, dans son parcours artistique, par son pays natal, le Yémen, Le Caire et est aujourd'hui installée à Brooklyn. Et c'est en résidence au Maroc, en novembre dernier, que son album «Silt» est né, tout de suite acclamé par la presse occidentale spécialisée. La richesse de son projet musical est également due à sa formation d'ethnomusicologue. Avant de venir en Tunisie, on l'a découverte dans le documentaire de son compatriote Hajooj Kuka « Beats of the Antonov » aux JCC 2014. A l'écran, elle était en train d'accompagner et d'enregistrer les chants des réfugiés qui ont fui les bombardements sur leurs villages au bord du Nil. Le documentaire qui filme la résistance de ce peuple par la musique est animé par ce même esprit et cette même énergie qui font la force de l'album d'Alsarah & The Nubatones. Des artistes qui sauvent la mémoire des oubliés des livres d'Histoire et qui font honneur à leur peuple et à la musique.