Une étude d'impact d'un Aleca entre la Tunisie et l'UE a révélé que les retombées sont extrêmement positives aussi bien pour la Tunisie que pour l'Europe. Le problème de cette étude est qu'elle a été commandée par l'Union européenne et réalisée par un cabinet installé à Bruxelles Au sein du siège de la délégation européenne situé sur les Berges du Lac, s'est tenue une rencontre entre quelques organes de presse et M. Ignatio Garcia-Bercero, chef des négociateurs européens, chargé des pays du Maghreb, du Canada et des Etats-Unis. Il se trouve à Tunis depuis lundi pour le démarrage du premier round des négociations sur la conclusion d'un accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca). Tout au long de ces jours-ci, les équipes européennes et tunisiennes sont en négociation sur les modalités de l'Aleca, lequel dépasse les accords de 1995, puisque incluant l'agriculture et le commerce, notamment. Ces conclaves portent essentiellement sur les propositions présentées par la partie européenne, nous apprend M. Garcia-Bercero, afin de trouver des convergences à travers lesquelles « la Tunisie s'engage à s'adapter à la réglementation européenne ». L'émissaire a pris soin de souligner que c'est dans l'intérêt économique de la Tunisie de le faire, compte tenu des énormes avantages à recueillir au bout du chemin ; comme de faire bénéficier les exportations de mesures de facilité pour accéder au marché européen. Mise à niveau des secteurs à haut potentiel Dans sa brève allocution introductive, le chef des négociateurs a tenté d'être le plus rassurant possible. Il a évoqué les délais impartis à ces accords, entre deux à trois ans, sans oublier les quelques mois nécessaires après leur ratification, pour la traduction et l'uniformisation entre les systèmes juridiques européens. Il a également souligné la mise à contribution de la société civile de part et d'autre, en insistant sur la transparence de ces accords ainsi que sur la disponibilité de la partie européenne à s'adapter à la donne économique tunisienne. Selon le document distribué aux journalistes présents, l'Aleca traduit le partenariat privilégié entre la Tunisie et l'UE agréé en 2012. Il permettra aux produits tunisiens d'accéder plus facilement au marché intérieur européen, à travers un accès amélioré des produits agricoles tunisiens, à travers la réduction d'obstacles non tarifaires, à travers la simplification des produits douaniers ainsi qu'une mise à niveau des secteurs à haut potentiel et un soutien aux secteurs sensibles. Dans le cadre des mesures d'encouragement adoptées par la partie européenne, il y a cette mesure commerciale prise d'urgence en faveur des exportations d'huile d'olive tunisienne. L'UE offre jusqu'à la fin de 2017 un contingent tarifaire à droit nul de 35 mille tonnes par an pendant deux ans, soit 70.000 tonnes au total pour les exportations d'huile d'olive de la Tunisie vers l'Union, en complément du contingent annuel de 56 700 tonnes déjà prévu dans l'accord d'association Tunisie-UE. Comme le stipulent, donc, tous les documents et communications produits par l'UE, l'Aleca permettra de renforcer la mise en œuvre des réformes économiques déjà entreprises par la Tunisie. Et reste l'un des instruments qui concrétisent le partenariat privilégié entre l'Union Européenne et la Tunisie. Cabinet à Bruxelles A la lumière de tout cela, il est clair que la Tunisie ne peut ni n'est en mesure de s'autoexclure de la communauté internationale, au risque de se retrouver seule, par rapport aux pays similaires, et au risque d'en payer chèrement le prix. L'Aleca n'est donc pas objet de marchandage local, que les hommes politiques en mal de tribune peuvent exploiter en ce moment décisif, pour se rendre populaires auprès de l'opinion publique, moyennant des raccourcis erronés. En revanche, il s'agit de mener à bien ces accords dans les meilleures conditions possibles pour la Tunisie et les Tunisiens. Dans cet ordre-là, il est bon de savoir qu'une étude d'impact d'un Aleca entre la Tunisie et l'UE a révélé que les retombées sont extrêmement positives aussi bien pour la Tunisie que pour l'Europe, en termes d'emplois, d'investissements et d'échanges commerciaux. Le problème de cette étude est qu'elle a été commandée par l'Union européenne et réalisée par un cabinet installé à Bruxelles. Et rien n'indique pour le moment qu'il y a eu une étude tunisienne faite par des experts tunisiens. Il est le bon à savoir également que sous d'autres cieux, des lois stipulent que tout accord commercial doit être systématiquement précédé par une étude d'impact, bien entendu locale. La question de La Presse s'est posée en ces termes : « S'il y avait eu une étude tunisienne à côté de cette étude européenne qui confirmerait l'intérêt et la viabilité de l'Aleca sur l'économie tunisienne, la recommandation serait de dire, pesons nos décisions avec prudence, tant la situation économique est fragile et tant il est connu que les experts sont réputés pour savoir expliquer le passé et se tromper souvent quand il s'agit de prédire l'avenir. Mais il semble qu'il n'y a même pas eu d'études tunisiennes. De ce fait, aller dans un Aleca sur la base d'une étude, de chiffres et de résultats présentés par la partie européenne, amie et alliée indéfectible, et non moins dans ce cas précis, partie adverse, n'est-ce pas un non-sens, une faute politique et un suicide ? », interroge La Presse. A cette interrogation, le négociateur en chef fait remarquer en substance que la Commission européenne, lorsqu'elle lance des négociations, commande des études d'impact auprès d'un cabinet indépendant et objectif. « C'est un cabinet installé à Bruxelles, et ce sont les commandes de l'Union européenne qui le font tourner », a-t-il fait savoir. D'après la réponse encore très diplomatique du négociateur en chef qui a insisté sur le fait que les Tunisiens n'ont encore rien signé, et qu'il faudra s'adresser aux autorités tunisiennes.