Préparateur physique de l'Etoile Sportive du Sahel et de l'Espérance Sportive de Tunis, Jalel Hergli exerce aujourd'hui en équipe de Tunisie au sein du staff de Henry Kasperczak. Son long parcours et sa parfaite connaissance des internationaux font de lui un observateur privilégié des affaires du football tunisien. Les footballeurs tunisiens ayant réussi en Europe sont rares : Hatem Trabelsi, Zoubeir Beya, Jawhar Mnari... Quant à Aymen Abdennour, il s'est beaucoup accroché, a énormément travaillé pour s'imposer. A bien y réfléchir, il n'a y pas de secret à l'absence de véritable tradition sur le circuit professionnel européen. Nos joueurs ne bénéficient généralement pas d'une bonne formation de base. Les conditions et les moyens de notre foot ne le permettent pas. Il y a d'abord une infrastructure qui laisse à désirer avec plusieurs catégories qui viennent à 17h00 se partager de petits espaces : des terrains de 25 m2, sauf peut-être à l'EST, ESS, CA ou CSS qui disposent de centres de formation et d'éclairage. Il y a ensuite des créneaux horaires pas évidents en l'absence d'aménagement du temps scolaire. Il faut que les jeunes terminent les cours à 14h00 pour pouvoir aller s'entraîner. Les juniors ont par exemple besoin au mois une fois par semaine d'une double-séance. Certaines qualités de base manquent au footballeur tunisien: appui, coordination et vitesse, sans lesquelles il ne sera jamais un bon joueur. En partant en Europe, il a beau tenter de les compenser par d'autres qualités, mais cela reste insuffisant. Il donne l'impression de marcher sur un terrain, de jouer «arrêté». En Europe, un jeune de 13-14 ans est déjà prêt. Par contre, chez nous, nous ne risquons pas d'avoir de grands techniciens. Il y a aussi un problème de nutrition, d'hygiène de vie... Bref, tout un système à revoir. «Ils n'ont pas faim» A mon avis, le facteur le plus important a trait aux études. En Tunisie, sport et études ne vont pas de pair. Le sportif est tiraillé entre ces deux axes. Les parents n'ont pas envie que leur progéniture sacrifie ses études et son avenir au profit d'une carrière sportive fort aléatoire, toujours incertaine. Naturellement, leur priorité va vers les études. Entre 16 et 18 ans, le jeune footballeur vit une situation impossible puisqu'il ne réussit ni dans l'un ni dans l'autre de ces deux axes. A cet âge, il ne peut plus rattraper son retard au niveau de la vivacité. D'ailleurs, sur 300 jeunes au départ, ce serait exceptionnel de retrouver plus de quatre ou cinq bons footballeurs dans la catégorie seniors. Beaucoup de ces «déchets» risquent de basculer dans la délinquance, n'ayant réussi ni dans leurs études ni en football. En partant en Europe, le footballeur tunisien est en butte à un décalage rebutant. Plusieurs joueurs se trouvent là-bas face à un rythme d'entraînement effrayant auquel ils ne sont en tout cas pas habitués. Il y a un fossé au niveau de l'ambition, de l'éducation et de la culture. La seule ambition du joueur tunisien consiste à jouer titulaire dans son club d'origine, à jouir du rythme de travail à sa convenance qu'il y trouve. Voilà pourquoi il rentre vite au pays, et sacrifie aux plaisirs, aux loisirs... Par rapport aux Algériens et aux joueurs d'Afrique noire, il y a une différence de mentalité, d'état d'esprit qui fait que le footballeur tunisien n'a aucune ambition. Il n'a pas faim, comme on dit. En venant s'entraîner, c'est à peine s'il ne pense pas vous rendre un service. Il travaille à 50% aux entraînements. Notre compétition ne produit rien. Cet état de fait est difficile à changer. Je ne peux d'ailleurs qu'être pessimiste quand je regarde l'infrastructure sportive disponible au Maroc. Non, vraiment, nous n'avons aucun produit valable à exporter.