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Trois questions à Olivier Poivre d'Arvor, Ambassadeur et envoyé spécial du Président de la République Française pour les océans: "la mer doit servir à l'enrichissement et pas aux drames"
La cinquième édition du Forum de la mer qui s'est tenue, le 23 septembre dernier à Bizerte, a réuni plusieurs experts tunisiens et internationaux venus d'horizons divers pour réfléchir à ce que seront l'Océan et la Méditerranée à l'horizon 2050. Entre paix, préservation des ressources maritimes et enjeux de l'économie bleue, les défis auxquels fait face le bassin méditerranéen sont multiples. Rencontré en marge du forum, l'ambassadeur et envoyé spécial du président de la République française pour les océans, Olivier Poivre d'Arvor, a bien voulu nous éclairer sur ce sujet. Quelle est la spécificité de cette cinquième édition du Forum de la mer ? Quels sont les principaux enjeux qui y ont été débattus? Ces dernières années, il y a eu beaucoup de rencontres autour de la mer et des enjeux maritimes. Ce qui nous paraissait important, c'était de pouvoir nous engager sur un certain nombre d'actions à faire. Pour cela, nous avons réuni 25 personnes du monde entier, dont quatre Tunisiens, pour faire des propositions concrètes sur tous les sujets maritimes, que ce soit la pollution, le changement climatique, l'économie bleue ou la gouvernance. C'est le début d'une action, d'un think tank qui s'appelle starfish 2050 (comme étoile de mer en anglais) pour réfléchir à l'Océan et notamment la Méditerranée en 2050. Nous allons, à tous les niveaux (politique, économique et société civile), faire en sorte que ces engagements et ces résolutions soient traduits en actions. La Méditerranée fait face à plusieurs enjeux, dont la pacification et l'économie bleue. Comment imagine-t-on la Méditerranée en 2050? Il ne peut pas y avoir un bon environnement, une économie durable, des citoyens heureux s'il n'y a pas la paix. Je crois que c'est le premier sujet, en effet. La Méditerranée est un espace magnifique, historiquement grandiose, mais malheureusement, c'est la mer la plus meurtrière au monde aujourd'hui. Si vous additionnez les migrants qui, par dizaines de milliers, sont décédés depuis 2010, 2011, 2012, si vous ajoutez les 450.000 morts de Syrie, les victimes du conflit israélo-palestinien, c'est une mer qui n'est pas en paix. Donc la paix, c'est très important. L'intégration économique aussi. Je pense notamment au Maghreb qui a besoin de cette intégration. L'Europe du Sud est assez forte parce qu'il y a l'Union européenne, il y a un système d'intégration. Donc, il faut d'abord qu'il y ait la paix et une gouvernance. Il faut que les pays construisent ensemble un plan parce qu'il y a vraiment des défis, notamment du changement climatique, qui s'appliquent évidemment beaucoup en Méditerranée avec la destruction des espaces côtiers, des plages, mais aussi des défis de la pollution, de la surpêche... De très nombreux défis de ce type-là sont évidemment dangereux et on l'a vu aussi cet été avec des espèces invasives qui sont venues en Tunisie (je pense au crabe bleu ou d'autres). Or, la mer doit être un espace d'enrichissement, de ressources et pas, au contraire, de drames. C'est la Méditerranée qui, je pense, est un pavillon témoin de ce que l'Océan peut être ou ne pas être selon que les hommes et les femmes auront pris les bonnes décisions. Lors de ce forum, vous avez évoqué la nécessité d'un choc de coopération... Il faut un choc de coopération, il faut que tous ensemble nous œuvrons au même objectif qui est transnational et méditerranéen. Parce que s'il n'y a pas un choc de coopération entre les Etats, les scientifiques, les entreprises, les ONG, les marines nationales... c'est ce que j'appelle le choc de polarisation qui va se manifester entre l'économie (qui veut des profits), l'environnement (qui exige au contraire qu'on n'exploite pas cette mer); entre les différents corps de métiers, les marins militaires, les civils; entre les pays eux-mêmes... Il y a encore beaucoup de conflits dans la région et il peut y en avoir d'autres. Je pense à la situation difficile entre la Turquie et la Grèce sur des questions de champs miniers. Donc, pour éviter la polarisation comme ce qui se prépare peut-être dans le reste du monde, —on le voit aujourd'hui à travers la guerre russe en Ukraine et ces blocs s'opposent les uns aux autres—, il faut détendre ça et créer au sein de ce bassin de 21 pays des coopérations plus fortes, plus honnêtes, plus sincères qu'elles ne le sont aujourd'hui.