«Kairos, le temps du choix» est un voyage initiatique et singulier à travers la palette de Zied Lasram. Une exposition inédite où l'on découvre des œuvres récentes du peintre trônant majestueusement à la galerie Kalysté à La Soukra. L'exposition de Zied Lasram est un événement en soi. Car, après une absence plus ou moins longue, le revoilà qui nous entraîne dans son monde fabuleux où l'art contemporain a le maître mot. L'Association Aloès les amis de Hamadi Chérif et la galerie Kalysté donnent, donc, l'occasion aux passionnés d'art d'apprécier le travail de Zied Lasram dont l'intitulé est «Kairos, le temps du choix» qui semble courtiser les dieux du Temps entre Chronos et Kairos, et nous revoie au temps des mythes de l'histoire par le biais de l'art actuel. Un peu plus d'une vingtaine de toiles, tournant autour de divers sujets constituant à chaque fois une structure plane abstraite dans les mailles de laquelle Zied Lasram réintroduit peu à peu le motif, la figuration. Créant un dialogue inédit entre abstraction et figuration. Sa peinture se situe à la frontière de l'abstrait et du figuratif. Les vibrations colorées sur la toile se fondent, s'enchaînent pour former la trame d'un univers abstrait, tandis que le dessin émerge peu à peu en surimpression des surfaces colorées. Peu à peu, il réintroduit le motif, la figuration s'immisce à nouveau dans son travail comme une sorte de topographie informelle, que l'on survole du regard, suivant des crayonnages comme des pistes qui nous mènent ailleurs. L'illusion est aussi au cœur du travail du peintre dont l'histoire remonte à la mythologie grecque. Zied Lasram souhaite nous surprendre, ses dernières œuvres présentées traduisent ses recherches menées pour lier l'abstraction à la figuration et créer de nouvelles passerelles ainsi que sa perception du temps. Ce choix du titre «Kairos» qui est le dieu de l'occasion opportune, du moment propice, par opposition à Chronos qui est le dieu du temps. Le Larousse encyclopédique le définit «comme une allégorie de l'occasion favorable souvent représenté sous forme d'un éphèbe aux talons et aux épaules ailés.» Plusieurs auteurs utilisent le mot kairos comme substantif pour désigner l'aptitude à saisir l'occasion opportune. Ce terme est utilisé en philosophie, en théologie, en psychologie et en pédagogie. On l'emploie aussi dans les sciences de l'administration, etc. C'est le moment où l'on peut renverser une situation, basculer un moment. C'est également, comme l'explique si bien le philologue et latiniste français Jackie Pigeaud, dans Louis Guillermit, lecteur de Platon, «Kairos... C'est aussi du temps, mais qui est hors de la durée; C'est l'instant fugitif mais essentiel, soumis au hasard mais lié à l'absolu. Ainsi, considérer la sensation comme le kairos est une vue très profondément grecque, parce que le kairos renvoie au cours du monde, au hasard, au déroulement imprévisible des choses, mais aussi à un savoir antérieur. Le kairos n'est rien sans le savoir qui permet de le reconnaître ; il n'est qu'événement parmi d'autres pour celui qui ne sait pas. Mais, pour celui qui sait, il est ce qui lui révèle son propre savoir, par le choc de la réalité qui se révèle comme signifiante». Les toiles de Zied Lasram en sont une révélation. Elles sont aussi, quelque part, une transposition de la violence de la réalité dans un romantisme fiévreux et décalé qui resurgit au travers de fonds obscurs dans lesquels se morfondent des personnages transparents, parfois grotesques, qui ne disposent que d'une ligne pour signifier leur présence, leur trace. Les traits se fondent dans la peinture en s'y liant, le dessin fait corps et s'incarne dans la couleur. Le dessin est appliqué dans un second temps, projeté, ajusté et retouché pour se fondre sans s'imposer de façon agressive, mais pour constituer l'architecture de la toile. Des formes, des corps, des membres constituent un paysage où l'inquiétude et la joie sont indissociables, le temps et l'opportunité sont réversibles et l'abstraction et la figuration sont complémentaires. Sur fond sombre ou encore coloré, des formes s'agitent, se meuvent et, enfin, se disloquent en accumulations de matière et coups de pinceaux expressifs. Des figures humaines ou animales, incontestables témoins des peurs, des pensées et des fantasmes de l'artiste. Cette exposition est donc l'occasion d'entrevoir une œuvre picturale tout en énergie et en action, où le travail de la matière rend principalement compte de la condition humaine et du Temps.