A quelque dix milles nautiques, soit près de 20 km, au nord-est du cap de Monastir, les îles Kuriat émergent à perte de vue comme un bout de terrain vague très peu fréquenté. Un milieu insulaire distingué qui remonte à l'époque romaine, faisant son apparition depuis l'ère néolithique. L'on parle, alors, d'un archipel composé de deux îlots distants de deux kilomètres l'un de l'autre, aujourd'hui classé domaine public maritime étendu sur 340 hectares. Et c'est l'Agence de protection et d'aménagement du littoral (Apal), qui veille à sa gestion environnementale. Voyage dans les faciès qui en ont fait le dernier bastion de la tortue marine « caretta caretta », espèce menacée de disparition au large de la Méditerranée. La visite sur les lieux coïncidait avec la journée internationale de la biodiversité, célébrée le 22 mai de chaque année. Eu égard à sa valeur écologique et à sa biodiversité si sensible à toute présence humaine, l'île figure également sur la liste des « aires marines et côtières protégées » dont le programme national a déjà été initié il y a une quinzaine d'années. Mais, en l'absence d'un cadre juridique réglementaire, la stratégie de gestion des îles Kuriat, la grande et la petite, n'a pas, encore, révélé tous ses secrets. Sauf que des initiatives à caractère associatif ont pu combler le vide d'actions. « Notre Grand Bleu», association locale à Teboulba, devenue partenaire de l'Apal, n'a pas lésiné sur les moyens afin d'assurer la préservation des écosystèmes de la zone. Elle a réussi à faire la différence. De son côté, le centre d'activités régionales pour les aires spécialement protégées s'attelle, lui aussi, à un projet pilote de planification permettant à l'archipel d'accéder au statut des zones marines et côtières protégées. La tortue marine en vedette C'est une zone naturelle pittoresque, longtemps considérée en tant que berceau de reproduction de la tortue marine « caretta caretta », mais aussi refuge favorable pour sa ponte et sa nidification. Dans la Méditerranée, remarquent les scientifiques, la ponte se situe d'avril à septembre sur les plages de sable fin. Les femelles accostent pour pondre de quatre à sept fois par saison et déposent jusqu'à près de 200 œufs à chaque fois. Ainsi, l'incubation peut durer de 45 à 65 jours et l'accouplement se fait habituellement pendant leur flux migratoire. Cependant, la pollution et la pêche anarchique constituent deux principaux facteurs menaçant cette espèce et risquent de mettre en péril tout un écosystème biologique marin. Par ailleurs, il y a encore signe de vie et de survie pour d'autres espèces végétales et animales. Flore et faune à part, l'archipel renferme quelques arbustes et herbiers tels que la «posidonie », l'un des mieux conservés en Tunisie, et accueille surtout un grand nombre de rongeurs : rats noirs et lapins. L'avifaune fait également partie des divers habitats du milieu. La prolifération des rats dans les îles a nécessité l'intervention urgente de l'Apal, aidée en cela par « Notre Grand Bleu », sous forme d'une vaste campagne de dératisation. Mission réussie. Un si riche potentiel écotouristique Dotée d'une plage sablonneuse encore vierge, à la merci d'une nature pittoresque rarement exploitée et visitée, la petite Kuriat demeure une destination de baignade privilégiée. Un site éco-touristique hors du commun. Toujours est-il que les expériences d'exploitation à bon escient d'un tel potentiel naturel se font aussi rares. La grande Kuriat, fort d'un aspect très particulier, abrite une garnison de la marine nationale et accueille occasionnellement des chercheurs ayant pour mission le contrôle et le suivi de la nidification des tortues marines. De temps en temps, des groupes de touristes et de pique-niqueurs n'hésitent pas à y sortir en vadrouille ou en excursion. Avec tous ces atouts, les îles Kuriat méritent protection. D'ailleurs, l'Agence de protection et d'aménagement du littoral n'a pas manqué de prendre les choses en main, en tant que responsable, pour leur assurer pérennité et durabilité.