30% des espèces végétales et animales de la Méditerranée, qui compte environ 12000, sont présentes en Tunisie, dont 600 évoluent dans le seul golfe de Gabès qui constitue les nurseries et la pépinière de la Méditerranée. Mais, depuis quelques dizaines d'années, l'ensemble de ce système naturel marin subit des agressions d'origine aussi bien anthropique que naturelle, qui ont porté à la détérioration de sa biodiversité et à la perturbation de son écosystème. Le Protocole de la convention de Barcelone, relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, signé le 10 juin1995 et ratifié par la république tunisienne, définit les espèces menacées « toute espèce qui risque de disparaître dans un avenir prévisible dans tout ou une partie de son aire de répartition et dont la survie est peu probable si les facteurs de déclin numérique ou de l'habitat persistent ». Ledit protocole stipule par ailleurs que les espèces menacées sont en danger « quand elles ont disparu d'une grande partie de leur aire d'origine et que leurs effectifs sont réduits à un niveau critique ou que leur habitat a régressé de façon drastique », qu'elles sont vulnérables « si leurs effectifs et/ou leur habitat ont fortement diminué », et qu'elles sont rares « si leurs effectifs sont naturellement faibles, ou leurs stations naturellement très localisées ». Dans ce sens, la situation des tortues marines en est le meilleur exemple du fait qu'elles constituent aujourd'hui des espèces menacées d'extinction dans le monde entier. Les découvertes incessantes de plus en plus fréquentes, la dernière en date remontant à la semaine dernière, de cadavres de ces chélonidés ayant échoué sur les rivages de la côte nord de l'île de Djerba ne sont que pour confirmer ce constat alarmant. Elles sont souvent victimes de braconnage, toujours présent même s'il est en baisse, des captures accidentelles dans les filets maillants à larges mailles, de la pollution chimique, ou des déchets flottants ( sacs plastiques pris pour des méduses), ou encore d'une collision avec une hélice de bateau, etc… Etat des lieux en Tunisie Constituant un élément important dans la biodiversité marine et considérée comme un facteur d'équilibre du milieu marin, la tortue marine est à protéger et à prémunir d'une extinction imminente, car l' extinction de l'espèce, ou même la baisse de son nombre ne peut aboutir inéluctablement qu' à la prolifération des méduses, connues pour être des proies de prédilections des tortues, et qui se nourrissent principalement de larves de poissons ; aussi la production halieutique sera-t-elle négativement affectée et les activités de loisirs marins et de tourisme lésées. Comme la tortue de mer est une espèce migratrice dont la protection ne se limite pas aux frontières des pays, les pays méditerranéens membres de la convention de Barcelone et en particulier de son Protocole relatif aux aires spécialement protégées et de la diversité biologique, ont établi un plan d'action pour la conservation des tortues marines dans cette région. Dans ce contexte, plusieurs programmes ont été réalisés en Tunisie, dont le suivi de l'activité de nidification durant l'essentiel des périodes de nidification et d'émergence des nouveau-nés au niveau du site de ponte des îles kuriat à Monastir, considéré comme le plus important dans le pays. Lancé depuis 1997 avec la collaboration étroite de l'Institut National des Sciences et Technologie de la Mer (INSTM), l' Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral (APAL) et le Centre des Activités Régionales pour les Aires Spécialement Protégées (CAR/ASP), cette zone est devenue depuis lors une aire marine protégée, renfermant également une station de soins des tortues créée en 2004 par l'Institut National des Sciences et Technologies de la Mer ; un réseau national relatif à l'échouement des tortues marines et des cétacés, a été mis en place pour éditer tous les deux ans une publication sur le bilan de l'échouement des tortues marines et les causes de leur mortalité. La zone de Ras R'mal à Djerba : site idéal de ponte ? Selon M.Naceur Ben Maïz, Docteur en sciences maritimes et Directeur de l'Exploitation du Lac, la zone de Ras R'Mal au nord de l'île de Djerba constitue vraisemblablement un site idéal pour la ponte de l'espèce de tortue Caretta caretta, la plus commune en Tunisie. A plusieurs reprises et au cours de deux saisons successives d'observation in situ, des preuves irréfutables de nidification sur la plage de Ras R'Mal ont été relevées : d'abord en 1997, un cadavre frais d'un juvénile a été découvert sur la plage. Vu sa petite taille, cette jeune tortue ne pouvait pas venir d'un autre site de ponte et son lieu de naissance ne pouvait être que cette zone-là. Plus tard encore, en 1999, un autre juvénile vivant, qui aurait échappé à la capture par les prédateurs ou les braconniers, a été observé. Par ailleurs, deux cadavres de grandes tortues ont été repérés sur cette même plage en 1998. Le premier fut découvert le 7 juillet 1998 à environ 4 Km de la pointe de Ras R'Mal en direction des hôtels et à environ 12 m de la bordure de la mer. Or à cette distance, la tortue, qui était de la taille correspondant à celle des femelles productrices, ne pouvait pas être rejetée par les vagues : elle aurait donc péri après avoir certainement parcouru cette distance pour creuser son nid et déposer ses œufs. Le deuxième cadavre d'une autre tortue relativement de petite taille a été trouvé à environ 1 km du premier, en direction des hôtels et à 4 m de la mer. Sur les plages, la vue est le sens le plus utilisé par les tortues marines. Pour regagner la mer, elles se déplacent préférentiellement vers l'horizon le plus lumineux qui, dans les conditions naturelles, est généralement la mer. Sur certaines plages, les lumières artificielles peuvent présenter un danger mortel, en orientant les tortues dans la mauvaise direction, ce qui explique l'échouement des deux tortues si loin du lieu de ponte La zone de Ras Rmal est un site exceptionnel, favorable à la ponte et à la nidification des tortues marines et des oiseaux nicheurs et migrateurs. Elle est soumise depuis quelque temps à une forte pression touristique, en proie à une occupation et une exploitation humaines irrationnelles : des excursionnistes débarquent par milliers chaque jour, notamment en période estivale, par mer ou par terre, usant de voitures tout terrain ou de ces horribles quads ; ils piétinent avec les dunes bordières, dérangent le séjour de la faune, ce qui porte préjudice à l'équilibre écosystémique. Classé en 2007 dans la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale, il fait l'objet d'une étude s'inscrivant dans le cadre d'un vaste programme de sauvegarde et d'aménagement défini par l'APAL (Agence de Protection et d'Aménagement du littoral) et qui n'attend qu'à être concrétisé. Au vu de son statut de site idéal vérifié de ponte et de nidification des tortues marines, il serait souhaitable d'y créer, à l'instar du site de ponte des îles Kuriat à Monastir, une station de suivi et de soins de cette espèce animale marine, malheureusement en voie d'extinction, à même de prémunir ce site de ponte et d'alimentation de davantage de destruction et d'y remédier.