Ils disent être surpris par le président Béji Caïd Essebsi appelant à un gouvernement d'union nationale. Mais ils commencent déjà à poser leurs conditions Comme l'on s'y attendait, l'appel lancé, jeudi soir, par le président Béji Caïd Essebsi, pour la formation d'un gouvernement d'union nationale avec la participation de l'Ugtt et de l'Utica, a suscité un débat contradictoire au sein de la classe politique nationale aussi bien parmi les partis de la coalition gouvernementale que parmi l'opposition représentée au Parlement ou celle s'activant sur les réseaux sociaux et dans les colloques de réflexion organisés quotidiennement par les centres d'études et de recherche se comptant par centaines depuis l'avènement de la révolution. La particularité commune présidant à l'ensemble des réactions enregistrées jusqu'ici se résume en deux phrases : «Nous sommes surpris par l'initiative présidentielle. Le chef de l'Etat ne nous a pas consultés avant de s'exprimer». Et le premier à faire part de sa surprise et de son étonnement est bien Habib Essid, le chef du gouvernement. Il a déclaré, hier matin, sur les ondes d'une radio privée : «J'ai suivi l'interview télévisée de Si El Béji comme tout le monde et je n'étais pas au courant de ce qu'il allait dire. Toutefois, certaines indiscrétions me sont parvenues quelques minutes avant le démarrage de l'interview sur la possibilité de l'annonce d'un appel à un gouvernement d'union nationale. En tout état de cause, je ne suis pas opposé au projet. Je rencontre le chef de l'Etat, lundi prochain, comme de coutume, et j'en saurai davantage. Vais-je rester à la tête du gouvernement ou laisser la place à une autre personnalité ? C'est l'avenir qui le dira et si l'intérêt national l'exige, je ne ferai que m'y plier avec la conscience d'avoir accompli la mission dont on m'a chargé tout en restant à la disposition de mon pays». «Nous participerons à la consultation, pas au gouvernement» Du côté de la place Mohamed-Ali, les syndicalistes entretiennent le même discours : «Nous sommes une organisation syndicale qui n'a pas de rapport avec la politique, qui se place à égale distance des partis politiques et qui n'interfère pas dans la gestion des affaires politiques. Toutefois, nous avons notre mot à dire sur tout ce qui intéresse l'avenir du peuple et personne n'a le droit de nous indiquer comment exercer nos compétences. L'Ugtt participera aux consultations qui devraient aboutir à la formation du gouvernement d'union nationale auquel appelle le chef de l'Etat, mais nous n'y serons pas représentés. L'Ugtt reste une force de proposition, de contrôle et de régulation. C'est sa tâche initiale et ceux qui savent lire l'histoire peuvent témoigner que l'Ugtt n'a jamais dévié de cette ligne directrice qu'elle s'est choisie depuis sa création sous la direction de son leader historique Farhat Hached», s'accordent à souligner Houcine Abassi, S.G. de la centrale ouvrière, et Sami Tahri, membre du bureau exécutif et porte-parole de l'Ugtt. Les nidaistes, de leur côté, ont été fidèles à l'image qu'ils ont réussi à donner d'eux -mêmes à l'opinion publique: la division dans sa plus parfaite illustration. Ridha Belhaj, qui n'est plus président de l'instance politique du parti, souligne: «L'initiative présidentielle est de nature à désorienter l'action du gouvernement qui se trouve face à des difficultés énormes et n'a pas besoin qu'on complique davantage sa tâche». Abdelaziz Kotti, qui se rappelle sa fonction de porte-parole du parti au moment où il veut et quand la situation exige qu'il parle, se félicite de l'initiative de Béji Caïd Essebsi «qui a montré qu'il sait écouter le peuple, qu'il reste collé à ses préoccupations et ses attentes. La Constitution lui permet de lancer de telles initiatives et il a fait son devoir de nous réveiller sur la nécessité de laisser de côté nos différends et nos ambitions personnelles pour sauver le pays de la dérive. Nida Tounès va réunir son instance politique aujourd'hui (vendredi) ou demain pour faire part de son soutien à l'appel présidentiel et pour décider de la démarche à suivre lors des négociations en vue de la formation du prochain gouvernement et de la définition des priorités qu'il aura à réaliser». «Entendons-nous d'abord sur la signification de l'union nationale» Afek Tounès, l'une des composantes de la coalition gouvernementale toujours en exercice, dirigé par «le bouillonnant» Yassine Brahim, ministre du Développement et de la Coopération internationale, reste scotché à son idée de la refonte de la majorité gouvernementale. Yassine Brahim annonce que le Conseil central du parti se réunit ce week-end comme prévu auparavant «pour assurer le suivi de son action visant à reconstruire la majorité gouvernementale et aussi pour examiner l'initiative du président Essebsi. Mais avant de nous prononcer, sur cette initiative, je me pose la question: de quelle union nationale s'agit-il ? Ennahdha est-il d'accord sur ce que promet Béji Caïd Essebsi. Nous ne pouvons pas prendre de position avant que les autres ne se prononcent». Pour ce qui est de l'Union patriotique libre (UPL), les choses sont claires: «Si les concertations aboutissent à l'éclosion de nouvelles orientations et à l'apparition de nouvelles personnalités qui pourraient apporter du nouveau, notre parti ne peut que soutenir l'appel du Chef de l'Etat. Au cas contraire, il vaut mieux poursuivre le travail avec l'équipe gouvernementale actuelle», précise Hatem El Euchi, nouveau secrétaire général de l'UPL et ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières. Quant au Front populaire qui se targue d'avoir lancé sa propre initiative de Salut national (un document écrit et publié contrairement à Samir Taïeb, S.G. d'Al Massar, qui s'est contenté de quelques propositions verbales soumises à Si El Béji) avant que le chef de l'Etat ne dévoile son plan, il devait tenir hier après-midi une session de son Conseil central pour examiner l'initiative du chef de l'Etat. Et bien avant qu'on sache ce que les frontistes vont décider, Mongi Rahoui, l'un des députés du Front, s'est exprimé en son nom personnel pour laisser entendre que «Béji Caïd Essebsi a fini par donner raison aux approches du Front populaire et que maintenant, nous allons poser nos conditions». L'Ugtt soutient l'initiative présidentielle Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a reçu, hier, au palais de Carthage, le secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Houcine Abassi, apprend-on d'un communiqué de la présidence de la République. A l'issue de cette entrevue, Abassi a souligné le soutien de l'Ugtt à l'initiative lancée par le président de la République de former un gouvernement d'union nationale, une initiative qui répond, selon lui, aux exigences de l'étape actuelle. Il a ajouté que les concertations vont se poursuivre, abstraction faite de la participation de l'Ugtt à ce gouvernement. Dans une interview accordée, jeudi, à la chaîne Wataniya, le président de la République a proposé de constituer un gouvernement d'union nationale rassemblant toutes les sensibilités politiques, la coalition au pouvoir, l'Ugtt, le patronat et les indépendants.