La loi de Finances 2016 avait instauré l'obligation d'équiper certains prestataires de services de caisses enregistreuses. Cette mesure devait entrer en service dès le 1er juin. Un mois après, le ministère des Finances n'est arrivé à persuader qu'une trentaine d'unités de suivre le mouvement sur les 300 prévues. Au début, l'idée était d'instaurer un régime de contrôle électronique qui allait introduire plus de souplesse et de transparence dans un secteur marqué, jusqu'ici, par un grand flou et peu de clarté. Mais les professionnels ne l'entendaient pas de cette oreille. Une levée de bouclier s'en est suivie de la part des gens du métier qui ont affiché, frontalement, leur opposition à s'astreindre à cette loi. Pourtant, les intentions officielles étaient on ne peut plus nettes : cette mesure permettrait de fixer avec précision le chiffre d'affaires de ces entreprises. Avec les caisses enregistreuses, l'activité des services de consommation sur place serait directement liée au ministère des Finances et ce, pour toutes leurs transactions avec les clients. Soutien aux activités de consommation sur place Cela constituera un outil des plus efficaces pour réduire le fléau de l'évasion fiscale et instaurer une plus grande justice entre les prestataires. Des mesures pénales sont, également, prévues par l'article 48 de la loi de Finances. En effet, il est question de «l'application d'une amende variant entre 1.000 et 50.000 dinars et d'un emprisonnement de 16 jours à 3 ans à tout prestataire qui manque à l'obligation de mettre en place une caisse enregistreuse, introduit des modifications à la caisse enregistreuse ou détruit ou falsifie les informations qui y sont enregistrées». En vérité, le ministère de tutelle voulait, à travers cette expérience, tenter de garantir le suivi, le soutien et l'accompagnement nécessaires aux activités de consommation sur place tout en exigeant les normes de sécurité sur les caisses enregistreuses. Selon les autorités, ce nouveau système fiscal de suivi électronique des facturations vise à recueillir et rassembler l'information financière, fiscale et statistique en temps réel et avec précision. Pour ce faire, une campagne de sensibilisation avait été programmée. L'inscription volontaire devait profiter à 300 prestataires grâce à une opération de soutien et d'accompagnement, en plus du lancement d'un jeu visant à habituer les clients à exiger leurs tickets à chaque consommation. Cette incitation est nécessaire au début de cette expérience. Elle est susceptible de pousser plus de volontaires à adhérer à l'opération lancée par le ministère. L'augmentation du nombre de clients chez les locaux équipés de caisses enregistreuses amènerait ceux qui ne le sont pas à le faire. Des incitations en faveur de la clientèle sont, également, à encourager. Surtout pendant cette étape, si les autorités tiennent bon à mettre en œuvre le programme en question. En effet, le processus est mal parti puisque les représentants du secteur ne se sentent pas prêts à appliquer des mesures qui auraient été décidées, selon eux, dans la précipitation et sans consultation sérieuse des parties concernées. Un des griefs invoqués par les professionnels concerne la sélectivité. Pourquoi se limite-t-on aux cafés, salons de thé, restaurants ou restaurants touristiques uniquement ? Il y a, d'après M. Faouzi Hanafi, président de la Chambre nationale des cafés, plusieurs autres secteurs qui auraient dû être associés à ce processus. Opération mal préparée ? Notre interlocuteur a insisté sur la nécessité de préparer le terrain de façon suffisante avant d'entreprendre une telle opération. Beaucoup de points de détails demeurent en suspens et doivent être éclaircis par le ministère. M. Hanafi reconnaît que le ministre des Finances est ouvert aux propositions des professionnels et qu'il a manifesté sa volonté d'être à leur écoute. Et c'est déjà positif. Il y aurait, précise-t-il, un entourage qui ne chercherait pas le bien du secteur. Quant au principe de mettre en application cette disposition, le président de la Chambre nationale des cafés se dit favorable à condition de préparer le terrain et à garantir les intérêts des professionnels. Ce secteur fait vivre des milliers de personnes (environ 120.000). Il serait injuste d'appliquer deux poids deux mesures pour les hôtels et les cafés. La TVA, par exemple, est de 6 % pour les hôtels et de 18 % pour les cafés ! Pourquoi ne pas généraliser le même taux pour les deux ? D'ailleurs, cette machine pourrait avoir le mérite de résoudre beaucoup de problèmes au niveau des chiffres d'affaires, avoue M. Hanafi. Mais comment faire avec les frais généraux ? Faudra-t-il continuer avec le régime forfaitaire ou appliquer un système de comptabilité (notamment avec les factures, et les dépenses pour les articles homologués comme le «mâassel») ? Somme toute, cette mesure vient avant l'heure bien qu'elle soit nécessaire. Elle aurait dû bénéficier de plus d'intérêt et d'études avant sa mise en vigueur. Aujourd'hui qu'elle est au-devant de la scène, il va falloir gérer les conséquences qui en ont découlé. Une révision profonde des points de désaccords reste possible. Le ministère pourrait assouplir sa position. En contrepartie, les professionnels seraient tenus de faire preuve de plus de transparence et de respect des réglementations.