La tendance à former des groupements régionaux à forte intégration économique est un phénomène mondial que l'on observe depuis un certain nombre d'années aux quatre coins du globe. Il est cependant assez significatif que la prise de conscience de la nécessité de créer un tel espace régional remonte chez nous, Maghrébins, à la période qui suit immédiatement les indépendances. Aujourd'hui, nous célébrons l'anniversaire des accords qui ont donné le jour à l'Union du Maghreb Arabe (UMA). C'est en effet le 17 février 1989 que les cinq pays membres – Tunisie, Algérie, Libye, Maroc et Mauritanie – ont cosigné le document marquant la naissance de cet ensemble régional dont les ambitions affichées restent aujourd'hui encore, et plus que jamais même, d'une grande actualité : renforcer les liens de fraternité entre les pays membres ; assurer les conditions de relations mutuelles de paix sur la base de la justice et de l'équité ; mettre en place de façon progressive un espace favorisant la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ; préserver de manière solidaire l'indépendance de chaque pays membre ; instaurer une coopération diplomatique solide reposant sur le principe de la concertation et du dialogue ; asseoir une entraide en matière de développement des différents secteurs économiques et, enfin, développer l'échange dans le domaine culturel : éducation et affirmation de sa propre identité arabo-musulmane par la mise en valeur des principes les plus nobles de notre héritage. Il est clair que, en comparaison d'autres blocs régionaux, proches ou lointains, l'Union du Maghreb Arabe accuse un certain retard, ou plutôt un retard certain, si l'on raisonne du moins en termes de part des échanges. C'est un fait, du reste, que le commerce entre pays maghrébins représente, par rapport à l'ensemble des échanges avec l'extérieur, le modique pourcentage de 4 %. Il faut pourtant considérer ici qu'en tant que pays de cette partie du monde, au croisement de la Méditerranée et de l'univers saharien et africain, porteuse en outre de l'héritage arabo-musulman, mais aussi d'autres héritages plus anciens, la mise en place d'un espace commun engage chez nous un travail d'incubation qu'il ne s'agit pas d'ignorer. Certes, l'épisode des luttes pour l'indépendance a servi de véritable révélateur d'une capacité d'action solidaire entre nations et peuples maghrébins. La création de l'UMA est sans aucun doute très redevable de cette intuition issue des guerres d'indépendance en ce qui concerne la possibilité d'édifier une maison commune. Mais, en réalité, la réflexion sur un rapprochement entre pays maghrébins dans leurs relations avec le reste du monde s'enracine dans un passé plus lointain. Il exprime le souci que quelque chose existe que nous avons en partage, nous les Maghrébins, et qu'il nous incombe de le traduire en projet dynamique pour nos peuples respectifs. Toute la question est de savoir comment ce projet doit prendre forme, dans le respect scrupuleux de la légitimité qui est son assise. En Tunisie, la conviction est forte que, par-delà les difficultés de circonstance, l'avenir de l'Union du Maghreb Arabe est un avenir réel et un grand avenir. Le Président Ben Ali a montré en plus d'une occasion à quel point il était attentif, non pas aux épiphénomènes de l'histoire de notre région, qui ont certes leur importance, mais aux tendances profondes, à ces lames de fond qui déterminent les orientations fondamentales de notre devenir. C'est sans doute la raison pour laquelle, dans les moments les plus critiques du doute au sujet du projet maghrébin, la voix de la Tunisie ne s'est jamais affaiblie dès lors qu'il s'agissait de rappeler les ambitions très justes de cette maison commune qu'est l'UMA. C'est sans doute pour cette raison aussi que notre pays, dès lors qu'il sentait souffler un vent plus favorable, n'a eu de cesse de pousser à réaliser des avancées concrètes en termes de mise en place de structures de concertation et d'action commune, de mise en réseau et en complémentarité d'initiatives économiques, de réforme de ce qui existe déjà afin d'atteindre des niveaux d'efficacité supérieurs. Les liens avec l'Union européenne constituent un cadre propice permettant d'engager ce travail critique et d'amélioration continue des mécanismes : ce qui n'a d'ailleurs pas échappé à la Tunisie dans ses efforts particuliers. Ce dernier point constitue un thème auquel le Président de la République accorde une attention particulière, en même temps qu'à l'assainissement des relations intermaghrébines en vue de l'organisation d'un sommet maghrébin dont on souhaite qu'il marque le commencement d'une étape profondément renouvelée de la construction maghrébine. Aujourd'hui, l'on sent qu'un nouveau rythme s'enclenche. Des objectifs ambitieux, dont les enjeux sur le développement de nos pays respectifs sont majeurs, attendent que des gestes courageux suivent... Et ils ne pourront que suivre.