Par Khaled TEBOURBI A l'amorce de la saison festivalière, et au moment où la crise du gouvernement absorbe tous les esprits, le Cmam (centre des musiques arabe et méditerranéennes) nous conviait lundi dernier à Ennejma Ezzahra à une«consultation - débat» autour(on cite) : Du lancement du projet de renforcement des capacités en matière d'établissement de rapports périodiques dans le cadre de la convention de 2005 de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Que signifiait cet immense intitulé ? Pour les non-initiés assurément pas grand-chose. Pour les présents, experts commis, responsables et cadres du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, artistes et membres de la société civile (pas nombreux), l'aride «formule» gardait évidemment tout son sens. Commençons, en qui nous concerne, par le plus simple : l'importance capitale de cette convention de 2005 sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles ratifiée, déjà , par près de 150 nations, et à laquelle la Tunisie fut une des premières à adhérer. Importance (en schématisant un peu) due à l'émergence simultanée de la mondialisation et des conflits géopolitiques à caractères identitaires. Plus prosaïquement: dès l'invasion des multinationales de la communication numérique, la culture mondiale est allée en s'uniformisant, mais en engendrant, dans le même temps, son contraire :la réaction des spécificités , des identités ethniques, confessionnelles et nationales, avec, progressivement, les excès et les dangers que tout le monde leur connaît désormais. Succinctement encore (car la question est autrement plus subtile et complexe) l'intervention de l'Unesco rejoint un palier jamais franchi. De 1946, année de sa création, aux abords des années 90, elle était de l'ordre de l'appoint éducatif et culturel, c'est-à-dire, en gros, à l'écart de toutes interactions politiques, économiques ou géopolitiques entre Etats. Là il y a comme un bond historique, voire épistémologique qui s'est opéré depuis. La mondialisation de l'économie, la «suppression» des frontières, les nouvelles «permissivités» douanières ont automatiquement déteint sur le produit culturel, plus précisément sur ses moyens de diffusion, sur ses contenus, essentiellement sur ses visibilités et ses marchés. En bien pour les «puissants de ce monde» (Pierre Bourdieu). De mal en pis pour les pays émergents. La convention de 2005 sur la promotion et la protection des expressions de la diversité culturelle tente d'éliminer ce déséquilibre. Le «vocable» officiel : d'humaniser «la mondialisation». Ce n'est pas une tâche facile, on s'en doute bien. Mais le texte est là, fort, très fort de ses objectifs universels, de ses principes directeurs de liberté, d'entraide, d'échange et de solidarité entre les peuples, en faveur des expressions omises, des cultures minoritaires. Fort, surtout, de ses grands indicateurs de politiques culturelles et de développement durable. Le Texte est également présent pour contrer les «mythes» identitaires et leurs exacerbations chauvines. Mais en n'usant pas de contrainte, cela va de soi. Les Etats signataires gardent leur souveraineté et leur libre choix de décision. Les biais convenus et qui ont plus ou moins cours sont des «outils» de compensation. On essaye des voies «médianes» entre des «contraires», exemple entre croyances et libertés. Entre attachement identitaire et impératif de développement. Là non plus, rien n'est moins sûr. Responsables et experts de l'Unesco en ont, humblement, conscience. Mais ils ne désespèrent pas pour autant de la bonne volonté des élites civiles, surtout de la volonté politique des Etats. Ils délèguent leurs spécialistes depuis 2011 pour aider (renforcer leurs capacités)les départements culturels des pays en développement à monter des rapports quadriennaux précis (état des lieux, bases de données, projections)en vue de lancements effectifs de programmes en faveur de la diversité des expressions culturelles, et (pourquoi pas dans cet excellent sillage) au profit de l'élaboration des politiques culturelles, elles mêmes. Lundi 8 à Ennejma Ezzahra, la consultation-débat se tenait principalement en vue de jeter les bases du second rapport quadriennal (à remettre avant fin 2016 )et dont la préparation sera financée par le gouvernement suédois. Il n'est pas à exclure, toutefois, qu'elle serve aussi à de plus amples et de plus importantes réflexions.