Par Abdelbasset Chebbi* «L'olympisme est une philosophie de la vie, exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l'esprit. Alliant le sport à la culture et à l'éducation, l'olympisme se veut créateur d'un style de vie fondé sur la joie dans l'effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux universels». Ces termes définissant l'olympisme dans l'absolu sont ceux explicités dans l'article 2 de la charte olympique qui n'est autre que la codification des principes fondamentaux, des règles et des textes d'application adoptés par le Comité international olympique (CIO). La charte olympique régit également l'organisation et le fonctionnement du mouvement olympique et fixe les conditions de la célébration des Jeux olympiques. Et c'est à l'occasion des jeux olympiques d'été de 2016 (Jeux de la XXXIe olympiade de l'ère moderne) qui seront célébrés à Rio de Janeiro, Brésil, du 5 au 21 août 2016, que nous proposons à nos chers lecteurs, durant toute cette période, un ensemble d'articles dédiés aux divers aspects réglementaires et de jurisprudence y afférents. Et c'est à travers un cas d'actualité qui a défrayé la chronique ces derniers jours, à savoir l'affaire à moult rebondissements de l'exclusion de la Russie des JO 2016 pour cause de dopage massif de ses athlètes, que nous allons mettre sous microscope, juridiquement parlant, les péripéties de cette affaire et expliquer les tenants et les motivations de décisions prises à cet égard par les différentes instances internationales compétentes en la matière telles que la Fédération internationale d'athlétisme, l'Agence mondiale antidopage, le Comité international olympique, le Tribunal arbitral du sport... En effet, tout a commencé suite au scandale de dopage organisé révélé par les médias publiant les aveux du directeur général du laboratoire russe antidopage et d'une athlète russe, que l'Iaff avait décidé, après avoir procédé à ses propres investigations, de suspendre la fédération russe d'athlétisme (Araf) le 13 novembre 2015, laquelle suspension a été confirmée à deux reprises le 26 novembre 2015 et le 17 juin 2016 avec pour conséquence l'impossibilité pour les athlètes russes de participer aux JO de Rio 2016 conformément à la règle 22-1 du Règlement des compétitions de l'Iaff et en application du code antidopage de l'Agence mondiale antidopage (AMA) qui, elle aussi, a procédé à l'ouverture automatique d'une enquête sur le sujet en question, conformément à ses dispositions statutaires, en mandatant le juriste canadien Richard McLaren pour s'y faire, et ce, comme Personne Indépendante (P.I.) membre de la commission indépendante de l'AMA. Le rapport de ce dernier, délivré à l'agence et rendu public le 18 juillet 2016, était accablant pour la Russie. Il en ressort particulièrement que l'Etat russe était bel et bien impliqué dans le trucage systématique des tests antidopage lors des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi en 2014 et que même le ministère des Sports russe avait contrôlé, dirigé et supervisé les manipulations, avec l'aide active des services secrets russes (FSB) et des laboratoires agréés installés à Sotchi et celui de Moscou également durant les championnats du monde 2013 d'athlétisme qui étaient organisés à Moscou. Pire encore, selon ce rapport de McLaren, ledit système aurait été instauré dès 2011 et aurait duré jusqu'en août 2015, au bénéfice d'athlètes russes de nombreux sports olympiques d'été et d'hiver lors de compétitions internationales organisées en Russie (Mondiaux de natation en 2011, d'athlétisme en 2013, d'escrime en 2014 et 2015...). Et comme un malheur n'arrive jamais seul pour le sport russe déjà épinglé par le rapport McLaren, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a, pour sa part, contribué à enfoncer le clou en rejetant le 21 juillet 2016 les demandes/appel du Comité olympique russe (ROC) et de 68 athlètes russes à l'encontre de la décision de suspension de l'Iaaf déjà mentionnée auparavant et en confirmant l'inéligibilité de ces athlètes pour les Jeux olympiques de Rio conformément aux dispositions des articles 22.1 (a) et 22.1 A du règlement des compétitions de l'Iaaf. La formation arbitrale a toutefois laissé entrouverte une petite porte échappatoire procédurale au sport russe en estimant qu'elle était incompétente pour déterminer si le CIO était habilité de manière générale à accepter ou refuser la sélection par le Comité olympique russe d'athlètes pour participer aux JO 2016 à Rio. Cette opportunité juridique a été saisie au vol par le Comité olympique russe qui, par le biais de son président, a plaidé sa cause et celle des athlètes russes devant la commission exécutive du CIO en s'engageant solennellement à coopérer pleinement avec toutes les organisations internationales afin de faire la lumière sur tous les éléments de ce dossier, et également en donnant l'assurance que le ROC allait opérer une vaste et complète restructuration du système russe de lutte contre le dopage afin de rétablir un sport propre en Russie. La commission exécutive du CIO a rendu son verdict le 24 juillet 2016 en attribuant essentiellement aux fédérations internationales la responsabilité d'établir leur contingent d'athlètes russes admissibles en se référant au code mondial antidopage et aux autres principes convenus lors du sommet olympique du 21 juin 2016 tels que la prise en compte uniquement des contrôles antidopage appropriés et fiables effectués au niveau international et l'application des spécificités et des règles de la discipline sportive en question afin de garantir des conditions de compétitions équitables pour tous. De plus, le ROC ne sera pas autorisé à inscrire aux JO de Rio 2016 un athlète qui aura déjà été sanctionné pour dopage, même s'il a purgé la sanction prononcée à son encontre. En conclusion, et en tenant compte du rapport McLaren et de la décision du TAS, la commission exécutive du CIO, en rendant sa décision, a considéré que la «présomption d'innocence» ne peut être appliquée pour les athlètes russes de chacun des 28 sports olympiques d'été qui doivent assumer les conséquences de ce qui équivaut à une responsabilité collective, et ce, afin de sauvegarder la crédibilité des compétitions olympiques. D'un autre côté, le CIO, en vertu des principes de justice naturelle, reconnaît le principe du droit à la justice individuelle auquel tout être humain peut prétendre, et octroie à chaque athlète russe concerné la possibilité de réfuter l'applicabilité de la responsabilité collective à son cas personnel. A.C. Droit et Marketing du sport