Mashrou' Leila retrouve la scène de Hammamet sur laquelle il s'est produit pour la première fois en 2013. Le public est le même, plus déchaîné, plus passionné de ce groupe underground et encore plus fidèle à ce projet qui joue sur la provocation, même s'il ne le déclare pas ouvertement. C'est en terrain conquis que le quintette Mashrou'Leila s'est produit dimanche dernier au festival de Hammamet. C'était la deuxième soirée et la tension chez le public n'est pas retombée. La veille, au cours de la première représentation, les fans étaient venus nombreux à ce rendez-vous musical assez particulier. Qu'est-ce qui fait courir autant les mélomanes pour cette formation qui présente une musique entre pop et rock alternatif ? La soif de nouveauté ou l'audace avec laquelle Mashrou'Leila défie la scène musicale arabe par un projet totalement décalé ? Mashrou' Leila retrouve la scène de Hammamet sur laquelle il s'est produit pour la première fois en 2013. Le public est le même, plus déchaîné, plus passionné de ce groupe underground et encore plus fidèle à ce projet qui joue sur la provocation, même s'il ne le déclare pas ouvertement. Le public qui adhère à ce genre de musique est constitué de jeunes branchés de différents âges, accros aux réseaux sociaux. C'est d'ailleurs par leur biais qu'ils ont découvert le quintette et apprécié leurs albums. Un public envoûté, qui connaît parfaitement toutes les chansons et les répète avec le groupe, même si la manière avec laquelle le chanteur Hamed Sinno les débite est complètement incompréhensible pour les non-initiés. C'est justement ce style de chant où les mots sont mâchés par une musique dominante, voire parfois envahissante, que les jeunes apprécient. Accompagnés de leurs parents ou entre copains, ils ont dansé et chanté à tue-tête sur des refrains engagés, exprimant les douleurs psychologiques, la solitude, l'abandon, la détresse, la désespérance, etc. Une vision pessimiste d'une jeunesse arabe en perte de repères et d'idoles en qui elle peut s'identifier. C'est ce que représente ce « Projet d'une nuit » ; une alternative à l'archaïsme d'une société patriarcale, à l'hypocrisie sociale et religieuse, au sectarisme... Au-delà de la musique, Mashrou' Leila est un projet d'un modèle de vie prônant l'acceptation de la différence, la tolérance et le respect à l'égard de l'autre, qui constitue la minorité. Cela touche aussi l'aspect vestimentaire et le look; celui de Hamed Sinno, le leader charismatique du groupe, est le plus représentatif. Deux ans après « Raasuk », le groupe, créé en 2008, sort en 2015 son 4e album « Ibn Leil », plus pop que rock. Violon, percussions, synthé sont mis au service d'interventions musicales qui transgressent les sonorités habituelles que nous retrouvons dans les chansons de variété orientales. Ici, la musique est l'expression de questionnements autour de la liberté de mœurs : vie nocturne, vie sexuelle, fête et alcool. A cause des messages qu'il prône, le groupe s'est heurté à la censure en Jordanie où il a été interdit de se produire. C'est sans doute en Tunisie que Mashrou' Leila reçoit le meilleur accueil. D'ailleurs, Hamed Sinno l'a rappelé en invitant ses fans à poser avec lui pour une photo qu'il diffusera sur les réseaux sociaux. De « Djin », qui dépeint avec poésie une jeunesse perdue avec une explosion de refrains électroniques, à « Falyakon », rétrofuturiste, « Aoaoud », « Maghawir », «Tayf », porte-étendard LGBT et d'autres. Une heure vingt de concert qui a laissé les spectateurs sur leur faim, ne voulant pas quitter les gradins, obligeant le quintette à retourner sur scène pour deux autres chansons, l'une romantique et l'autre plus rythmée, qui a permis à tout le monde de danser. Mashrou'Leila a encore le vent en poupe, mais jusqu'à quand ?