Il y a des films maladroits dans la façon de les mettre en images, mais sincères et constructifs. Et, il y en a d'autres au propos immoral ! La plus ancienne des manifestations cinématographiques arabes et africaines se déroule du 7 au 13 août à Kélibia, réunissant, chaque soir, plus de 1.000 personnes entre participants, membres de la Ftca (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs) et de la Ftcc (Fédération tunisienne des ciné-clubs), des étudiants, des invités et des professionnels du secteur, en plus d'un public de vacanciers et de résidents de plus en plus fidèles à ce rendez-vous annuel. Mais chaque session a son lot de coups de cœur et de déceptions. Celle-ci, la 31e, a l'air d'être un peu spéciale. Au bout de trois jours de projections de courts métrages documentaires et de fiction, nous avons remarqué que dans la section nationale, la plupart des films reflètent un certain malaise...Il y a de quoi, diriez-vous. Mais le problème est que ce malaise est transmis aux spectateurs. Ces derniers, au lieu de s'identifier à l'histoire et aux personnages, ils les rejettent, car le propos est « immoral », donc non constructif. Un de ces films intitulé « Gasp », raconte l'histoire d'un jeune homme qui cherche à s'évader en s'asphyxiant avec un sac en plastique. Aidé par son ami, qui prend le soin de lui lier les pieds et les mains pour l'empêcher d'arracher « la cagoule mortelle » et de respirer, il devient de plus en plus accro. Ce moment « d'extase » est filmé et la vidéo circule dans les réseaux sociaux. Un jour, las de jouer à ce jeu dangereux, le « bourreau malgré lui » laisse son ami mourir ( ?!) Un autre film titré « Barrage », où il s'agit d'une jeune paysanne qui découvre le sexe et le chocolat et qui finit par tomber enceinte et se prostituer, nous a laissés béats. Apparemment, l'auteur qui fait passer son personnage pour « une bête curieuse » ignore tout de son pays, de ses femmes qui le portent, et de ces paysannes qui, justement, sont conscientes et conséquentes et travaillent d'arrache-pied pour nourrir leurs familles et préserver leur patrimoine. Celles-ci ne confondent certainement pas entre un homme et un coq, une femme et une poule, le lait de vache et « un autre lait »...Cette fiction qui prétend être du genre drame social, ridiculise la femme tunisienne et efface d'un trait tous ses acquis. Jamais deux sans trois. « Rouge sur blanc », une fiction de 16mn, est bien partie pour illustrer un drame psychologique à travers la vie d'un couple marié depuis trois ans. Elle est passionnée par la peinture et la lecture et a dû abandonner ses rêves pour jouer le rôle de la femme au foyer. Lui est médecin préoccupé par son travail. Un jour, ce dernier se rend compte que sa femme ne lui adresse plus la parole et ne partage plus rien avec lui. Tout est bien qui commence bien. En première partie du film, l'auteur a su traduire cette incommunicabilité, et cette manière qu'a la jeune femme de vivre dans sa tête au lieu d'être ici et maintenant, dans cette réalité qu'elle refuse désormais. Mais c'est cette façon de « dénouer » le conflit qui est décevante. Quand le mari n'en peut plus du silence de son épouse, il devient violent. Et c'est après avoir été battue, que sa femme lui pardonne et lui avoue son amour... Que devrions-nous comprendre avec ce « Happy-end », hélas applaudi par une grande partie du public? Que se passe-t-il dans la tête de ces jeunes ? Pourquoi sont-ils si perdus, si malheureux ? D'où vient cette violence qui apparaît dans leurs films ? A qui est la faute ? Au système éducatif qui a été mis en place pour ne pas penser? Aux parents peut-être bien absents de la vie subjective de leurs enfants? Au politique qui ne se soucie que du pouvoir? A l'époque, où l' « avoir » est plus important que l' « être » ? A ces propos et images toxiques diffusées sur les réseaux sociaux ? A ce grand complot qui se trame à notre insu et qui veut anéantir notre humanité ? En tout cas, il n'y a pas de fumée sans feu. Il se passe quelque chose qui atteint l'imaginaire, seul refuge et unique espace de liberté. Heureusement que lors de ces trois jours de festival, nous avons quand même vu quelques films tunisiens qui font l'exception et où les auteurs ont été capables de poésie. Citons entre autres courts métrages : « Les enfants de la lune » et « Le petit navire ». Le premier parle de la vie de ces enfants atteints d'une maladie qui les rend très sensibles à la lumière et au soleil, et le deuxième raconte, doucement et tendrement, l'arrivée en famille d'un bébé... Ce sont, jusque-là, nos deux coups de cœur qui nous ont donné de l'espoir. Espérons qu'il y en aura d'autres.