Par Khaled TEBOURBI Le plan «Education-culture» de Néji Jalloul se met donc en marche. A la bonne heure. Séance unique et temps de loisir pour nos enfants, initiation aux arts, aux sports, au vivre ensemble, à la citoyenneté. Les grincheux devraient faire profil bas. Il y a à peine une année ces gosses étaient «voués» au pourrissement ambiant, à la désespérance des instituteurs, des géniteurs, à la routine des classes, à l'épuisement, à l'ennui, voire (déjà) aux dealers ; pire : à l'abandon ! Grincheux, quand même ! On était mieux avant ? Pour les aînés, ceux du secondaire, ce que préconisent les accords entre départements (affaires culturelles et enseignement) ressemble à s'y méprendre à ce qui était dispensé sous Messadi, Klibi et Bachir ben Slama. C'est-à-dire l'éducation artistique et culturelle proprement dite, à travers des structures «mixtes» de musique, de théâtre, de cinéma, d'arts plastiques, de belles lettres, de philosophie même (espérons !) Ce volet du secondaire a un tout autre poids. Il touche à des générations de base, aux élèves de 12-20 ans, ceux à partir desquels on oriente la société de demain. Qui ne garde en mémoire les «confidences» de Abdelfattah Mourou à un certain Wajdi Ghanim ? Elles visaient le «noyau dur», futur, d'une nation. Les laïcs et les républicains avaient dénoncé «l'attitude de duplicité», et hurlé «au danger». Remettre les arts dans les lycées, aujourd'hui, peut fort bien déclencher une réaction «a contrario». Ne nous leurrons pas ! Les haut- parleurs qui tonnent du haut des minarets, les mosquées qui échappent au contrôle de l'Etat, la hausse d'écoute des prédicateurs, les écoles coraniques, les «jardins talibans», le passéisme résurgent, les «embrigadements», les radicalisations, montrent bien que la résistance au projet moderniste, progressiste, de Néji Jalloul sera loin d'être négligeable. Les conservateurs irréductibles, les islamistes invétérés savent ce qu'ils y perdent en effet : un vivier «propice» d'adolescents, une inculture ascendante, une école républicaine sur le déclin, une conscience patriotique fragilisée : tout ce qui nourrit les autoritarismes, les fascismes, les dogmatismes, les sectarismes. Tout ce qui les fait prospérer. Vigilance, alors : cette institution scolaire tournée vers les arts et les savoirs, vers l'éveil des intelligences et des consciences, ne fera pas que des «grincheux». Néji Jalloul a fait allusion, l'autre jour, à une «minorité de pêcheurs en eaux troubles».Ces gens pullulent monsieur le ministre ; ils risquent peut-être leur existence. Ils joueront leur va-tout. Méfiance, aussi, envers nous-mêmes. Le plan «éducation-culture» donne, d'abord, l'impression d'un «plaquage» sur le modèle bourguibien. Trop «descendant», trop «Malrusien». Les contextes ne sont pas les mêmes. Néji Jalloul se passionne pour des «coutumes anciennes». Il y a aussi beaucoup à retenir dans le nouveau. On oublie, ensuite, l'éducation populaire. Le concept entend deux choses : une culture au sens large, et une éducation empruntant les outils du discours commun. Il n'y a pas que des écoles à promouvoir, il y a les laissés-pour-compte du développement. Le grand nombre. Les exclus de la démocratie. Des rappels enfin : Un : aucune culture n'est viable sans infrastructure. Nos écoles dans leur grande majorité sont dans un très mauvais état, et nos petits écoliers souffrent «le martyre» chaque matin pour y arriver. Il reste tant à faire dans les régions : faut pas rêver ! Deux : une éducation artistique ne vaut vraiment qu'au milieu d'arts et d'artistes dynamiques, sécurisés, épanouis. Y travaillons-nous vraiment ? Trois : combien pèse, en fait, cette éducation culturelle, quand des télévisions commerciales commandent, seules, le goût des populations ? La culture n'a pas que des amis.