En attendant Godot. Telle est la première impression que dégage le discours gouvernemental un mois après l'investiture du gouvernement de M. Youssef Chahed Les ministres parlent, prennent d'assaut les plateaux radiophoniques et télévisés; le chef du gouvernement s'est même arrangé une interview télévisée dans le registre du sur mesure cette semaine, rien n'y fait. On n'est pas sorti de l'auberge de l'anecdotique, du pointillé, du bricolage. La grande vision d'un nouveau projet de société tarde toujours à percer. A en croire que la mauvaise communication, tare fondamentale des huit gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution de 2011, se perpétue. Oui, mais encore faut-il avoir quelque chose à communiquer. Autrement ça devient tchatche et pur verbiage. L'interview télévisée du chef du gouvernement, mercredi dernier, en est témoin. Des mesures ont été annoncées, certes. Mais c'est toujours des projets. Il y a eu incontestablement erreur de casting. Youssef Chahed aurait d'ailleurs dû mettre en branle les réformes avant d'en discourir. Et l'on a tellement promis des choses que plus personne ne prête attention aux déclarations d'intention, si généreuses soient-elles. En définitive, la somme des mesures annoncées à la queue leu leu ont fini par dégager une forte impression de bricolage et de réactions par à-coups. Il semble que nous soyons en face d'un gouvernement réactif a posteriori et non point anticipatif. Les grands projets structurants sont encore entourés d'un halo de mystère. Pourtant, la réussite de la conférence des donateurs internationaux, prévue fin novembre dans nos murs, en dépend essentiellement. Certes, des objectifs annoncés comme restaurer la confiance, permettre aux Tunisiens de rêver ou lutter contre la corruption sont rassurants. Mais, là aussi, il s'agit d'énoncés non assortis de dynamiques ou de modalités pratiques. Et à force d'être martelés ou ré-assénés, ils deviennent moralisateurs. En fait, depuis son investiture il y a un peu plus d'un mois, le gouvernement de Youssef Chahed a dû faire un sérieux baptême du feu, c'est le cas de le dire. Protestations sociales, sécheresse puis pluies torrentielles dévastatrices ponctuent les semaines. Le gouvernement en est réduit à assumer une mission de pompiers à l'affût. N'empêche, aucune grande vision d'ensemble ne transparaît. Et l'amoncellement d'annonces de petits projets qui se superposent finit par lasser. On ne le dira jamais assez. C'est le départ au starting block qui importe le plus. Le bâcler signifie rater le coche. Être condamné à piétiner ou faire du surplace aussi. Et c'est d'autant plus pernicieux qu'on vit déjà avec le syndrome de la nouvelle République de l'échec. Youssef Chahed devra briser le signe indien. Il est déjà fort d'un document de base mis au point par plusieurs partenaires politiques, syndicaux et patronaux, le document dit de Carthage. Aussi incomplet soit-il, il trace déjà la voie. S'en tenir à ses énoncés serait la moindre des choses. Entre 1947 et 1958, la IVe République française avait connu 21 gouvernements et 22 crises ministérielles. Elle accumulait les ratages des mauvais départs. Elle a fini par rendre le tablier, cédant la place à la Ve République, qui perdure depuis près de soixante ans. Chez nous, la IIe République s'englue d'emblée. Cependant, que ne faut-il courir deux fois plus vite pour rester à la même place.