Doctorat Honoris Causa de l'Université Catholique de Louvain à la doyenne Neila Chaabane (Album photos)    Les produits alimentaires dont les prix ont le plus augmenté au cours d'avril 2024    La Kabylie est-elle devenue un nouvel Etat indépendant ? Non    Ras Jedir: Le poste frontalier sera ouvert après la fin des travaux de maintenance    Décès de Bernard Pivot    La Tunisie abrite les championnats d'Afrique de qualification olympique en trampoline    De l'angle mort de non durabilité de l'agriculture tunisienne    Des migrants subsahariens attaquent deux agents : La garde nationale clarifie    L'ambassade des Emirats en Israël rend hommage aux victimes de la Shoah    Décès du chanteur et poète tunisien Belgacem Bouguenna    Le taux de remplissage des barrages continue de baisser    Assurances Maghrebia augmente ses bénéfices de plus de 19%    De nouvelles pluies attendues mardi et mercredi avec chute de grêle et vent fort    Neji Jalloul candidat à la présidentielle    Youssef Elmi démissionne de la présidence du Club Africain    Ce soir, à l'IFT : Nawel Ben Kraïem chante un secret !    Toujours pas d'autorisation de visite pour les avocats des détenus politiques    Météo en Tunisie : températures en hausse remarquable    Tunisie : la violence occupe de plus en plus l'espace scolaire    Crise électorale à la FTF : La FIFA intervient    Tunisie-Algérie : Coopération renforcée et partage des connaissances entre les deux pays    Ouverture des souscriptions à la 2ème tranche de l'emprunt obligataire national 202    Kick-off meeting Consortium Africain sur les Leishmanioses (ALC) Du 8 au 10 mai 2024    Quels sont les risques de la prise de médicaments sans avis médical ?    Ali Kooli prend la tête de la Libyan Islamic Bank, un retour aux sources dans la finance    Développement : Les chemins du salut passent par la croissance verte    L'OCI salue la réunion des dirigeants de l'Algérie, de la Tunisie et de la Libye    Azza Filali, lauréate du Comar d'Or : «L'écriture est un travail difficile et solitaire et la reconnaissance est un réconfort»    Un nul au petit trot entre l'ESS et l'USM : Les mauvaises habitudes...    Hand – En marge de la consécration de l'EST en coupe d'Afrique des clubs : Les leçons à tirer...    L'USBG enchaine avec un deuxième succès consécutif : Le grand retour !    Chaker Nacef, lauréat du Prix découverte Comar d'Or 2024 du roman en Arabe à La Presse : «Les entreprises sont tenues de renforcer la créativité artistique et la participation culturelle de leurs employés»    De Descartes à Spinoza et la neuroscience moderne: Evolution des perspectives sur la dualité esprit-corps    Escalade à la frontière : Drones ukrainiens tuent six personnes en Russie    Echaâb aura un candidat pour l'élection présidentielle    Mohamed Safi : la justice s'ingère dans les affaires des établissements scolaires    Fin annoncée de Google Podcasts à cette date proche    Israël prépare une offensive à Rafah : évacuation massive en cours    La 2ème édition du Prix Ibn El Jazzar célèbre l'excellence médicale méditerranéenne    Sommet de l'OCI à Banjul : La délégation tunisienne émet des réserves sur les documents de la conférence relatifs à la question palestinienne    Ahmed Souab : il serait difficile pour Kaïs Saïed de passer au second tour    Ligue 2 – Gr A/B : résultats complets et classements après les matches de la J21    Nabil Ammar prononce un discours au nom du président de la République au Sommet de l'Organisation de la Coopération Islamique à Banjul: « Le monde islamique doit se montrer uni et doit unir sa parole pour soutenir le peuple palestinien »    La ligne d'or – Narrer l'entrepreneuriat : maîtriser l'art du récit pour inspirer et engager    Palmarès des Comar d'Or 2024    Ligue 1 pro (play-offs et play-out) : résultats des matches du samedi et classements    Les écoles et les entreprises ferment de nouveau aux Emirats    Giorgia Meloni reçoit le roi Abdallah II de Jordanie au palais Chigi à Rome    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Je n'ai d'autres armes que l'écriture»
Rencontre avec Abdelhalim Messaoudi, universitaire et essayiste
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 10 - 2016

Critique, universitaire et essayiste, Abdelhalim Messaoudi enseigne le théâtre à la faculté des Lettres et des sciences humaines de La Manouba. Spécialiste de théâtre, il a participé à plusieurs colloques et rencontres sur le 4e art en Tunisie et à l'étranger. Il a publié trois ouvrages, dont le dernier en date est Bourguiba et le théâtre. Nous lui avons consacré cet entretien du lundi.
Quelle est l'opportunité de publier aujourd'hui un livre sur Bourguiba et le théâtre ?
Premièrement, aucun livre n'a été publié sur ce sujet. Cela a été fait de manière disparate : des études, essais, mémoires de recherche, mais, c'est la première fois qu'un livre est consacré entièrement sur la relation de Bourguiba avec le théâtre. Moncef Charfeddine est en train d'écrire un livre sur Bourguiba et le théâtre dans lequel il va traiter, entre autres, de l'influence des frères du leader qui l'ont orienté vers le 4e art. Mais Bourguiba et le théâtre est le premier livre consacré exclusivement sur le sujet.
Qu'apporte votre livre de nouveau sur ce qu'on sait déjà de la passion de Bourguiba pour le théâtre ?
Après la révolution du 14 janvier, il y a eu un retour très fort à Bourguiba comme étant un spectre qui hante les esprits des intellectuels, des politiciens et de beaucoup de tunisiens. De nombreux ouvrages ont été publiés sur Bourguiba et sa relation avec la religion, Bourguiba et sa relation avec l'Ugtt, des ministres ont livré des témoignages sur Bourguiba. Mais rarement, on a traité de Bourguiba et son rapport à la culture. La question culturelle est pour lui organique dans la mesure où il considère que le projet de l'édification de l'Etat ne peut se réaliser qu'avec des conditions précises, en l'occurrence : la question culturelle.
Bourguiba considère que le théâtre est fondamentalement la clé de la question culturelle. C'est pourquoi il était important qu'un livre soit consacré à ce sujet. En écrivant cet ouvrage, ce qui m'a surtout séduit, est le fait d'établir une lecture du discours historique qu'il a prononcé le 7 novembre 1962. A la relecture de ce discours, j'ai constaté que tout ce qui a été réalisé en matière de culture moderne et qui a permis de donner une impulsion à la naissance d'une société civile et le rôle qu'elle joue actuellement ainsi que l'importance de l'éducation existent dans ce discours que je considère comme la matrice d'un projet culturel. Aujourd'hui, si le projet culturel existe encore, sa référence émane de ce discours. Un discours qui ne concerne pas que le théâtre mais aussi l'identité tunisienne. Bourguiba estime que l'un des instruments de cette identité tunisienne est la question culturelle. Je pense que cela méritait une réflexion, une analyse voire, un essai sur ce rapport exclusif entre le politicien, l'intellectuel et l'homme de théâtre.
En tant que spécialiste de la question théâtrale, comment évaluez-vous actuellement la scène théâtrale tunisienne ?
Actuellement, les contours de la scène théâtrale tunisienne ne sont pas clairs. Il n'y a pas d'orientation, une ligne directrice, on ne peut pas dire qu'il existe un courant, une école, etc. Tout le monde fait du théâtre et tout le monde fait du pseudo théâtre de contestation, théâtre social, théâtre de restitution des droits, mais le problème que le théâtre n'a pas résolu est celui de l'écriture théâtrale autrement dit, un projet poétique, qui est le projet dramaturgique encore absent. Ce qui fait que les productions théâtrales sont marquées par la légèreté, la ressemblance les unes aux autres, l'improvisation. Elles cachent leurs défauts au nom de l'improvisation, de l'hystérie, des hurlements, etc.
En plus de cela, la réalité et notamment la violence de la réalité que nous vivons ainsi que la laideur et la beauté de la réalité tunisienne dépassent de loin, voies des années lumière l'écriture théâtrale. La réalité échappe à la fiction. Une approche à laquelle il faut y réfléchir.
Le théâtre tunisien est-il encore à l'avant-garde des théâtres arabes ?
Oui, à une certaine époque. Il faut d'abord, définir le terme d'avant-garde. Que signifie-t-il ? Est-ce le fait de faire un discours transgressif ? Ou un discours original ? Une expérimentation ? La pratique théâtrale dans des sociétés sous-développées comme la société tunisienne ou arabe, la question de l'identité est mortelle. A ce titre, l'acte théâtral devient obligatoirement avant-gardiste. Sauf ce qui manque, c'est le bilan des accumulations des productions passées. Nous n'avons pas effectué un vrai bilan pour répertorier les problèmes. Personnellement, en tant que critique, je ne crois plus à l'avant-gardisme. Aujourd'hui, il faut réviser certains concepts dont celui de l'avant-garde.
Depuis cinq ans, vous avez animé une émission de télévision «Maghribouna fi tahrir wa tanwir», pourquoi n'avez-vous pas pensé à une émission théâtrale ? Est-ce une question d'audimat ?
Je l'ai fait. Au début, il y a eu un malentendu. Les spectateurs pensaient qu'il s'agissait d'une émission religieuse. Or, il s'agit d'une émission culturelle ouverte sur des questions politiques, intellectuelles vécues de nos jours, parmi elles, la question religieuse et culturelle. J'ai réalisé des entretiens avec des spécialistes dans le secteur théâtral et celui des arts. Une seule émission sur le théâtre ne suffit pas. Il est à noter que dans toutes les chaînes de télévision tunisienne, il n'existe pas d'émission de théâtre. Celui-ci est enfermé dans un huis clos. Les gens du théâtre aiment bien le huis clos. Il les réconforte.
Qu'en est-il de la question religieuse ?
Le titre de l'émission est un clin d'œil ou un hommage au cheikh Tahar Ben Achour, un des penseurs musulmans dans le monde arabo-islamique contemporain. L'islam «malékite» préconisé par Tahar Ben Achour est un islam menacé au nom de beaucoup de choses. Il a expliqué le Coran dans un ouvrage qu'il a intitulé «Tahrir wa tanwir» qui comporte deux concepts : éclairer et libérer les esprits. Mon émission défend la liberté de penser la chose publique chez les intellectuels tunisiens. L'époque de la renaissance au début du XIXe siècle en Tunisie, en Egypte et en Syrie et au Liban a été amputée et il est de notre devoir de restaurer cette étape et de convoquer une nouvelle renaissance. Ce sont là les enjeux de cette émission que beaucoup considèrent à ses débuts comme étant élitiste. Mais avec l'expérience, j'ai remarqué que les gens se sont habitués à l'émission et m'interpellent pour des sujets précis. On parle d'«un théâtre élitiste pour tous», concept répandu par Villard et Vitez, ceci s'applique sur l'émission qui est élitiste mais pour tous. Mon credo consiste à ne pas insulter l'intelligence des tunisiens, le résultat viendra plus tard.
Pourquoi avez-vous quitté l'enseignement à l'école des Beaux-Arts de Sousse pour enseigner l'arabe à la faculté de la Manouba ?
J'ai fait des études à la faculté des lettres et des sciences humaines de La Manouba. Je n'ai pas pu terminer mon 3e cycle dans cette faculté en raison de certaines considérations qui ne permettent pas d'arrêter les études puis de les reprendre. J'ai donc continué un DEA puis un doctorat aux Beaux-Arts de Tunis. Je suis devenu spécialiste en esthétique et histoire de l'art. J'ai choisi comme sujet de doctorat «Les esthétiques théâtrales», autrement dit la relation de l'esthétisme et de la politique dans le théâtre. Actuellement, la matière que j'enseigne à la faculté des Lettres est le théâtre. En fait, je ne peux pas rompre avec le théâtre. C'est pour moi, une expérience importante.
L'université a-t-elle changé par rapport à l'époque où vous étiez étudiant ?
J'ai 15 ans d'enseignement. J'avoue que l'université a énormément changé. Il y a eu destruction de l'appétence et de la curiosité des étudiants. On est en présence non pas d'un étudiant mais d'un élève. Il existe une défaillance. Qui est responsable de cette destruction ? Les politiques ? On n'a pas encore fait le bilan. Nous sommes face à une vraie catastrophe. Depuis une vingtaine d'années, le pays vit une destruction dont les conséquences sont effarantes.
Quel est le sujet de votre nouveau livre ?
C'est mon 4e livre. Il s'agit d'un essai qui comporte un nombre d'articles sur l'espace public. Il est de mon devoir et de celui des intellectuels de traiter la réalité. Il s'agit d'une réflexion sur la société tunisienne, le phénomène religieux, le rapport du tunisien avec le virtuel, les événements politiques et sociaux, les problèmes culturels, etc. J'ai emprunté le titre de Umberto Ecco «La république des cons», «Joumhouriat el hamqa».
En l'absence de lecteurs, pour qui écrivez-vous ?
Je continue à écrire pour le lecteur. On ne voit pas lecteur parce que le livre vit une crise, mais il existe compte tenu du feed-back que je reçois. J'écris pour éviter le suicide après la déception de la révolution. Il ne faut pas baisser les bras et rester spectateur. Je n'ai d'autres armes que l'écriture.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.