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“Rendre le théâtre plus visible…”
Rencontre avec Mohamed Médiouni, Président de la Commission du Centenaire du Théâtre Tunisien
Publié dans Le Temps le 09 - 05 - 2010

Président de la Commission du Centenaire du Théâtre Tunisien, Mohamed Médiouni, quand nous l'avons rencontré, mettait la dernière main aux préparatifs de la soirée de clôture de la manifestation, en partenariat avec ERTT (Etablissement de la Télévision et de la Radio Tunisienne).
Une manière de célébrer en beauté, la fin d'une année consacrée au Théâtre sous nos latitudes, tout en pérennisant, par ce geste à la symbolique affirmée, une date : celle du 26 mai, qui marque une naissance. Celle du Théâtre Tunisien. Toujours, dans sa symbolique. Au-delà des clivages…
Entretien.
Le Temps : La célébration du Centenaire du Théâtre Tunisien tire à sa fin. Et il est question de clôturer les festivités par une cérémonie qui prendrait les allures des Molières…
Mohamed Médiouni : La Nuit du Théâtre Tunisien, c'est un peu dans l'esprit des Molières français, effectivement. Je m'explique : l'une des décisions qu'on a prises en préparant le centenaire, c'est de trouver à fructifier cette manifestation pour créer des dates symboliques, lesquelles seront l'occasion de réunir les Hommes de théâtre et d'évaluer ce qui a été fait cette année. Avec la finalité de mettre en exergue le théâtre tunisien, car ils en a réellement besoin. Le choix de la journée du 26 mai, où des comédiens tunisiens sont montés sur scène en compagnie des syriens, des libanais…, pour la première fois, par conséquent, va pleinement dans ce sens.
•Justement, pour en revenir au centenaire, il y a une polémique qui conteste justement le choix de cette date, dans le sens où l'existence du quatrième des arts sous nos latitudes remonterait à l'ère romaine. Qu'en pensez-vous ?
- Pour moi tout ce qui est réalisé sur la scène tunisienne est tunisien. On doit le revendiquer et l'assumer. D'où l'idée d'une action, qui s'intègrera dans le cérémonial du centenaire, qu'on a appelé : « Le Théâtre et la Cité ». Un autre projet du centenaire, consiste à rendre le théâtre plus visible. C'est pour cela qu'on a répertorié les lieux de représentation théâtrale depuis les théâtres romains. On va mettre partout des plaques, où ces derniers ont existé, avec des données scientifiques, mais traitées de façon à ce qu'elles soient accessibles à tout le monde. On découvrira une Tunisie autre, que les nouvelles générations ne connaissent forcément pas, à travers ses lieux de théâtre dont certains hélas n'existent plus.
On revendique cette mémoire là. On sait que ces théâtres ont été construits par des français, des italiens…, qui étaient installés en Tunisie. Et quand on parle du 26 mai, on parle du point de vue d'un processus, qui vise à réhabiliter la mémoire du théâtre tunisien. Le 26 mai, c'est quand même aussi une date symbolique, qui marque une évolution certaine.
• Mais ce n'est pas une manière de faire table –rase du passé, en occultant des pans entiers de cette mémoire ?
- Pas du tout. Il est évident qu'on n'a pas l'équivalent d'un tel théâtre dans la culture arabo -musulmane. Eschyle, Aristophane etc. Et ils nous intéressent parce qu'ils représentent l'intelligence humaine d'une façon générale. On ne peut pas les occulter. D'ailleurs ce serait une grave erreur. Par ailleurs, on a plusieurs formes de théâtralité mais réellement, honnêtement, le théâtre dans sa forme connue, dite occidentale, est le fruit d'une acculturation, en Tunisie notamment. Il nous faudrait faire connaître aux jeunes le théâtre, faire de telle sorte qu'on le pratique aussi. La date du 26 mai tire aussi son sens de cela. En Tunisie, sur un autre plan, l'architecture des théâtres respectait le statut du Bey puisque la loge beylicale a toujours existé. Sous le protectorat, le théâtre existait. Officiellement des subventions étaient allouées par la municipalité de Tunis. Mais c'étaient les troupes françaises qui en bénéficiaient. Et c'est la Troupe Nedjma, qui a permis de passer à l'acte. Le fameux 26 mai a fait date.
En ce sens, on ne fait pas table –rase du passé, mais on pense à la Tunisie d'ici et de maintenant qui a ses spécificités, que ce soit dans sa constitution, de sa culture, ou dans ce qu'il relève de la condition de ses habitants. On n'occulte pas le fait que la Tunisie a été marquée par les brassages successifs de civilisations, et c'est une richesse, mais la culture arabe est la culture dominante. La langue et la culture arabo- musulmane font intrinsèquement partie de l'identité du pays. Il s'agit donc de faire avec les éléments constitutifs de la Tunisie d'aujourd'hui.
C'est vrai qu'il y a un héritage. Qui nous emmène à parler de la dimension méditerranéenne, qui est essentielle. Ce qui différencie ceux qui appartiennent à la culture arabo -musulmane, avec les pays du Golfe. Et ce qui rapproche, d'un autre côté, les siciliens des tunisiens. A savoir l'assimilation de la culture, les mentalités.
Je pense que parler du 26 mai en tant que date symbolique du théâtre tunisien, ne met pas en cause toutes les données premières. Mais il y a un élément essentiel maintenant. Je vois la chose d'une manière cohérente. La langue française est un butin de guerre comme dit Kateb Yacine. J'espère qu'on aura la possibilité de nous exprimer dans d'autres langues, dans cette perspective de demeurer ouverts à l'universalité des textes théâtraux. Par ailleurs, on est tunisiens, on appartient à une culture arabo -musulmane. Et on doit en tenir compte.
• Votre bilan de tout ce qui a été entrepris jusqu'ici, pour fêter le centenaire du Théâtre Tunisien…
- Pour le centenaire, il y a énormément de choses qu'on a mis en marche. Il y a des choses qui ont pris un peu de temps, mais qui vont être réalisées. J'entends par cela les œuvres complètes.
Au niveau du cérémonial, il y a l'éphémère, qui est le festif, qui est nécessaire aussi cela va de soi. Mais le plus important, ce sont les choses qui durent. Susceptibles d'ajouter des éléments à l'édifice, d'ouvrir des voies, d'archiver.
L'éphémère, c'est aussi une exposition qu'on a réalisée l'année dernière, sur l'Histoire du théâtre tunisien. On peut certes faire mieux et elle vaut ce qu'elle vaut. On a également organisé un colloque international que les gens ont considéré comme étant de grande valeur. Je parle des spécialistes, de ceux qui se connaissent dans ce domaine du quatrième art, et qui ont apprécié la qualité des participations, le choix de la thématique. Notre vision du centenaire n'est pas une vision nostalgique. On parle de l'avenir du théâtre, dans le monde, et c'est une vision ouverte. On veut engager la réflexion sur le théâtre tunisien. La création de cette date symbolique est une des réalisations importantes. Une autre réalisation est la constitution du répertoire du théâtre tunisien. Il s'agit d'une collection qui édite des œuvres complètes des textes de théâtre tunisien. Chose qui n'a jamais été faite avant, à une exception près. C'est la première fois où on essaie de constituer ce répertoire. Et parler du théâtre, c'est parler des hommes de théâtre. Il y a un risque de dénigrement, ou de mythification. D'où l'importance de mettre à la disposition des lecteurs, spécialistes ou pas, des sources très importantes. C'est une décision qui a été bien accueillie par le Ministre de la Culture.
Le point de départ de la collection est constitué de cinq livres.
Hassen Zmerli, Taoufik Ben Achour et Ezzedine Garouachi, le premier tandem, Mustapha Fersi et Tijani Zalila, deuxième tandem, et puis Samir Ayadi. Ça c'est pour les quatre premiers livres. Aux côtés de cela, il y a la réédition d'un livre : « Les pionniers de l'écriture théâtrale en Tunisiens ». C'est un livre qui a été réalisé par Ezzedine Madani, avec l'apport de Skanji. Ce livre-là ne cadre pas de façon apparente avec les critères. Ce sont les œuvres complètes. L'ouvrage présente dix pièces de théâtre réalisées par dix auteurs, et qui couvrent la période allant de 1912 jusqu'à l'indépendance. Ça c'est une exception. L'idée est de couvrir cette période-là, quitte à revenir pour éditer les œuvres complètes. Il y en a qui ont écrit une pièce ou deux mais qui ont eu une part importante dans l'Histoire.
Pour vous donner une idée sur l'importance de cette collection, et du travail accompli en ce sens, précisons par exemple, que pour Samir Ayadi, on a réuni ses œuvres en pas moins de 1450 pages, réparties en quatre volumes. C'est un effort particulier, mais il s'agit de continuer. Là, on a aujourd'hui un répertoire tunisien. C'est extrêmement important nous ne le rappellerons jamais assez. On allait travailler sur le « Nouveau Théâtre » aussi. Seulement, il y a eu quelques problèmes. En attendant qu'il y ait un consensus, en principe on l'a prévu, parce que c'est une expérience qui a beaucoup compté et qui a son poids dans le parcours du théâtre tunisien. Il y a des pièces écrites et des pièces traduites.
Il y a maintenant, à partir de là, des portes qui s'ouvrent et des parcours de recherche possibles.
Pour ce qui est de rendre le théâtre plus visible, des plaques vont donc être implantés d'ici une semaine. Evidemment pas d'une façon exhaustive, mais les tunisiens vont découvrir des choses très intéressantes, très importantes. Voir Tunis à partir de ses théâtres. De ceux qui n'existent plus aussi.
Cela donnera peut-être l'envie de construire d'autres théâtres.
Les plaques vont faire l'objet d'un livre artistique. C'est fondamental pour la pérennisation de note mémoire commune.
• Votre vœu pieux ?
- Mon espoir, c'est qu'on va réécrire l'histoire du théâtre tunisien, maintenant, à partir des approches qui vont être établies. C'est un processus, j'espère qu'il va être déclenché le plus vite.
Je pense que le théâtre tunisien passe maintenant par une étape cruciale. On est en même temps à la fin, à la limite de quelque chose, et au début d'une autre.
Je m'explique. Le théâtre est une institution au sens large. Avec des actants différents, toute une pléiade de gens qui interviennent. Il faudrait savoir aussi gérer l'argent. C'est un aspect qui n'est pas un aspect artistique, mais c'est quand même une opération économique et sociale, qui engage le reste du processus. Il y a bien sûr l'éducation, la formation du public pour que le théâtre devienne une préoccupation, un besoin vital. On peut évidemment se passer de théâtre, vivre sans le théâtre, mais quelle vie ?
Avant l'indépendance, il y avait des gens qui ont lutté pour être dans le théâtre tunisien. Il y a d'autres personnes qui ont construit quelque chose. Aly Ben Ayed, etc. Pour dire un peu que le théâtre tunisien se construit par l'accumulation d'expériences, l'intervention de beaucoup d'éléments, et en ayant une relation dialectique avec ce que vit le pays. Sur le plan économique, social, culturel…
Ce n'est pas le fait du hasard que pendant l'édification du jeune Etat indépendant, il y a eu souci de la chose théâtrale.
Il y a des prises de position après le fameux discours de Bourguiba. Il eût la création du Ministère de la Culture. Maintenant je parle d'une étape essentielle, à partir de 75- 79. Un rapport nouveau avec les institutions de l'Etat. Rapport contractuel. Il y a eu création de troupes, dites privées, qui évidemment reçoivent des subventions se basant sur un contrat, qui se présente comme un acquis.
Maintenant, avec le rôle des troupes, ça a ouvert énormément de possibilités pour les jeunes et les moins jeunes. Avant, c'était le théâtre amateur, via les associations, puis ce fût au tour d'un théâtre permanent. La troupe municipale de la Ville de Tunis. Le Nouveau théâtre, etc. Ce qui a permis à beaucoup d'hommes et de femmes de théâtre, à travers une structure, d'avoir un statut, qui a facilité l'émergence du théâtre. Evidemment, ce système est toujours valable mais il commence à montrer ses limites.
Aujourd'hui, il y a plus de 200 troupes (sociétés de production). Est-ce que l'idée des troupes, des compagnies, continue d'exister ou pas ? Même au niveau de Mohamed Driss avec le théâtre national il y a un problème. Il n'y a pas une troupe permanente. On peut l'expliquer par beaucoup de choses mais c'est un fait. Est-ce qu'on va revenir aux structures d'avant 1975 ? Il faut y répondre.
De l'autre côté, quel genre de théâtre on fait ? Sans prendre de position pour, ou contre, il faut reconnaître cela.s Il y a les confusions du genre, le one man show… Ce sont les résultats objectifs de données qui existent. La question de l'œuvre théâtrale se pose aussi. Au niveau de l'écriture, on peut parler d'un décalage. On est en face d'auteurs, qui se veulent aussi metteurs en scène. Ça peut-être positif. Mais on ne peut pas s'improviser dramaturge, si on n'en possède pas l'étoffe. C'est aussi le talon d'Achille du Quatrième des arts à mon sens.
C'est aussi, fondamentalement un problème de public. Il ne faut pas le nier. Puisque le théâtre ne peut être, ne peut s'accomplir, qu'en présence d'un public. Réel. Ici et maintenant. Donc il y a énormément de facteurs qui entrent en ligne de compte. De questions qui se posent.
Qu'est-ce ce qu'on fait pour que le public aille au théâtre ? Si tant est que le théâtre joue un rôle. Et puis il faut savoir être cohérent. Quel tunisien voulons-nous ?
Propos recueillis par Samia HARRAR


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