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«Les choses essentielles pour l'élévation de l'esprit»
Entretien du lundi — Fadhel Jaibi
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 03 - 2015

Depuis quelques mois, il est à la tête du théâtre national tunisien, lui, qui s'est toujours démarqué de toute forme de dépendance institutionnelle, nous révèle ses motivations, ses objectifs et ses projets : une troupe, de la formation et un réel rayonnement national, régional et international... Entretien.
Comment se fait-il que vous ayez accepté d'être à la tête d'une institution publique, alors que vous étiez, avec le nouveau théâtre, à proclamer votre indépendance. Est-ce une revanche sur l'institution ou la vivez-vous comme une reconnaissance ?
Rien de tout cela, la reconnaissance a-t-elle besoin d'être soulignée ? On connaît mon parcours et nos débuts et je tiens à dire nous, car le théâtre a toujours été pour moi un acte collectif depuis le début avec le nouveau théâtre puis avec Familia. Très tôt, sous Bourguiba, nous sommes revenus sur la question de l'indépendance par rapport à l'institution publique au kef puis à Gafsa. La direction du centre d'art de Gafsa a été une lourde charge administrative. Et c'est déjà une réponse à ceux qui disent que je ne sais pas gérer une institution.
Pourtant vous aviez une position radicale par rapport à l'institution ?
Avec «La noce», qui est une œuvre manifeste pour la création indépendante, on a été les premiers à faire des émules. Une prise de distance vis-à-vis de l'institution en prenant des initiatives et en nous questionnant : quel genre d'art voulons-nous faire, voulons-nous pratiquer, pour qui et comment ? On interrogeait aussi nos outils. Je pense que nous étions dans l'indépendance créatrice mais pas financière et politique. On pouvait être indépendant mais on dépendait de l'administration, on avait besoin de l'Etat. On était libres du joug de l'administration qui est le poids le plus lourd nous concernant mais politiquement, on était sous haute surveillance parce que nous avons de l'audience et on était indépendants. Indépendants durant 40 ans, 20 ans avec le nouveau théâtre et 20 autres avec Familia. Le public nous a aidés, la reconnaissance internationale aussi. Après 40 ans de métier, on prend conscience des limites et des contraintes du travail hors institution, on essayait de faire bouger les lignes (même en l'absence de syndicat), nous avons mis l'institution devant le fait accompli, l'institution a cédé à plus d'une occasion, c'est une réalité objective et incontournable.
Quel legs ont donc laissé vos prédécesseurs, Souissi et Driss, à l'institution?
Je serais le dernier à jeter la pierre à Souissi et Driss, qui étaient des baliseurs téméraires, Driss a réellement construit l'institution. Mais cette institution était problématique, sujette à un contrôle rigoureux. Driss n'a pas eu l'opportunité de continuer son projet bien qu'il en ait bien établi le statut, créé l'école du cirque, puis il y a eu dérive pour finir par être viré...
Vous a-t-on proposé ce poste avant ?
La direction du théâtre national m'a été proposée à plusieurs reprises sous ben Ali, j'en voyais les écailles et on était tellement jaloux pour notre indépendance relative, mais réelle. Mourad Sakli, quand il était ministre, m'a proposé une première fois la direction et j'ai dû refuser, puis une seconde fois et j'ai eu le temps d'y réfléchir en me posant la question : qu'est-ce que je vais faire avec cette institution qui pompe de plus en plus d'argent pour les salaires et de moins en moins pour la création. il y a, certes, une infrastructure mais qui devait être un centre de création et de formation... il fallait une stratégie pour aller plus loin que ce qu'a fait Driss et qu'il n'a pas pu finaliser afin de défendre son rayonnement national et international, un rayonnement sur la capitale et sur les régions. Et tirer vers le haut l'acte théâtral.
Dans quel état avez-vous trouvé le TNT ?
Avec la révolution, c'est la débâcle, avec le clientélisme politique de la Troïka, on a titularisé une cinquantaine de fonctionnaires et bien qu'il y en ait des méritants, le TNT peut très bien fonctionner avec la moitié de ce personnel.
Et parmi les carences effroyables, il n'y avait pas de communication, pas de diffusion, alors que fabriquer c'est bien, mais vendre c'est mieux. Je suis, donc, parti avec Jalila Baccar (mon ange gardien et mon alter ego) qui offre ses services bénévolement, et autres personnes de mes proches collaborateurs, dont Oussama Jemai, Ramzi Azaiez et Khélil triki, sur la réflexion suivante : quel nouveau visage vais-je donner à cette institution ? Il fallait que j'accepte une charge aussi lourde : redresser financièrement, restructurer, amender et réfléchir sur l'organigramme. Le constat était le suivant : entre la masse salariale, les impôts et les charges de fonctionnement, 80% du budget du théâtre national est déjà dépensé, que reste-t-il pour la création, la production et la formation ? Il fallait alors revoir tout de fond en comble.
Tout cela dans quel but, quel est le projet qui vous tient le plus à cœur ?
Avec Driss on faisait des stages et il a créé l'Ecole du cirque. Donc, pourquoi pas un lieu pour la formation ? Revenir à la vocation du Théâtre national, celle de la création et de la formation.
Mais l'école existe déjà et l'institut supérieur d'art dramatique assure la formation...
L'institution (Isad) ne forme ni acteurs ni auteurs, c'est une formation académique destinée à l'enseignement dans les lycées et les collèges. Et puisque, depuis «les amoureux du café désert» en 95, j'ai toujours travaillé avec les plus doués de ses ressortissants et avec toutes les promotions qui ont suivi, je suis en position d'évaluer réellement le problème de la formation et les limites de l'acteur, du metteur en scène et de l'auteur, ressortissants de cette institution.
Quelle serait alors votre vision de la formation au sein du TNT ?
La vocation du théâtre pour moi est qu'il faut créer pour former et mieux diffuser. La formation est, donc, un pilier dans la restructuration du théâtre national qui est, à la base, une école d'acteurs et cela est un rêve que je porte depuis notre expérience à Gafsa. Il faut que l'on se préoccupe de l'acteur et je vois les limites de ceux qui font du théâtre... il y a problème. En amont, on offre aux acteurs des ateliers d'écriture et de mise en scène et en aval, la fondation de la troupe jeune théâtre national. Le rêve de Driss était de fonder la troupe du TNT, une troupe disponible associant des acteurs confirmés, qu'il a réussi à faire durant les années 80, mais il n'a pas su continuer à contourner le fonctionnarisme.
Quel serait l'aboutissement de cette formation ?
Pour que le diplôme de l'école soit reconnu, on est allé chercher des bac+2. 70% de nos recrues sont de l'Isad, ceux qui veulent être acteurs et être formés. Ils sont pris en charge pendant 9 mois, à raison de 35h par semaine, 6 jours sur 7, livrés à des professionnels tunisiens et des partenaires étrangers, Jalila Baccar, Kaïs Rostom, Raja Ben Ammar, Salwa ben salah, Imen Smaoui et moi-même. Ainsi que Rachida triki pour des cours d'esthétique et Ikbal Zalila pour le cinéma et le décryptage de l'image.
Soumis à un régime intense, ils passeront en fin de formation une audition pour le jeune théâtre national ; ceux qui y seront retenus seront pensionnaires pendant 2 ans et confrontés à des metteurs en scène et participeront à 2, voire 4 créations maison. Puis ils voleront de leurs propres ailes et auront ainsi appris le métier. On défend, là, une profession.
Il faut apprendre le métier, c'est une réelle demande qui vient en réponse à une réelle carence. On voit bien le gouffre entre notre génération et celle qui est venue après. Entre les baliseurs et la relève. Nous avons un souci de transmission de ce que j'ai acquis, ce que nous avons appris depuis Gafsa.
Vous dites que la plus grande partie du budget va à la gestion et aux salaires, comment avez-vous trouvé le financement pour ce projet ?
Il fallait trouver les sous pour ça, répartir les ressources, j'ai dû partir en courant rattraper le budget envoyé par mon prédécesseur au ministère des finances pour le revoir, revoir les salaires, mettre de l'argent pour la troupe et la production, la diffusion et l'accueil. Et là, je rends hommage à Mourad Sakli qui a tout mis en œuvre pour que le théâtre national en son siège soit retapé, pour que la salle le 4e art dispose d'une nouvelle scène, de coulisses décentes, de loges et d'une réelle sécurité.
Au niveau de la production, quels objectifs vous êtes-vous fixés ?
Avant moi, Anouar Chaâfi a produit une seule pièce et deux créations chorégraphiques, nous, on est parti vers une aventure créatrice, une coproduction et 5 productions.
Un rayonnement intra-muros, avec une nouvelle création chaque mois, sortir de la vision salle des fêtes et être exigeant au niveau de l'accueil. Créer des évènements, instituer ce pôle de découverte de textes de théâtre avec les rendez-vous bimensuels de l'espace Entr'act avec Jalila Baccar et Sonia Zarg Ayouna. Nous pensons déjà à 2016, car une bonne programmation se réfléchit au moins une année à l'avance, rendre des hommages à des serviteurs du théâtre, œuvrer pour que Halfaouine s'ouvre sur son environnement, à la société civile, aux artistes, à la mémoire des artistes. Et rouvrir l'Ecole du cirque.
Qu'en est-il de la convention avec le ministère de l'Education ?
J'ai découvert le théâtre national déserté de son public ; des professeurs d'université, de collèges et des étudiants ne savent pas où se trouvent le 4e art. C'est une catastrophe culturelle pour le pays. Comment les réconcilier avec l'événement théâtral ?
C'est là où on a concrétisé la convention avec le ministère de l'Education nationale, et bien qu'avant, ça se faisait entre ministères mais ces conventions échouaient dans un tiroir, là c'est une convention entre le théâtre national et le ministère de l'Education. Une autre convention, un partenariat stratégique avec les différents centres dramatiques, pour que le TNT serve de phare à ses idées, une série de réunions pour vaquer aux états généraux du théâtre, pour une stratégie de coproduction et de diffusion pour sortir aussi bien le centre que les régions du gouffre...
Quelle réponse porterez-vous à tant de déficit culturel et intellectuel que nous vivons ?
La menace du désarroi est de plus en plus grave, nous voyons des déficits de partout, nous sommes des citoyens qui apportons notre part en proposant des œuvres de théâtre, des rencontres, de la musique... des choses essentielles pour l'élévation de l'esprit. L'institution sert à cela, et pour répondre à votre question de départ, c'est pour tout cela que j'ai accepté ce poste et cette responsabilité.
Il n'y a pas que l'économique et le sécuritaire, il y a aussi l'éducation et la culture élitaire pour tous, c'est dans ce sens que je perçois les choses et au moins tant que durera l'aventure de l'institution on œuvrera pour de nouvelles habitudes, de nouvelles lois et pratiques et une nouvelle éthique.


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