Au moment où l'économie nationale sombre de jour en jour dans les sables mouvants d'une crise de plus en plus aiguë, est-il conséquent de se payer le luxe d'importer un tas de produits et d'articles sans aucune utilité pour ne pas dire futiles, ce qui ne fait qu'aggraver davantage l'hémorragie de nos finances? Attablé dans un café de la place, je sirotais tranquillement ma petite boisson préférée qu'on venait de me servir, tout en faisant semblant de me concentrer sur un article que j'ai déjà lu, alors qu'en réalité j'essayais de happer quelques idées qui me narguaient, depuis hier soir, et que je trouvais de la peine à attraper au vol pour pouvoir au moins les épingler sur cette page vierge devant moi ! Peine perdue, je dus me résigner, attendant de retrouver mon énergie de «chasseur». Par un heureux hasard, deux bonhommes, assez sérieux dans leur allure, se sont attablés tout juste devant moi et se sont engagés directement dans une discussion d'affaires. Malgré moi, j'ai dû suivre leur parlotte. Il n'échappe pas à votre pertinence que la majorité de nos illustres concitoyens, civilisés jusqu'au bout des ongles et traînant le char de «trois mille ans d'Histoire», ont cette manie révolutionnairement méditerranéenne de vociférer en vrais ténors, au moment où ils croient discuter en gentlemen, sans se gêner nullement d'essorer leurs linges professionnels et même intimes sur les étals publics. C'est tunisien, arabe et méditerranéen ! Au départ, j'ai été contraint de subir leur discours, après avoir renoncé à pourchasser mes volages idées mais je n'ai pas perdu au change. J'ai trouvé enfin réponse à une question qui me triturait les méninges depuis longtemps, comment et par quels moyens ces flots de produits divers — allant des cigarettes, des produits scolaires et bureautiques, à l'électroménager et aux articles électroniques, à toutes les marques de téléphone et d'ordinateur, jusqu'aux chaussures et aux articles textiles, aux parfums et aux différents shampoings et trucs esthétiques de pacotille et surtout ces fameuses glibettes et pois-chiches pralinés et que sais-je encore, il ne manque plus que de petits robots humains — nous parviennent avec autant de facilité... Cette ruée nous submerge de deux pays «assez proches» de nos frontières, la Chine et la Turquie, d'une manière légale et avec la sainte bénédiction des protecteurs des barons de la contrebande et de ses dérivés ! Ainsi en est-il de mes deux voisins de table qui étaient «d'honorables» commerçants de la rue Charles-De-Gaulle, qui importaient 70 à 80% de leurs articles textiles de Turquie et réservaient la minable marge de 30 ou 20% à la production locale ? Savez-vous chers lecteurs que nous enregistrons un déficit énorme dans notre balance commerciale avec ces deux pays, une hémorragie qui s'ajoute à d'autres pour faire saigner à blanc notre économie, en portant un coup de grâce à notre production nationale, déjà durement éreintée, par la détérioration du pouvoir d'achat du citoyen ! Une question s'impose dans ce contexte, qu'ont fait les différents gouvernements qui se sont succédé à La Kasbah, pour parer à cette situation ? Pratiquement rien, pire même, ils ont préféré foutre leurs têtes dans le sable, tel de dociles autruches, pour ne rien voir et laisser passer... ! Nous assistons impuissants à l'invasion de la production ou sous-production turque et chinoise, au détriment de nos produits nationaux et de notre balance commerciale. Le comble de la dérision, c'est que les commerçants eux-mêmes, ou du moins ceux qui jouissent du privilège d'importer tout ce qu'ils veulent même de la camelote, participent à cette scabreuse aventure et enfoncent davantage un secteur, souffrant déjà de mille et une tares ! Au moment où l'économie nationale sombre de jour en jour dans les sables mouvants d'une crise de plus en plus aiguë, est-il conséquent de se payer le luxe d'importer un tas de produits et d'articles sans aucune utilité pour ne pas dire futiles, ce qui ne fait qu'aggraver davantage l'hémorragie de nos finances?