Par Amel Zaïbi Selon la centrale syndicale, l'Ugtt, l'importation anarchique et la contrebande menacent la survie du secteur du textile. Et à ce titre, le secrétaire général de la fédération du textile indique que les produits locaux ne représentent que 20% de l'ensemble de la marchandise exposée et vendue dans le marché tunisien. Il est vrai que le marché local abonde désormais de produits étrangers en tous genres. Cela va de l'habillement et de la maroquinerie jusqu'à l'alimentation en passant par les produits cosmétiques, électroniques, les accessoires de beauté et autres fantaisies. Le hic dans cette affaire, c'est la présence, notamment dans les rayons des grandes surfaces, de produits étrangers d'aucune utilité pour le consommateur tunisien. Ces mêmes types de produits sont fabriqués en Tunisie, exposés dans les mêmes négoces et vendus moins chers. C'est le cas, à titre d'exemple, des ustensiles en plastique de cuisine, matériels usuels et rudimentaires sans originalité, qu'on importe de Turquie voire d'Europe du Nord, dont la Finlande, à coups de devises étrangères sonnantes et trébuchantes. Or, si pour le prêt-à-porter, le cuir et les chaussures, une certaine catégorie de Tunisiens trouvent son compte en déboursant des centaines de dinars pour acheter des vêtements et des chaussures confortables et de qualité, qui durent des années sans s'user, pour les articles de cuisine en plastique, notamment, l'étonnement est général. Pourquoi dilapider des devises étrangères, en ces temps difficiles de crise économique, pour importer des produits chers et sans aucune utilité pour le consommateur local. C'est le cas aussi pour les produits alimentaires de luxe comme le caviar. A-t-on vraiment le cœur, aujourd'hui, à en consommer en Tunisie ? Il est vrai qu'une partie des marchandises étrangères importée échappe à toute logique et à tout contrôle. Elle est importée d'une manière anarchique dans un but purement lucratif, tout comme la contrebande de carburants par exemple du côté de la frontière tuniso-libyenne. On ne dirait pas autant s'il s'agissait de médicaments, d'équipements médicaux, de machines industriels ou autres. C'est, paradoxalement, le secteur des médicaments, lié à la santé, qui souffre le plus des pénuries et des ruptures de stocks de médicaments importés, particulièrement ceux utilisés dans le traitement des maladies chroniques. Il ne faut pas chercher dans des analyses savantes une quelconque explication pour justifier ces aberrations, la marchandise étrangère, légale et clandestine, est exposée au grand jour au vu et au su de tout le monde. Le mal réside donc dans le laisser-aller général et l'absence d'un Etat fort qui applique la loi contre tout contrevenant quels que soient son statut professionnel et social, son appartenance politique et sa fortune. Il faut aussi admettre que le succès que connaissent les produits étrangers importés, surtout européens, est du essentiellement à la qualité, et dans ce registre, le produit tunisien ne tient pas la concurrence. De moindre, souvent piètre, qualité et parfois plus cher que le produit importé, il ne trouve pas preneur. De ce fait, pour relancer notre économie et pour que nos produits locaux tiennent devant la concurrence étrangère, il faut commencer par améliorer la qualité et la finition, puis mieux étudier le rapport qualité/prix. En d'autres termes, plus de rigueur et de sérieux au travail dans les usines et dans la confection des produits tunisiens, dans un esprit sain de compétition commerciale et de respect du client. L'adage, jadis très connu, « le client est roi » a perdu ses lettres de noblesse. Il est temps qu'on réapprenne à respecter le consommateur et ses droits, une autre condition pour supporter la concurrence. Par ailleurs, dans un contexte d'économie de marché et eu égard aux termes des accords commerciaux signés avec l'Union européenne, le défi à relever n'est pas de produire une marchandise pour le seul marché local mais pour des centaines de millions de consommateurs vivant dans nombreux et divers pays. Il s'agit donc pour la production tunisienne de gagner le pari de l'exportation : produire pour satisfaire le consommateur étranger en plus du Tunisien. S'il y a donc un effort à faire, c'est d'abord du côté des industriels et des fabricants qu'il est attendu.