Une pilule dure à avaler pour les personnes qui souffrent de maladies chroniques et graves Depuis lundi, les officines refusent les ordonnances (médecin de famille et médecin de second ordre) et les Apci. Les personnes souffrant de maladies chroniques doivent payer intégralement leurs médicaments, très coûteux. Les pharmaciens sont confrontés à un dilemme : respecter la décision prise samedi dernier par le syndicat des pharmaciens d'officine de suspendre le système du tiers payant, ou passer outre et continuer à servir leurs clients fidèles qui n'ont pas les moyens de payer des médicaments trop chers. Plusieurs pharmacies dans le centre-ville ont décidé finalement d'appliquer cette décision, à contrecœur, refusant toutes les ordonnances du médecin de famille et 2e recours (tiers payant remboursement : 30% malade et 70% Cnam) ainsi que les Apci (la plupart des ordonnances Apci sont remboursées intégralement par la Cnam). Une grande officine située sur l'une des grandes artères de la capitale n'accepte plus, depuis une année, les ordonnances tiers payant (médecin de famille) au prétexte que la Cnam n'a toujours pas remboursé les montants des médicaments figurant sur les bordereaux qui ont été envoyés depuis plus d'un an. Aujourd'hui, c'est au tour des personnes qui souffrent de maladies chroniques et qui ont l'habitude d'être accueillies chaleureusement d'être refoulées poliment par les aides-pharmaciens qui leur ont expliqué qu'ils n'acceptent plus également les ordonnances Apci jusqu'à nouvel ordre suite à la décision prise samedi dernier par le syndicat des pharmaciens d'officine. C'est une décision difficile à appliquer mais nous n'avons pas le choix, a relevé cette pharmacienne. Il est difficile de refuser de donner des médicaments à nos clients, surtout ceux atteints de maladies chroniques. Nous sommes parfaitement conscients qu'ils sont chers et que la plupart des personnes atteintes de maladies chroniques n'ont pas les moyens de les payer. Mais, il faut aussi se mettre à notre place. Nous n'arrivons plus à nous acquitter de nos charges. Nous devons payer nos fournisseurs, les impôts, le personnel... ». Retraitée d'une institution publique, Mme Ouarghi, qui souffre de diabète type 2 et qui a l'habitude, tous les trois mois, d'acheter ses médicaments de l'officine, s'inquiète de cette décision qui va l'obliger à payer environ 400 dinars. «Les médicaments du diabète 2 coûtent cher. Je n'ai pas les moyens de payer cette somme intégralement. Beaucoup de malades qui souffrent de maladies chroniques et graves vont trouver du mal à payer leurs médicaments. Certains n'ont tout simplement pas les moyens de le faire ». Les charges s'alourdissent Dans une autre officine se trouvant dans le centre-ville, assise dans son bureau se trouvant au fond de la salle, une pharmacienne consulte ses factures. A l'instar de ses collègues, elle a décidé, elle aussi, de ne plus accepter depuis lundi dernier les ordonnances tiers payant et les Apci. Alors qu'elle envoie régulièrement ses bordereaux, la Cnam n'a pas remboursé les factures depuis plus de trois mois. « La convention avec la Cnam stipule que celle-ci doit rembourser les médicaments dans un délai ne dépassant pas quinze jours ouvrables à compter de la date de dépôt du bordereau. Or, la Cnam accuse un grand retard dans le remboursement des factures. Les médicaments servis aux clients dans le cadre des ordonnances tiers payant et des Apci n'ont toujours pas été remboursés. En ce qui me concerne, le montant des impayés s'élève à environ dix mille dinars. Or, cela ne peut plus continuer. J'ai beaucoup de charges. A chaque fin du mois, je dois m'acquitter des frais de la Pharmacie centrale qui est notre fournisseur. J'ai aussi les impôts à payer ainsi que les salaires du personnel». Mais ce sont surtout les personnes qui souffrent de maladies chroniques et graves qui accusent, aujourd'hui, durement le coup. Dans cette officine située non loin du Port de France, une femme souffrant de douleurs chroniques s'est vu refuser son ordonnance (Apci) sur laquelle est mentionné un anti-inflammatoire qu'elle prend depuis plusieurs mois. C'est à contrecœur que le propriétaire de cet établissement a décidé d'appliquer la décision de suspension du système du tiers payant. Certaines des factures de l'officine n'ont pas été remboursées depuis 2012 et les charges s'alourdissent de plus en plus pour ce pharmacien dont le montant des impayés ne cesse de croître d'année en année. « Voici une facture qui n'a toujours pas été payée par la Cnam. Le montant des médicaments s'élève à 274 dinars, a relevé l'une des aides-assistantes du pharmacien. Il est arrivé plusieurs fois que je me rende à la Cnam pour assurer le suivi et le remboursement des ordonnances. L'un des agents m'a dit que l'une d'elles a été égarée. Il y a un manque de rigueur dans le traitement des factures». Malgré le désarroi des personnes souffrant de maladies chroniques et graves, les pharmaciens d'officine persistent à camper sur leur position tant que la Cnam n'aura pas remboursé ce qu'elle leur doit. Précisions de la Cnam La Cnam a précisé dans un communiqué explicatif qu'elle a toujours respecté ses engagements vis-à-vis des pharmaciens. Depuis le 1er janvier 2016 jusqu'à la date d'aujourd'hui, la Cnam affirme qu'elle a servi quelque 124,3 millions de dinars aux pharmaciens affiliés au système. La Caisse a, par ailleurs, signalé que la moyenne de retard des payements est de 29,6 jours.