L'affaire de Jemna, dont la gestion des palmeraies à Henchir Stil a suscité débat et polémique, vient nous édifier sur la complexité du pouvoir local, concept phare du 7e chapitre de la constitution du 27 janvier 2014. Elle a aussi réussi à nous montrer à quel point on n'arrive pas encore à saisir le jeu des rôles et cerner la ligne de démarcation entre l'intervention de l'Etat et la philosophie de la décentralisation. Soit, la logique de la démocratie citoyenne. Et là, l'on se pose plus d'une question : quel modèle de développement régional faut-il pour la Tunisie? Comment définir une bonne gouvernance locale dans la gestion de la cité ? Sommes-nous pour ou contre le fait de déléguer à la région les prérogatives de son autonomie ? Qu'attend-on des élections municipales, déjà reportées sans délai ? Seraient-elles le sésame? La réponse semble nous venir de la Corée du sud, via son « Koika », agence internationale de coopération basée sous nos cieux depuis 1991. Elle est un partenaire de la Tunisie, à bien des égards. Elle a tenu, hier matin à Tunis, son séminaire annuel, érigé en tradition, pour lequel on a choisi une thématique bien précise : « appui au développement local, approches et moyens ». Ainsi, le sujet donne du grain à moudre, faisant de l'expérience coréenne un exemple à suivre. Evidemment, la Tunisie voudrait, largement, s'en inspirer. Déjà, un bon nombre de nos ressources humaines ont tiré profit du programme « de renforcement et de promotion des compétences pour demain », reconnu sous l'abréviation anglaise « CIAT ». C'est un mécanisme d'accompagnement visant à aider les pays partenaires à développer leurs expertises administratives et techniques. Une sorte d'appui à la bonne gouvernance locale. Improvisé et spontané, le discours de Son Excellence l'ambassadeur de Corée en Tunisie s'est réduit à des éloges adressés au pays d'accueil de l'agence « Koika », qu'est le nôtre. L'homme a tenu à faire valoir le potentiel aussi bien humain que naturel dont regorge la Tunisie, une telle richesse étant de nature à en faire un bon exemple en matière de développement local. Mais, s'est-il rétracté, il y a là un défaut : la valeur du travail. C'est que chez nous la notion de travail n'existe quasiment pas. Une culture ratée, depuis des années. Cela n'a rien à voir avec les Coréens, s'exprime-t-il, chez qui le travail est sacro-saint, révélateur d'une détermination citoyenne à aller de l'avant. Ceci étant, en moins d'un demi-siècle, la Corée du Sud est, aujourd'hui, 12ème puissance économique mondiale. « Il est temps pour la Tunisie de se focaliser sur le développement régional », recommande, en ces termes, la représentante résidente de la Koika en Tunisie, soulignant, ainsi, l'intérêt tout particulier à accorder à la question de la gouvernance locale. Dans le même ordre d'idées, elle n'a pas manqué d'apprécier un tel partenariat bilatéral. Questions de fond A l'ouverture, le ministre des Affaires locales et de l'Environnement, M. Riadh Mouakher, a bien parlé de l'expérience coréenne, sans pour autant livrer les raisons d'un appel à l'étranger pour nous faire apprendre les bonnes pratiques du développement local. Lui, aussi, n'a point hésité à inciter à se remettre au travail, afin de passer de l'idée à l'action. « Nous avons des idées, il y en a plein, qui échappent à l'exécution ». Et d'ajouter que la décentralisation demeure, en ces temps, un choix irréversible tel que stipulé par la Constitution. Mais, le ministre semble ne pas maîtriser parfaitement son dossier. Toute interrogation ou éclaircissement sur l'affaire de Jemna ou celle des prochaines élections municipales ne constitue, pour lui, qu'une question subsidiaire qui ne cadre pas avec la thématique en question. Alors que tout ce qui se passe dans plusieurs régions du pays (revendications sociales..) fait sentir un besoin de plus en plus pressant à un développement régional équitable. De même, il n'y aura plus de place au pouvoir local réellement décentralisé, sans des élections régionales libres, démocratiques et transparentes. Car, la bonne gouvernance est un tout indivisible. Que M. Mouakher sache bien que les affaires locales ne sont pas uniquement d'ordre communal, se limitant au souci de la propreté, à la création d'un nouveau corps de police municipale ou à la multiplication des centres de transfert des déchets. L'environnement n'est, en fait, qu'une partie intégrante des affaires locales. Tour à tour, l'expérience coréenne a été citée en exemple de réussite dans le développement local et durable. Elle doit son rayonnement à l'initiative dite « new village movement », Saemaul Undong étant, alors, son père fondateur depuis les années 70. Ainsi en témoigne Mme Latifa Zitoun, cadre au ministère du Développement et de la Coopération internationale, délégation régionale de Kasserine. Elle est aussi bénéficiaire du programme coréen « CIAT », où l'initiative Saemaul lui a servi de référence. Un cas d'école à Kasserine, où l'adoption d'approches et des moyens de développement dans la région repose essentiellement sur des similitudes entre le modèle tunisien et coréen. Dans le domaine du reboisement, la Corée donne aussi le ton. M. Ali Khorchani, chercheur principal au laboratoire de gestion et de valorisation des ressources forestières, avait, lui aussi, participé à un programme de formation en Corée dans le cadre du projet pilote de restauration forestière de chêne-liège en Tunisie, supportée par la Koika.