Les ressources hydriques sont réparties à hauteur de 80% pour l'agriculture contre 20% pour la consommation. La politique de l'Etat se résume dans la mobilisation des ressources de surface et souterraines La question de l'eau potable a été au centre des préoccupations des pouvoirs publics et de la population au cours de la saison estivale compte tenu d'une faible pluviométrie, au-dessous de la moyenne. Plusieurs barrages ont, en effet, connu une baisse de leur niveau et même la question de la qualité de l'eau a été soulevée par plus d'un citoyen dans certaines régions. L'Etat qui dispose d'une stratégie pour la mobilisation des ressources hydriques a prévu des scénarios destinés à la prochaine période en vue de satisfaire les besoins de la population en matière d'eau qui est une denrée vitale. Selon M. Chokri Elkhairi, directeur central de la production à la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonede), «il faut savoir, en premier lieu, que le climat de la Tunisie est semi-aride et que les ressources hydriques sont limitées. Actuellement, les quantités d'eau par habitant et par an sont de 460 m3, c'est un indice important pour faire une comparaison avec les autres pays. Or, selon la norme établie au niveau mondial, le pays dont les quantités moyennes d'eau potable sont de moins de 1.000 m3 est considéré comme un pays pauvre en eau. C'est un pays qui se trouve en situation de stress hydraulique». Face à cette situation, l'Etat est appelé à agir en donnant toujours la priorité à la satisfaction des besoins de la population en eau potable avant même l'irrigation agricole. Savoir gérer le déficit Les ressources hydriques sont réparties entre l'agriculture à hauteur de 80% contre 20% pour la consommation. La politique de l'Etat se résume dans la mobilisation des ressources de surface et souterraines. A noter que l'eau souterraine est surexploitée à 100%, alors que les nappes de surface le sont à 95%. A la Sonede, la priorité est, bien sûr, accordée à l'eau potable. Elle dispose de 1.400 systèmes hydrauliques répartis sur toutes les régions. «Chaque infrastructure hydraulique, précise notre interlocuteur, dispose d'une échéance déterminée. Ladite infrastructure se compose essentiellement d'une source, d'un réservoir et d'un réseau de distribution». Les systèmes hydrauliques sont arrivés, dans leur majorité, à saturation au niveau des stocks. A peine arrivent-ils à satisfaire la demande au cours de la période de pointe, c'est-à-dire du mois de juin au mois de septembre. Cet état de fait s'explique aussi par une demande de consommation moyenne qui a doublé, ce qui a entraîné une perturbation au niveau de la distribution. En 2015, il a été possible de satisfaire la demande au cours de l'été, mais en 2016, on a constaté des perturbations. Le plus grand système hydraulique de Belli-Sfax couvre près de 5 millions d'habitants à Nabeul, Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax, soit une grande partie des zones côtières. Ce secteur a été touché par un manque d'eau au cours de cette saison de pointe. Le déficit est estimé à 10% par rapport aux besoins de la population au cours de la période de pointe. L'approvisionnement par le barrage Nebhana est de 50 mille m3 par jour en été. Au début du mois de juin, il était presque vide. Il a été d'ailleurs fermé par la direction des barrages. Pour faire face à cette situation, on a été obligé de recourir au rationnement, à partir de juillet, de 23h00 à 5h00. «Toutes les parties prenantes comme les gouverneurs et les délégués, en plus des médias, ont été informés de ce rationnement pour que les habitants prennent les dispositions nécessaires. On a tenu à ce que le déficit soit réparti d'une façon équitable entre toutes les régions grâce à une bonne régulation des ressources», souligne M. Elkhairi. De grands projets programmés La pluviométrie était inférieure de 28% par rapport à la moyenne, alors que les barrages sont à moins de 25% de leur capacité. Au barrage de Sidi Salem, par exemple, la capacité n'est que du tiers de la capacité totale. La Sonede avance régulièrement au ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, sa tutelle, les besoins de la population en eau potable et des scénarios ont commencé à être préparés. En cas de rareté des ressources, il est nécessaire de rationaliser l'irrigation dans l'agriculture et l'élevage. «Si la sécheresse se poursuit au-delà du mois d'octobre, la situation deviendra vraiment inquiétante, mais ce n'est pas encore le cas maintenant», rassure le directeur central de la production. Le ministère a, en tout cas, préparé sa stratégie de mobilisation hydrique à l'horizon 2030. De grands projets sont d'ores et déjà préparés comme celui du renforcement des ressources en eau dans le Grand-Tunis, la consolidation de l'axe Belli-Sfax avec la construction d'une retenue à Kalaa Kébira à Sousse et une autre à Saidia. Un autre projet concernera aussi le redoublement du canal Mejerdah-Cap Bon sur 70 km d'un coût de 940 MD. Le retard de réalisation est dû essentiellement au financement et à l'aspect foncier. Pour la retenue de Kalaa Kébira, le Fonds arabe de développement économique et social (Fades) a accepté de contribuer au financement. La période de réalisation s'étalera de 2017 à 2020. Par ailleurs, 3 grandes stations de dessalement seront réalisées, dont une à Djerba, extensible (en cours), avec un débit de 50 mille m3 par jour. Quant à la station de Gabès, extensible, elle aura un débit également de 50 mille m3 par jour et permettra d'avoir une eau de qualité. Elle sera prête en 2020. La troisième station, plus grande et extensible, sera basée à Sfax avec un débit de 100 mille m3 par jour et pourra passer à 200.000 m3. La première station de dessalement a été installée à Kerkennah en 1983 avec un débit de 4.000 m3 par jour. Un projet de renforcement et de dessalement des eaux souterraines est également programmé avec un débit de 6.000 m3/jour et sera prêt en 2021. Diminuer la salinité de l'eau Tous ces projets vont augmenter l'offre et la qualité d'ici à 2030. «On travaille chaque année de façon distincte pour évaluer l'année passée et établir les prévisions de l'année suivante», souligne notre interlocuteur. A noter que la desserte d'eau est de 100% en milieu urbain et 93% en milieu rural où interviennent notamment les associations hydriques pour fournir l'eau. Dans le Sud, un projet national sera réalisé en deux phases à partir de la fin de 2016, pour améliorer la qualité de l'eau. La première phase couvre toute localité comptant une population de plus de 4.000 habitants. Plusieurs régions du Sud vont bénéficier dudit projet. Le but est de diminuer la salinité à moins de 2 grammes par litre pour arriver à 1,5 g/l. Le projet comporte dix stations de traitement. En outre, trois grandes stations de dessalement de l'eau de mer sont programmées à Djerba, Zarat et Sfax, qui vont contribuer à augmenter l'offre. D'autres projets sont prévus et il serait fastidieux de les énumérer tous. Pour ce qui est de la qualité, plusieurs analyses d'échantillons effectuées par la Sonede et le ministère de la Santé ont montré que l'eau est saine et ne comporte aucune bactérie. Ainsi, 50.000 échantillons par an ont été analysés par la société et ont montré que 2% ne sont pas conformes aux normes ! De son côté, M. Samy Sellami, directeur central de la planification et des études générales à la Sonede, estime que le prix du m3 est vendu à 690 millimes alors qu'il coûte en fait 820 millimes, soit une différence de 130 millimes. «Pour préserver cette société, qui est un acquis national, tous les abonnés doivent payer leur facture à temps. L'accumulation du manque à gagner a rendu la situation financière de la société, qui joue un rôle social de premier ordre, un peu difficile. On a même enregistré des retards de paiement de certains abonnés et particulièrement de certains établissements publics. La Sonede ne peut pas couper l'eau d'un hôpital, par exemple, mais invite le responsable à régler sa facture sur plusieurs tranches». L'objectif est de rapprocher le coût de fabrication du prix pratiqué en vue de réduire un tant soit peu le déficit. Des propositions de révision de prix sont, en tout cas, proposées régulièrement au ministère de l'Agriculture. Elles ne sont pas toujours acceptées compte tenu de l'effet que peuvent avoir ces augmentations sur certaines catégories sociales.