Mercredi 12 octobre, le gouvernorat de Tunis a donné un grand coup de balai à la rue des Salines. En attendant que les autres rues prises en otage par le commerce parallèle suivent La journée du mercredi 12 octobre a été particulière, très particulière même, pour les propriétaires d'étalages anarchiques à la rue des Salines (au cœur de la capitale, à quelques mètres du siège du ministère du Développement économique, de l'Investissement et de la Coopération internationale), pour les propriétaires des dépôts où s'entassaient les marchandises de contrebande et pour les habitants de la rue ainsi que pour les milliers de passants qui se sont trouvés face à une descente de contrôle économique d'une grande ampleur, une de ces descentes dont seuls les anciens de la rue se souviennent. Mercredi dernier, Amor Mansour, le gouverneur de la capitale, flanqué de ses lieutenants et des hommes de la brigade du contrôle économique relevant du ministère de l'Industrie et du Commerce, a décidé de faire le ménage à la rue des Salines, de confisquer les marchandises étalées anarchiquement sur la chaussée et aussi celles exposées dans les petites boutiques Ali Baba où on trouve même du Viagra pour femmes, de mettre la main sur les énormes sommes d'argent provenant de la vente des cigarettes de contrebande et des briquets qui sont à jeter une fois votre première clope allumée et de débusquer les entrepôts et les garages où les «gros poissons» cachent les marchandises et où les petits marchands à la sauvette s'approvisionnent. La décision est prise : il faut assainir la rue des Salines et rendre le passage à ses usagers, quitte à recourir à la force publique face aux jeunes bricoleurs et trafiquants en herbe qui ont pris possession de la rue depuis des années et considèrent qu'ils sont dans leur droit de s'y installer et parlent d'une clientèle fidèle qu'ils ne sont pas prêts à lâcher, même si la municipalité leur offre un espace où ils vont se rassembler, «l'expérience de Moncef Bey ne nous encourage pas à quitter notre rue», soulignent-ils en précisant qu'ils résisteront par tous les moyens à tous ceux qui cherchent à les dégager de leur rue. Sauf que Amor Mansour, le gouverneur «qui n'a d'instructions à recevoir de personne pour accomplir sa mission pour que la capitale soit rendue à ses habitants», comme il l'a crié, hier, sur les ondes d'une radio privée, en a décidé autrement et est passé à l'action. Bilan de l'opération nettoyage de la rue des Salines : saisie d'une somme d'argent équivalant à un million de dinars et confiscation d'une quantité de cigarettes provenant de la contrebande dont la valeur est estimée à plus de 23 millions de dinars. Les paquets de cigarettes confisqués (dont plusieurs sont de fabrication tunisienne) ont été remis à la Régie nationale des tabacs et des allumettes (Rnta), alors que l'argent saisi a été déposé auprès de la Trésorerie générale. La traque du commerce anarchique se poursuivra Pourquoi avoir choisi la journée du mercredi 12 octobre pour traquer les marchands de la rue des Salines et pourquoi avoir attendu que Amor Mansour passe à l'action, alors que ses prédécesseurs au gouvernorat de la capitale ne bougeaient pas le petit doigt et laissaient les trafiquants faire leur loi et agir à leur guise ? La question est posée aussi bien par les citoyens ordinaires que par les observateurs qui voient dans la campagne menée par Amor Mansour un coup qui s'insère dans la guerre que Youssef Chahed annonce mener contre la contrebande et les barons du commerce parallèle. Ils y décèlent également «un signe de courage et d'audace longtemps absents au niveau gouvernemental de combattre effectivement ceux qui ont pris l'économie nationale en otage en s'assurant que les autorités sont incapables de leur faire face», et des voix n'hésitent pas à affirmer (sans avoir la moindre preuve avérée) que «certaines parties politiques soutiennent ces trafiquants en contrepartie de financements illicites de leurs activités». Pour Amor Mansour, «il existe un grand nombre de dossiers à traiter et ils sont tous urgents. Mes prédécesseurs ont fait tout ce qu'ils pouvaient et moi aussi je laisserai, à mon départ, d'autres dossiers aussi importants que ceux de la contrebande et du commerce parallèle. En tout état de cause, les commerçants de la rue des Salines ne seront pas livrés à leur sort. Le gouvernorat de Tunis leur consacrera trois espaces organisés où ils exerceront leurs activités comme ce fut le cas à l'Ariana où on a créé un marché à part qui a accueilli les commerçants qui occupaient les artères de la ville. C'est une question de temps et nous espérons régler cette question dans les plus brefs délais. Toutefois, la traque des trafiquants se poursuivra et nous ferons tout pour que les rues de la capitale retrouvent leur splendeur d'antan. Quant à ceux qui politisent tout, je leur dis que les structures de l'Etat sont déterminées à exercer leurs fonctions dans les limites des compétences qui leur sont accordées». Saisie de tabac de contrebande d'une valeur d'un million de dinars Les agents du contrôle économique relevant de la direction régionale du commerce de Tunis et la direction générale de la compétitivité et des enquêtes économiques ont saisi 74.366 paquets de cigarettes et 655 kg de maassel et Jirak ainsi que d'autres produits qui ont été confiés à la Régie nationale des tabacs et des allumettes. La campagne qui s'inscrit dans le cadre de la lutte contre le commerce parallèle et la contrebande dans le secteur du tabac a concerné un nombre de locaux commerciaux spécialisés dans la vente de tabac vendu en contrebande, à la rue El Mallaha (rue des Salines) à Tunis, précise un communiqué publié, hier, par le ministère de l'Industrie et du Commerce. La campagne menée, mercredi, dans la capitale, a, en outre, permis la saisie d'une somme de 23,6 mille dinars et des chèques d'une valeur de 352 dinars. Les sommes saisies ont été versées au trésor public. De son côté, le ministère de l'Intérieur avait annoncé mercredi que du tabac de contrebande d'une valeur estimée à plus d'un million de dinars a été saisi, mercredi, lors d'une campagne menée par les unités de la police municipale, au niveau de la place de la monnaie et plus précisément la rue des Salines et ses alentours dans la capitale. Le communiqué a indiqué que les propriétaires des commerces ayant pignon sur rue et autres vendeurs ambulants de ladite zone, adeptes de ce trafic, se sont opposés ardemment aux unités de la police municipale et du district de la sécurité nationale de Bab Bhar, ripostant notamment au moyen de jet de pierres. Le ministère public a, quant à lui, donné l'ordre de procéder à une perquisition dans les locaux aménagés pour le stockage du tabac de contrebande, lit-on dans le même communiqué.