Racines est le titre de cette nouvelle exposition de l'artiste peintre Faiza Mrabet qui se tient jusqu'au 6 novembre à la Maison des arts du Belvédère. Une exposition qui nous saisit d'abord par l'originalité de son médium qui est l'encre de Chine, la plume et le stylographe et par la force de son propos. Un propos qui remet sur la table le combat, ô combien, actuel de la libération du corps de la femme toujours l'enjeu des politiques les plus pernicieuses et les plus obscurantistes. L'artiste ne peut être que saluée pour avoir de nouveau attiré l'attention sur un sujet que certains veulent «enterrer» et couvrir : le corps des femmes. Car si on suit l'histoire de la Tunisie et l'émancipation de ses femmes, on se rend compte que cette émancipation est entrain de faire un saut des années-lumière en arrière, mais tout cela subrepticement, de manière pernicieuse, tacite et presque systématique. C'est sous silence qu'on enterre le corps des femmes et leur esprit aujourd'hui, et l'opération prend une tournure banale. Ce «Qui sommes-nous» exprimé par la seule force du dessin nous semble donc une interrogation d'une grande actualité. «Depuis la nuit des temps, le corps des femmes a été soumis à la gent masculine. Il a été consommé, outragé, humilié, mutilé et caché», note le cinéaste Hassen Daldoul à propos de cette exposition. Mais en l'an 724, Arwa-La Kairouanaise a entamé, à sa manière, une libération de la femme que d'autres ont poursuivie sous d'autres cieux. Elle a, en effet, imposé à son mari, deuxième calife de Bagdad, «le contrat de mariage kairouanais» lui interdisant la polygamie, ce qui représente un pouvoir d'une saisissante modernité en terre d'Islam déjà dominée par une interprétation aléatoire de la Tradition. Ici, en Tunisie, Manoubia Ouertani a continué ce combat en faisant tomber la première (1924), en un geste fondateur, le voile pour libérer ce corps emprisonné, comme était captive de l'occupant la liberté de son pays, rejointe par des femmes au caractère bien trempé, Najet Ben Othman (1925), Habiba Menchari (1929), Bchira Ben M'rad (1937), qui ont milité avec courage et audace pour relancer cette liberté du corps et de l'esprit et donc du pays, manifestant contre la répudiation et la polygamie que les esprits prétendument religieux professaient à dessein. C'est avec son geste que Faiza reprend, du bout de sa plume, ce combat contre la servitude et les préjugés, car aujourd'hui encore, affleurent derrière le double langage et les masques enjoliveurs, les menaces contre la femme et le corps, sous couvert de protection du Sacré. Le travail,sur le dessin de Faiza Mrabet, est d'une grande dextérité et semble le fruit d'une grande patience. Il tire sa force de cette frontière presque insaisissable entre l'onirique et l'historique, mais à aucun moment le graphisme ne lâche prise sur le sujet essentiel de cette quête plastique : le corps féminin... Cela vaut mieux qu'un long discours...