Par Samira DAMI Hymne à la gent féminine, «Tunisiennes et Révolution, le combat des femmes» est le nouvel ouvrage initié, conçu et préfacé par le journaliste et écrivain Moncef Ben Mrad. Cet opus de 143 pages en deux volets (langues française et arabe) est dédié, mentionne l'auteur dans la préface, aux femmes qui, à travers les siècles, «ont refusé le linceul dont les mâles voulaient recouvrir leurs rêves et leurs existences». «Témoin de la résistance des tunisiennes dans la rue, au campus, dans les médias, devant les tribunaux, à l'Assemblée nationale constituante, alors que les hommes concédaient ou refusaient de se battre», Moncef Ben Mrad, l'esprit habité par ces images, a, ainsi, été poussé à concocter ce livre entre «Mémoire et témoignages». Cela en hommage aux femmes qui ont constitué un rempart contre la régression, et qui ont contribué à sauver la République. Cet hommage s'est, donc, imposé suite aux assauts qui se sont multipliés, après la révolution, par les forces rétrogrades afin de remettre en cause les acquis de la femme tunisienne et que des anonymes, des politiques, des militantes et des activistes de la société civile ont défendu bec et ongles grâce à une mobilisation féroce entre actions, marches et manifestations dans la rue. C'est, écrit l'auteur, «contre l'apologie de l'excision, de la polygamie, du retour de la femme à ses fourneaux et contre la volonté des constituants du parti Ennahdha de tenter d'imposer la notion de complémentarité entre hommes et femmes pour remplacer celle de l'égalité que toutes les femmes se sont mobilisées et ont agi pour défendre les acquis du code du statut personnel, de la République et des libertés humaines fondamentales». Moncef Ben Mrad explique cette résistance par l'histoire, les racines des Tunisiennes filles d'Elyssa, la Kahena, Arwa la Kairouanaise, Sayda Manoubia, Aziza Othmana, Bchira Ben Mrad, Tawhida Ben Cheïkh. D'où la partie, du volet en langue française, consacrée aux «femmes tunisiennes célèbres à travers les siècles et les civilisations» réalisée par Sonia Ben Mrad et proposant des biographies ou parcours plus ou moins succincts de femmes ayant marqué l'Histoire du pays. toutefois, on pourrait reprocher à cette partie de ne pas être personnalisée, car par trop standard, en ce sens où on peut trouver ces «bios» un peu partout dans certains ouvrages ou sur internet. Il manque, donc, à cette partie un travail de recherche historique digne des militantes présentées car on ne présente pas certaines parmi ces emblèmes en quelques lignes. Saga féminine La 2e partie du volet français est consacrée, telle une saga féminine, à une série de photos expressives en couleur montrant la mobilisation de femmes anonymes et connues contre les projets obscurantistes post-révolutionnaires. Enfin, dans la 3e partie sont proposées des contributions de 25 femmes politiques, militantes, activistes, entre universitaires, artistes, avocates et juristes, et autres qui ont accepté de témoigner sur cette tranche de lutte et de combats féminins «au moment où la Tunisie moderne risquait, selon l'auteur, de sombrer dans la défaite et la désespérance». Il s'agit, selon l'auteur, «d'adhérent aux partis politiques et à la société civile militante qui ont mené une véritable guérilla pour empêcher l'avènement d'un état théocratique fasciste». Bref, citons-en Leïla Témimi Blili, Olfa Youssef, Raja Ben Slama, Neïla Selliti, Basma Khalfaoui, Mbarka Aouinia Brahmi, Leïla Toubel, Bochra Belhaj Hmida, Lina Ben Mhenni, Dalila Mssadak, Khadija Chérif, Noura Borsali, Zeyneb Farhat et tant d'autres. Parmi ces textes, certains sont accrocheurs et passionnants car révélant une mine d'informations, tel notamment celui da la cinéaste et constituante Selma Baccar qui raconte dans sa contribution intitulée «comment les femmes ont sauvé la République» le combat des femmes membres du groupe démocrate à l'assemblée nationale constituante en se focalisant notamment sur la commission des droits et libertés où elle était membre. Elle évoque également comment le groupe démocrate a fait avorter, par la mobilisation de la société civile, des politiques et des juristes, la version de la constitution défigurée et régressive du 1er juin 2013, présentée par Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC. Elle révèle également comment fut prise la décision du sit-in du Bardo après l'assassinat de Mohamed Brahmi, puis celle du retour à l'ANC. Toutefois, concernant cette partie du livre proposant 25 témoignages étalés, également sur le volet en langue arabe, Moncef Ben Mrad ne nous dit pas sur quels critères ont été choisies ces contributrices. Car, on peut se demander pourquoi des militantes telles Neziha Réjiba ou Radhia Nasraoui ne figurent pas dans cette sélection. On peut reprocher, en outre, à ces témoignages leur qualité inégale, car certains relèvent du texte sec et austère par trop technique sur les droits et acquis de la femme, le code du statut personnel, d'autres déclinent, de manière ordinaire, des impressions sans apport remarquable. Au final, «Tunisiennes et révolution» demeure un ouvrage utile et informatif constituant une compilation de parcours de femmes pionnières, bâtisseuses et militantes à travers les siècles et de textes où des femmes connues égrènent un segment de lutte et de combats post-révolutionnaires pour la protection de leurs droits et acquis, de la République et des libertés humaines fondamentales.