Certaines banques , dirigées par des amateurs éclairés, surent faire d'excellents choix et constituer d'importantes collections. On savait bien que les banques de la place possédaient, pour la plupart, de belles collections d'œuvres d'art. Les premières banques historiques avaient, par nationalisme, aidé les peintres tunisiens à se faire connaître, et les premières galeries à se développer. Puis, elles avaient compris que tout en assurant un rôle de mécènes, elles réaliseraient, au vu de l'engouement grandissant du public pour l'art, d'excellents placements. Certaines, dirigées par des amateurs éclairés, surent faire d'excellents choix et constituer d'importantes collections. Mais ces œuvres sont rarement accessibles au public, et seuls les visiteurs reçus dans les bureaux avaient la chance de les admirer. Aussi, quand une banque décide d'exposer une partie de ses collections, d'ouvrir cette exposition au public et d'en faire un catalogue qui restera comme référence, l'événement est à saluer et à marquer d'une pierre blanche. Attijari bank vient d'initier ce mouvement que l'on espère voir suivi par d'autres institutions. Sur la vaste et lumineuse plateforme d'accueil de son siège, elle confiait à la commissaire Rachida Triki, et au scénographe Wadii Mehiri le soin de présenter une sélection de toiles sur le thème de Passerelles. Passerelles entre plusieurs générations de peintres, en une approche exhaustive, mais aussi passerelles entre une banque et son public, une institution qui a su sortir de ses contreforts pour s'engager dans une action citoyenne et culturelle qu'elle ne cesse de conforter. Trente artistes pour cette la manifestation de cette banque dont la réputation de mécène, au Maroc, son pays d'origine, et dont le rôle d'amie des arts n'est plus à faire, et laisse augurer que cette exposition tunisienne ne sera pas la dernière. Trente artistes représentant trois générations dans le panorama de la peinture tunisienne : Les pionniers et l'Ecole de Tunis, qu'illustrent magnifiquement, mais pas assez à notre gré, Aly Ben Salem, Safia Farhat et Aly Bellagha. La génération suivante, celle des Abderrazek Sahly, Rafik el Kamel, Nejib Belkhodja, Lamine Sassi, Abdelmajid Bekri, ces grands maîtres qui ont donné une belle modernité et ouvert de nouvelles voies à l'art en Tunisie. Et puis, une présence foisonnante, tonique, créative de la jeune génération, ces jeunes plasticiens audacieux, inventifs, talentueux, tels Noutayel dont la sculpture cinétique anime l'entrée de la banque, Amel Ben Attia et son hommage poétique à toutes les révolutions, Héla Ammar, Meryem Bouderbala, tous ces artistes qui font de la scène actuelle un champ de créativité débridée. L'exposition durera un mois. La banque n'a pas, faute de place, exposé toutes ses collections, mais la sélection, basée sur la continuité, la diversité et le renouvellement, est réussie. De même, il faut signaler que l'accrochage est de belle lisibilité. On sait que d'autres banques, comme l'UIB dont la collection est l'une des plus belles, se proposent d'ouvrir des espaces d'exposition de leurs collections. On souhaite que ce mouvement se généralise, et que les banques les plus anciennes, comme la STB par exemple qui, la première, a accompagné l'histoire de la peinture en Tunisie, fasse pareillement. De même que l'on souhaiterait que ces banques publient des livres d'art, monographies d'artistes ou histoires de mouvements picturaux, reprenant une tradition, hélas en berne, d'édition de beaux-livres.