Ironie du sort, c'est dans un spa et centre de bien-être détenu par la belle-famille de l'ex-président que se dérouleront les auditions publiques. Détails « Les auditions publiques démarreront au club Alyssa à Sidi Dhrif, un lieu symbolisant le système corrompu du régime déchu. Une façon pour nous de dire que la société recouvre, enfin, des espaces mal acquis pour ancrer le principe de l'Etat de droit », déclarait, hier, Sihem Ben Sedrine, la présidente de l'IVD dans la conférence de presse consacrée au déroulement des séances d'écoute des victimes de la dictature, les 17 et 18 novembre 2016. Sihem Ben Sedrine ajoute en se référant aux expériences comparées : « Les premiers procès de Nuremberg ont bien choisi de prendre pour décor le quartier général des nazis ». Trois espaces pour plus de mille invités L'espace, qui jusqu'à janvier 2011 fonctionnait comme un centre de SPA et de bien-être, « ne peut pas recevoir les centaines d'invités de l'événement », a fait remarquer la présidente de l'IVD. Des invités se recrutant parmi le corps diplomatique, les membres des diverses commissions vérité d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine, des ministres et personnalités politiques tunisiennes et étrangères et des journalistes du monde entier. En plus du personnel de l'IVD, de représentants d'organisations travaillant sur la justice transitionnelle et des familles des victimes. D'où l'idée, toujours selon Sihem Ben Sedrine, de répartir l'assistance sur plusieurs salles munies d'écrans de retransmission. Une pour les victimes et les invités de marque, une autre pour les médias équipée de matériel permettant aux chaînes radio, TV et à la presse écrite de se connecter au réseau de diffusion, d'imagerie et d'enregistrement en plus d'un chapiteau qui sera installé dans le parc de Sidi Bou Said entourant le club Alyssa. La Télévision nationale diffusera en direct à partir de20h 30 l'événement. D'autres télévisions et radios tunisiennes et étrangères ont d'ores et déjà signé une convention avec l'IVD pour avoir accès au signal de l'émission : Hannibal TV, Attassia, Al Jazira, France 24, Sky News. La Radio nationale, Mosaïque FM, Oasis FM, Shems FM suivront également les auditions. La parole de 10 victimes d'atteintes graves aux droits de l'Homme Qui seront les victimes qui témoigneront les 17 et 18 novembre ? Sihem Ben Sedrine répond : « Il y aura quatre ou cinq victimes, le premier jour. Et cinq victimes le second jour. Il s'agit de personnes ayant subi des atteintes graves aux droits de l'Homme tel que défini dans l'article 8 de la loi organique relative à la justice transitionnelle. Chacune témoignera entre 30 et 45 mn ». Elle a également rappelé que l'IVD a recueilli 62 000 dossiers, identifié 32 atteintes des droits de l'Homme commises par le pouvoir entre juillet 1955 et décembre 2013. Les témoins de l'histoire noire de la Tunisie couvriront également les diverses époques et crises de l'Etat avec le peuple. Leur choix s'est aussi conformé au critère de la représentativité des femmes. L'IVD fournira au public présent des fiches expliquant le contexte des histoires que relateront les victimes. La présidente de la commission vérité a insisté sur le respect de la solennité du moment et sur le respect de la sécurité des victimes et des témoins aux quels se doivent s'engager les médias. Elle a également annoncé qu'un autre cycle d'auditions publiques se déroulera en décembre. Une demie heure après son démarrage, la conférence de presse est perturbée par les cris et slogans d'un groupe d'une vingtaine de bénéficiaires de l'amnistie générale qui protestaient contre leur interdiction d'accès à la salle. « Prisonniers avant la révolution, réprimés après la révolution ! », scandent-t-ils. Ils sont finalement admis dans la salle après avoir insulté « les journalistes de Ben Ali » (Iîlam Ben Ali ), dont la plupart se retirent. Slah Eddine Rajhi, directeur des études à l'IVD et Sihem Bensedrine essayent d'expliquer au groupe d'anciens militants islamistes l'objectif de la rencontre avec les médias. Mais un langage de sourds s'installe entre les uns et les autres. Ce sont des réparations urgentes puisées dans le fonds de la dignité que cherchent les bénéficiaires de l'amnistie générale. Alors que toute l'énergie de l'IVD est focalisée depuis quelque temps dans l'organisation des auditions publiques, le clou du processus de justice transitionnelle tunisien. Les frustrations et les attentes de ces victimes et de toutes les autres seront-elles satisfaites par le déroulement des auditions publiques ?