Keith Haring, la star du street art américain, est pour la première fois exposé en Afrique. L'œuvre de cet artiste décédé très jeune, à l'âge de 31 ans, en 1990, est montrée actuellement au Bénin, à la fondation Zinsou, sous le titre «Keith Haring in Cotonou». «En tant qu'Africain, c'est la première fois que je le découvre. C'est une première et une façon de redécouvrir de grands artistes ici en Afrique». «Ah, c'est minimaliste, je ne comprends pas tout ce qu'il fait, mais ce qui est important pour l'Afrique, c'est de découvrir des artistes contemporains». À la fondation Zinsou, à Cotonou, les visiteurs sont aux anges. C'est un événement, une exposition inédite sur le sol africain. C'est le premier tête-à-tête entre les Béninois et les célèbres petits personnages dynamiques de Keith Haring : des personnages aux contours noirs avec des couleurs vives, il y a des bébés à quatre pattes ou des chiens qui jappent comme s'ils dansaient sur le hip-hop de ce Ghetto-Blaster, cette radiocassette XXL qu'on entend dans l'exposition. Keith Haring, montré partout, sauf en Afrique Icône des années 1980, artiste engagé influencé par le graffiti, Keith Haring dessine des symboles simples sur la liberté des individus et la justice sociale pour toucher un large public. «L'artiste dit à quel point son œuvre est faite pour être universelle, raconte Marie-Cécile Zinsou, 34 ans et présidente de la Fondation qui porte son nom. Son message touche tout le monde. Son œuvre a été présentée en Asie, en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud... Il ne manquait que l'Afrique. Pour que ce message soit complet et pour que son œuvre touche — comme Keith Haring le souhaitait — toutes les personnes du monde, il fallait l'Afrique. Aujourd'hui, c'est un hommage qu'on rend à l'artiste, à sa véritable intention dès le départ, que son œuvre touche tout le monde. Et les enfants du Bénin ont aujourd'hui le même accès que les enfants de Tokyo, New York ou Paris». Les masques africains scarifiés L'exposition met en valeur la diversité de son œuvre. Moins connus que ses toiles flashy mondialement populaires, ses masques africains scarifiés cartonnent : «Ces huit masques exposés sont un travail de l'artiste sur l'art que lui décrit comme ‘primitif' en disant qu'il déteste ce mot. Ce sont les lignes les plus pures de l'art, explique Marie-Cécile Zinsou. Là, il rejoint totalement André Malraux sur les lignes de l'art absolu qu'on trouve en Afrique, au pays Dogon, etc. Aujourd'hui, ces masques sont tout aussi forts qu'à l'époque de Keith Haring quand il les réalise en 1988. Et ils le sont aujourd'hui, en 2016, face aux enfants de Cotonou. La forme qu'on créa quelque part au Congo, il y a 500 ans, lui paraît être une des formes les plus modernes et les plus abouties de l'art. Il se sert de ça pour faire passer sa vision du monde». Un art orienté vers les enfants Après la rétrospective de Jean-Michel Basquiat, en 2007, la Fondation Zinsou frappe à nouveau fort en montrant aujourd'hui quarante œuvres de Keith Haring à Cotonou. Des œuvres faciles d'accès pour les gamins et parfois trop compliquées pour les adultes, prêtées par le collectionneur parisien Enrico Navarra : «C'est vraiment un artiste qui a vécu pour les enfants. Son travail a toujours été orienté vers les enfants. C'était un peu sa démarche politique : disperser l'art un peu partout dans le monde. Faire des expositions à Cotonou, cela n'a rien d'un geste romantique. C'est une nécessité. Quand des enfants s'approprient quelque chose, cela donne un sens aux collections, aux musées qui montrent cela. Je pense que c'est la meilleure justification pourquoi cette exposition est en Afrique. Dans cette exposition, il y a pas mal d'œuvres qui ont été créées en s'inspirant de l'art africain. Comment peut-on aujourd'hui encore se dire : tiens, c'est surprenant qu'on voie cela en Afrique ? Je me dis plutôt : qu'est-ce que tu as foutu pendant les trente ans avant ?».