Par M'hamed JAIBI Alors qu'en cette soirée de mardi, «La Presse» boucle l'essentiel de ses pages, les Tunisiens attendent, inquiets, le verdict de la Commission administrative de l'Ugtt, appelée à réagir à la toute dernière proposition du gouvernement en vue d'éviter la fameuse grève générale de la fonction publique. Mais pourquoi donc la centrale syndicale historique s'entête-t-elle à être aussi intransigeante lorsqu'il est question de la fonction publique, le secteur où elle règne sans partage grâce à la retenue à la source des cotisations, faveur dont elle a l'exclusivité ? L'intransigeance est une forme de dogmatisme, c'est lorsque l'entêtement se trouve être systématisé, théorisé, conceptualisé. C'est manifestement ce qui arrive ces jours-ci, puisque l'on réfute de principe l'ajournement d'un engagement irréaliste et insensé pris, sous la pression, par le gouvernement précédent. Alors que l'on sait parfaitement que le gouvernement, que le pays, que les finances n'en ont pas les moyens. Un engagement qui, de plus, a été suivi par une sérieuse aggravation de l'endettement et par une détérioration sévère de la parité du dinar. Deux éléments qui affectent davantage les équilibres fondamentaux. Traditionnellement, la revalorisation des salaires était opérée en référence, à la fois, à la croissance économique et au pouvoir d'achat effectif des salariés. Afin d'agir à promouvoir le progrès social sans décourager l'investissement. Grâce à une bonne répartition des fruits de la croissance, par définition négociable, et à une bonne appréciation de l'évolution du coût de la vie. Ce qui se passe en Tunisie depuis la révolution, c'est que la croissance s'est effondrée et que la revendication a prospéré. Mais il se trouve aussi que le coût de la vie a effectivement augmenté. Le fait est qu'en Tunisie, l'Etat est le premier employeur et que les salaires qu'il accorde sont bien supérieurs à ceux du privé. De sorte que la masse salariale publique est une forte composante du budget de l'Etat, composante qui n'a cessé de progresser depuis la révolution, aussi bien du fait des augmentations que suite aux recrutements massifs des amnistiés. L'Ugtt sait parfaitement que c'est l'excessive pression des frondes sociales — qu'elle ne cesse d'encourager — qui a affaibli l'Etat et conduit à la gigantesque crise qui paralyse le pays. Et l'Ugtt est bien consciente que l'impasse actuelle exige des sacrifices, c'est-à-dire des économies. Où donc aller chercher ces économies ? Sûrement pas sur le compte des investissements de développement, comme c'est le cas depuis la révolution. Et le gouvernement de solliciter, en guise de bouffée d'oxygène, un ajournement des augmentations salariales des fonctionnaires et une taxe fiscale exceptionnelle de 7,5% sur les bénéfices des entreprises excédentaires. Maintenant, s'entêter à gonfler la part de la masse salariale dans le budget de l'Etat pourra-t-il vraiment conduire à une revalorisation du pouvoir d'achat des employés publics ? Ou sera-t-il tout simplement un leurre suivi d'effets pervers en cascade dans le registre de l'inflation et des anomalies monétaires et financières peu recommandables ? En proposant une dose de patience et de sacrifice, le gouvernement d'union nationale a voulu éviter un tel tourbillon qui aggraverait la crise et conduirait à de graves désillusions. Alors que les augmentations illusoires ne seront que la «fausse monnaie» d'un militantisme de pacotille.