Le renforcement de la législation en termes de protection des données personnelles incitera les investisseurs étrangers à venir en Tunisie La protection des données personnelles est une question qui revêt de nos jours une importance capitale pour les acteurs économiques. Il en va même de la pérennité des entreprises puisque la perte des données personnelles peut nuire même à leur existence. Un risque que les acteurs économiques tunisiens commencent à peine à prendre en compte. A ce niveau, l'Instance nationale de protection des données personnelles (Inpdp) devra jouer un rôle stratégique dans la sensibilisation à cette question et aussi dans la réforme de la législation. Selon son président Chawki Gaddès, la Tunisie a de fortes potentialités pour devenir une plateforme de services, ce qui lui permettra d'être plus attractive pour les investisseurs étrangers. "Le renforcement de la législation en termes de protection des données personnelles incitera les investisseurs étrangers et les responsables de traitement des données à caractère personnel à venir en Tunisie. Ce genre d'opérations a généralement un coût très élevé. C'est une chance pour la Tunisie pour devenir un espace de confiance en se conformant aux normes européennes", indique-t-il. Sur ce plan, la concurrence est là : le Sénégal, le Maroc, les Iles Maurice, le Cap Vert et autres ont pris conscience des opportunités que peuvent présenter ce créneau. M. Gaddès affirme que cela contribuera à la création d'emplois et aussi à l'entrée de devises. D'ailleurs, la création de datacenters semble s'accélérer de plus en plus en Tunisie, témoignant d'une prise de conscience du stockage des données et des potentialités économiques qu'il présente. Révision de la législation Mais pour parvenir à mieux saisir ces opportunités, un effort de révision de la législation actuelle doit être entrepris en urgence. Selon le président de l'Inpdp, la loi organique de 2004, concernant la protection des données à caractère personnel, comporte certaines lacunes, en tête la non-obligation des institutions publiques à la protection des données à caractère personnel. Ce qui provoque le scepticisme des acteurs économiques privés et un gap de confiance. Il ajoute qu'il faudrait également réviser les sanctions, qui sont en majorité des sanctions privatives de liberté, limitant ainsi leur application. "Sur le plan international, la démarche consiste en l'instauration de sanctions pécuniaires supportées par l'entreprise. Nous travaillons sur cela dans le cadre de la révision de la loi", indique-t-il. Cette révision entre également dans le cadre de la conformité aux normes internationales. En mai 2015, une demande d'adhésion de la Tunisie à la convention 108 européenne pour la protection des données personnelles a été soumise. En juillet 2015, le ministère des Affaires Etrangères l'a présentée au gouvernement. En décembre 2015, elle a été approuvée au cours d'un conseil ministériel. M. Gaddès souligne qu'un projet de ratification sera présenté au gouvernement très prochainement, pour être soumis après à l'Assemblée des représentants du peuple pour adoption. Le président de l'Inpdp affirme également qu'une consultation sera lancée prochainement à propos du projet de révision de la loi de 2004. "Je suis en train de travailler de façon personnelle sur ce projet afin qu'il soit conforme avec un nouveau réglement européen qui entrera en vigueur en mai 2018. Ceci nous évitera de réviser le texte chaque année", précise-t-il. Il s'agit d'un réglement européen qui a été voté par le parlement européen et le Conseil de l'Europe, et qui va remplacer de manière automatique tous les textes nationaux européens. "La révision de la loi permettrait même à la Tunisie d'être précurseur par rapport aux Etats européens", lance-t-il. Souci d' indépendance D'un autre côté, il affirme que l'indépendance de l'Inpdp fait défaut, surtout eu égard aux normes internationales comme celle de Paris sur l'indépendance des instances de contrôle et de régulation ou aussi au protocole additionnel de la convention 108 européenne sur l'indépendance des instances. M. Gaddès ajoute que l'instance ne jouit pas non plus d'une autonomie financière et au niveau des ressources, puisqu'elle est rattachée au budget d'un département ministériel et est soumise aux règles de la comptabilité publique. Cela fait qu'elle est dépendante du pouvoir exécutif, ne lui permettant pas d'être assez autonomne et indépendante dans l'exécution de ses activités. D'ailleurs, elle n'a pas de personnel propre puisque son personnel est en détachement. Elle a seulement trois membres permanents, dont un président et deux magistrats, qui n'ont pas encore été nommés. Les 12 autres membres non permanents — des représentants des différents départements ministériels — assistent aux réunions et ne sont pas impliqués dans la gestion administrative. Actuellement, l'instance dispose de trois agents administratifs et trois ouvriers. Pourtant, l'Inpdp est en train de gérer 190 dossiers par mois, en comparaison avec 10 dossiers par mois auparavant. Ce qui fait que sa dépendance administrative et financière ne lui facilite pas la tâche et constitue un blocage pour ses activités, selon M. Gaddès.