Khan Younès, un drame qui résume à lui seul l'horreur vécue par des milliers de Palestiniens. Mohammed Abdel Bari, ancien imam et prédicateur respecté, porte désormais dans son mutisme le poids d'une souffrance insoutenable : l'anéantissement de 36 membres de sa famille sous les bombes, dont sa femme enceinte de cinq mois. Quelques mots griffonnés sur un bout de papier, ultime recours pour briser l'isolement : « Je vous en prie, faites entendre ma voix. » La suite glaçante de son témoignage, recueilli par Jawhara FM, décrit l'innommable. « Dès que j'ai vu le fœtus sortir du ventre de ma femme, le choc m'a coupé la parole. Depuis, je suis incapable de parler. » Miraculeusement tiré des décombres de sa maison, Mohammed revit en boucle l'instant où tout a basculé. « J'ai entendu mes enfants m'appeler depuis l'étage effondré... Je n'ai pas pu leur répondre. » La tête ensanglantée, le pied blessé, il a dû contempler l'impensable : les corps disloqués de sa mère, de ses frères, de leurs enfants. Ses derniers survivants, deux enfants gravement blessés, ont été évacués vers l'Egypte. « Je veux les rejoindre, les protéger, retrouver la parole pour leur raconter ceux qui manquent à notre table. » Une lueur fragile dans un récit qui, ailleurs, serait qualifié d'inhumain.